Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Visiteurs
Depuis la création 1 378 960
Newsletter
25 septembre 2011

«Elle, Ségolène!»: à Saint-Etienne, ses militants ont passé la surmultipliée

Dans MEDIAPART

| Par noemie rousseau

Saint-Etienne, de notre envoyée spéciale

«Moi j'ai pensé : Ségolène, c'est bien la meilleure. Le grand brun frisé aussi n'était pas trop mal mais y en a un qui m'agace, je ne sais plus comment il s'appelle... c'est le petit gros.» La passante commente le débat télévisé de la veille entre les candidats à la primaire socialiste. «Le petit gros... Hollande ?», interroge Josselin Thery, militant de Désirs d'avenir à Saint-Etienne, en lui glissant un tract. «Oui, c'est Hollande qui m'agace.» Sourire en coin. «Le grand frisé, c'est un ami.»

Ce vendredi après-midi, les ségolénistes sont en action à Saint-Etienne. Certains ont des t-shirts blancs barrés de slogans «votez Ségolène Royal», d'autres des badges et autocollants à l'effigie de la candidate, sans oublier les grands foulards bleus ou rouges. Christian, lui, a la panoplie complète. Au point de ralliement, ce retraité de l'enseignement brandit devant la dizaine de militants sa dernière réalisation, une pancarte : «facile à transporter, se fixe sur les stands et se pose dans la rue». Marie a anticipé, elle a mis ses baskets.

 

"Ségolène c'est la meilleure", dit la passante. "Ségolène c'est la meilleure", dit la passante.

Objectif de l'après-midi : tracter dans le quartier stéphanois de Beaubrun-Tarentaise. «Les mines sont juste derrière, c'est un quartier d'ouvriers. Considéré comme le cancer de la ville dans les années 1970, il a été rasé pour y reconstruire de grands ensembles», décrit Josselin Thery, jeune diplômé en voie d'insertion dans le secteur de l'urbanisme. Et Christian d'expliquer : «On va là où ça va payer le plus, faut être réaliste, nous n'avons pas les moyens de nous disperser.»

Josselin interpelle les passants en s'enfonçant dans les rues : «Si vous voulez vraiment qu'on fasse quelque chose pour les quartiers, votez Ségolène. Elle a fait 80% ici, à Tarentaise !»Et cela fonctionne. Ici, Ségolène, tout le monde la connaît, ou plutôt, la reconnaît : c'est l'opposante de Sarkozy.   

«Primaires citoyennes», «désigner le candidat du parti socialiste», le militant rappelle les dates, «1 euro, tout le monde peut participer». Une grand-mère voilée tire son cabas sans lever la tête. «C'est pour virer Sarkozy !» Elle s'arrête, regarde en biais la photo de la candidate que le jeune homme lui met sous le nez. «Ah oui, j'ai voté pour elle !» Battre Sarkozy en 2012, l'argument fait mouche à tous les coups. Reste à savoir s'ils se déplaceront aux urnes. Et s'ils trouveront les urnes. Car la plupart n'ont pas internet et n'ont donc pas accès à la carte des bureaux de vote en ligne sur le site du PS.

Christian, le retraité à la pancarte et l'œil rieur, préfère traîner derrière, en retrait. Il aborde les vieux d'origine maghrébine qui fument, assis sur un coin de mur, le long du trottoir, et engage la conversation. Un public qui «d'habitude ne prend aucun tract». Au Café de la place, les ségolénistes sont plébiscités. «Tu viendras le 9 octobre, on fera un covoiturage à pied tous ensemble pour aller voter», lancent les clients. Christian commence à ne plus toucher terre. «Les gens n'ont pas tellement l'habitude qu'on s'adresse à eux gentiment, poliment.» Rien que militer, ça le transporte. Là il rencontre un jeune qui sort de prison, ailleurs il parle communautarisme, cosmopolitisme, identité féminine.

 

Il y a quelques jours, il était du voyage, quand ils sont tous montés en car à Montreuil pour voir Royal. «Vous allez dans un meeting, vous comprenez tout de suite ce qu'est la fraternité. Il y a des gens de tous les âges, de tous les milieux, et ça frétille ensemble, c'est joyeux. Avec son air de Sainte-Nitouche, c'est quand même elle qui arrive à faire passer ce courant. C'est pas un match de l'ASSE, mais presque.»

Il rit, l'imite quand elle salue mollement de la main. «Moi, ça ne me fait ni chaud ni froid... et elle, ça l'amuse, elle a de l'humour, elle est intelligente.» Il rit encore, il est heureux, lui qui ne donne pas de tract s'il n'y a pas de discussion. «On n'est pas là pour faire du quantitatif.»

En plus, ils sont un peu ric-rac niveau tracts. Désirs d'avenir a prévu « 50.000 euros pour la campagne des primaires dans toute la France », précise Josselin. Ils seront à sec dès la semaine prochaine s'ils ne peuvent pas se fournir sur le stock de la section du Rhône.

Dérapages contrôlés

«Nous, on est présent sur le terrain quand les autres font les gros bras dans la presse», taquine Josselin. Et puis, vu le «dénigrement systématique de Ségolène Royal par les médias», ils préfèrent rester sur du contact direct, d'autant qu'à ce niveau là, le champ est libre. Il se murmure qu'au sein du PS stéphanois, un «pacte de non-agression» a été conclu entre les supporters de Hollande et de Aubry. En clair, personne ne fait campagne. Ce qui en dit long sur la façon dont on jauge, depuis le camp des deux favoris des sondages, la capacité de Royal à être au second tour. «Ils fonctionnent en vase clos, le parti, les militants», déplore Josselin.

«On ne distribue pas de tracts, on en a discuté entre nous (c'est-à-dire eux et les aubrystes)», reconnaît Florent Pigeon, qui anime depuis un an le comité départemental de soutien à Hollande. «Le vrai succès, c'est celui d'une forte participation. Tous ensemble, nous allons sur les marchés ou à la sortie des écoles expliquer le fonctionnement du scrutin.» Autrement dit, le collectif ou rien. Sauf que «des aubrystes ont bravé leur petit pacte de non-agression, on a retrouvé des tracts», nargue Josselin, le ségoléniste.

 

Les aubristes attendent les voyageurs à la sortie de la gare. Les aubristes attendent les voyageurs à la sortie de la gare.

Il s'agit en réalité du groupe «Les jeunes avec Martine Aubry», issu du MJS. Eux, on pouvait les apercevoir lundi matin à 7h30. Julien, Pierrick, Medhi, Johann, ils sont une dizaine à attendre les voyageurs aux portes de la gare. Quand ces militants parlent d'Aubry, c'est souvent pour la comparer à Hollande.

Aubry a avec elle «les forces vives», Hollande «les élus, le réseau». Et Royal ? Et Désirs d'avenir ? « Un club de supporters», lâche négligemment l'un d'eux. Hopopop ! Julien freine des quatre fers et rectifie : «C'est avant tout des camarades.»

Autour du café, fusent néanmoins quelques piques quand on les pousse : «militantisme éphémère», «adoration», «fan club», un entre-soi où le «soutien aveugle et béat empêche toute forme de débat»... Tout est illico corrigé : «On est complémentaire.» Cette campagne interne est si «conviviale», «amicale», elle est «respectueuse».

Les mêmes mots tournent en boucle, chez les partisans de Hollande, comme chez Aubry. «Les discours tenus à l'intérieur du parti en 2006 n'ont plus cours aujourd'hui, le 17 octobre (lendemain du second tour de la primaire) tout le monde se rassemble», assure Julien. Son ami Pierrick ne peut s'empêcher de faire remarquer : «On l'a peut-être lâchée mais Ségolène s'est aussi mise toute seule dans l'arène.»

Le scénario ne se reproduira pas, Julien en est convaincu, «les ségolénistes viendront». Et si c'est à eux, les aubrystes, de suivre Royal ? «les ségolénistes viendront»... «Elle, elle est socialiste, ce sont ses militants qui ne viennent pas aux réunions.»

Retour à Beaubrun-Tarentaise, avec ces ségolénistes qui brillent tant par leur absence aux réunions du PS. Ces réunions, Charlotte, justement, n'en garde pas un très bon souvenir. Elle a passé quatre ans au MJS avant de le quitter. «Voter Ségolène, c'était pas bien vu. Il ne fallait pas critiquer Aubry ou Hollande, seulement Royal. C'est pesant au bout d'un moment. A Désirs d'avenir, je suis là pour mes idées. Durant les réunions, on parlait toujours de l'appareil politique, des personnalités... La politique, ce n'est pas un métier. Se battre d'abord pour un poste, ça tue toute une lutte...» A Désirs d'avenir aussi, les dérapages sont contrôlés: la militante ajoute aussitôt un post-scriptum à sa tirade : «On entretient une entente cordiale, ce sont des amis, on continue de se voir, seulement, on ne parle pas politique.»

Tout en arpentant d'un pas tranquille les rues de l'ancien quartier de mineurs, Christian raconte être un de ces «adhérents à 20 euros». Au départ, il était réticent, son épouse l'a convaincu. Elle a abandonné la partie après la défaite. Lui continue, plus déterminé que jamais. «Je me suis dit que j'allais faire péter le parti. Et cette fois, si ça marche, c'est le ciel qui va tomber sur Solférino.» Et si cela ne marche pour personne, c'est «la fin du PS». Là-dessus, on est d'accord dans tous les camps.

Après 2007, il y a eu 2008. Le Congrès de Reims. «Ici, ça a été sanglant», commente Josselin. A l'écouter, c'est dans cette épreuve que les militants se sont «soudés». Le sentiment d'injustice s'est transformé en «hargne»: «On a été muselés. Aujourd'hui on donne tout, on attend notre revanche.»

 

Lors de la primaire, il y aura un ségoléniste dans chaque bureau de vote «pour veiller à ce qu'il n'y ait pas de triche». Silence de Josselin. Il prévient, «une fois, pas deux». La page est tournée. Oui, mais... «Le magistrat censé garantir la neutralité du scrutin est un ancien militant. Il est neutre, mais pas pour Royal.» En face, ils ont beau être «plus doux», les ségolénistes ne baissent pas la garde.

« ls ont peur avec Royal de ne pas avoir les postes qu'ils veulent. Parce qu'elle est capable, comme dans sa région, de les donner à des citoyens lambda ! Et puis, à nous elle l'a dit : "Même si je gagne, je n'ai rien à vous offrir"», raconte Josselin.

La légende est en marche. Ségolène portée par le peuple, rejetée par ses pairs, se bat, seule contre tous. L'épopée chantée par les ségolénistes est ponctuée d'actes de bravoure qu'on leur a rapportés. Devant son café, Josselin fait part d'un de ces épisodes:

Lumière tamisée, à l'arrière d'une voiture. L'héroïne «se recoiffe». L'automobile filait vers le salon du livre de Saint-Etienne. Un homme est assis à côté d'elle, le référent de Désirs d'avenir de l'époque, après le congrès de Reims. Il lui conseille de rejoindre le maire de la ville, pour qu'ils descendent ensemble les marches jusqu'aux étals jonchés de littérature. Mais l'homme «avait pris la tête de Désirs d'avenir pour tuer le mouvement !», assure Josselin. Elle continue de se coiffer, impassible. Et sans même détourner le regard, elle vire le déloyal et nomme sur-le-champ un remplaçant, l'autre passager, témoin de la scène. La voiture s'arrête, la dame range son peigne et son miroir de poche, descend pour traverser seule le parking noir, fendre la foule et rejoindre le chapiteau où l'on festoie...

«Les militants ont pour elle un esprit de protection énorme, elle a tellement ramassé et nous aussi»

Encore à La Rochelle, lors de l'université d'été du PS, on leur a reproché d'être des «illuminés», «d'aimer Ségolène avant le socialisme». Car voilà, à Désirs d'avenir, beaucoup de phrases commencent par «elle». «Elle n'aime pas la hiérarchie», «elle a dit que quelque chose s'était levé», «elle s'est fait plaquer, s'est retrouvée seule avec ses gosses»... «Elle» est sur toutes les lèvres. Pourtant, il n'y a pas qu'elle, il y a aussi ses idées, ses actions, son programme.

C'est sans doute ce combat-là qui leur tient le plus à cœur. Aussi paradoxal soit-il. Car ils l'aiment sincèrement leur Ségolène, un peu décalée, un peu coincée. Mais plus ils l'aiment et plus ils l'affublent de ce costume d'idole qu'on lui reproche d'arborer sur la scène politique. «Les militants ont pour elle un esprit de protection énorme, elle a tellement ramassé et nous aussi», analyse Josselin.

Que faire ? Ecrire un livre bien sûr ! Sur la petite dizaine de ségolénistes stéphanois rencontrés, deux l'ont fait : Et si c'était elle en 2012 ?, un e-book d'Henriclès (pseudonyme), un plaidoyer pour Royal, et De quoi Ségolène Royal est-elle le nom ?, un petit format relativement épais (288 pages) auquel Etienne (sous le pseudonyme de Eleuthère E.R.) a consacré son été entier. Des ouvrages édités à compte d'auteur, les tirages sont sur commande.

Au fil des pages, Etienne recoupe tous les discours de Royal. Il puise dans les bouquins qu'elle a signés, organise, ordonne. «Je ne voulais pas la dénaturer.» Les morceaux s'emboîtent, l'ordre juste est érigé en paradigme du système : le ségolénisme. Est-ce qu'il pourrait vivre sans Royal ? Epineuse question. «Elle a insufflé une nouvelle façon de faire de la politique qui restera, la démocratie participative. Désirs d'avenir avec ses universités populaires a assuré une véritable veille sociale.»

 

Etienne, auteur de "De quoi Ségolène Royal est-elle le nom ?" Etienne, auteur de "De quoi Ségolène Royal est-elle le nom ?"

Et cet étudiant en cinéma âgé de 23 ans, d'expliquer : «A travers ce livre, je voulais mettre en valeur sa pensée politique, montrer l'antériorité de certaines idées. Elle a défriché le terrain, levé des tabous, sur le rassemblement républicain, la sécurité, le drapeau français, le pass contraception... Aller au-delà des préjugés "elle est belle" ou "elle est cruche".»

Sur ce point justement, « quand on creuse, il n'y a rien derrière sinon sa bourde sur la bravitude en 2007. Si ça se résume à ça l'incompétence, que dire de Sarkozy qui massacre tous les jours la langue française ?».

Le jeune homme est aussi à l'origine de la ségothèque, un site web qui compile tous les documents relatifs à la candidate, là aussi une initiative militante. Pas de ségoléno-saturation ? « Non. » Quand il a offert son livre à l'intéressée, son staff lui avait déjà mis entre les mains un exemplaire. «Elle a dit : "Alors on retrouve dedans tout ce que les autres m'ont copié." Et en public : "Ce qui est important, c'est que les idées fassent leur chemin", c'est un bon positionnement », estime le jeune homme. «Sur le plan des idées, elle a déjà gagné.» Ce jour-là, le jeune homme blond et élancé en fait la démonstration à qui veut bien l'entendre.

Cela tombe bien car les choses se corsent pour le groupe de ségolénistes qui progressent en direction du centre. Ils ont choisi un point stratégique : la CAF, qui génère un flux constant, constitué des classes sociales les plus pauvres, mais pas seulement. Et là, on remet parfois en question la capacité de Royal à écraser Sarkozy. Certains se moquent, d'autres pouffent. La réaction est parfois épidermique.

«Dans les milieux les plus politisés, les gens commencent à sourire quand je parle de Royal. Et puis, ils comprennent que je la soutiens. Eux aussi, mais ils n'osaient pas le dire.» A en croire Etienne, il y a encore des ségolénistes dans le placard. Pour convaincre, il sort l'artillerie lourde : la croissance verte, la France des PME et l'inéligibilité de tout politique ayant eu des démêlés avec la justice... «Ségolène, la plus écologiste des écologistes.» Il a imprimé chez lui le «Contrat avec la nation» de Royal et martèle : «Onze des trente propositions du projet socialiste viennent d'elle.» Il défend sa championne bec et ongles.

Une dame prévient : «Que Sarkozy soit réélu, c'est pas plus mal, j'en ai marre de payer pour les assistés.» Elle préfère payer pour les banques ? Le mari tique. Elle, campe sur ses positions. Trois militants viennent en renfort. Sarkozy incarnation de la rigueur, c'est trop pour eux. Ils s'époumonent. L'époux, un ancien du PCF, a grandi et ne croit plus en rien, «bonnet blanc, blanc bonnet». Entre les «tous pourris», il intercale des «vous verrez». S'il s'émeut de voir qu'il y a encore une jeunesse qui défend ses idées, pour lui, 2012, ce sera sans doute Marine. Visiblement, sur ce bout de trottoir, personne ne s'entend. Mais le couple reste, comme fasciné par tant d'exotisme.

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
J
car les enjeux en ce moment sont si forts... que l'information édifiante qui est aussi tellement urgente à faire connaitre doit être diffusée au grand maximum! Mais parfois il y a le cas de journaliste - de talent - qui gagne sa vie aussi avec son blog... j'en ai rencontré un. Et ça aussi c'est compréhensible. Dans ces cas je ne mets qu'un extrait .<br /> Amitiés et bonne soirée
Répondre
G
car tu sais choisir les meilleurs articles et ceux que tu publies devraient être honorés de passer sur ton blog, surtout que tu leur fais de la pub en laissant leurs coordonnées, et ceux qui te tapent sur les doigts devraient comprendre que nous avons toutes et tous le même but..Encore heureux qu'ils ne réclament pas des droits d'auteur ,merde alors qu'elle mentalité!!!! à + et amitiés , guevaranita : (segofan@yahoo.fr)
Répondre
J
je cherche les articles intéressants! ..; et je me fais même taper (pas souvent) sur les doigts pcque je mets l'article entier , mais je pense que ça fait aussi en qque sorte de la pub pour l'auteur et le blog que je fais figurer en tête :-S<br /> <br /> Merci pour le compliment ttefois... <br /> Amitiés
Répondre
G
il est génial ton article ,franchement le jour où j'ai découvert ton blog, j'ai été guidée par la main de "Dieu" .............Je rigole, mais c'est vrai c'est un des meilleurs blogs que je connaisse.....Bonne continuation et amitiés, guevaranita
Répondre
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Derniers commentaires
Archives
Publicité