L'affaire Trierweiler, beaucoup de bruit pour rien... ou pire

Hervé Gattegno, rédacteur en chef au "Point", intervient sur les ondes de RMC du lundi au vendredi à 8 h 20 pour sa chronique politique "Le parti pris".

Sur  Le Point.fr - Publié le 05/10/2011 à 10:17 - Modifié le 05/10/2011 à 12:21

Une polémique a éclaté hier au sujet d'une éventuelle enquête policière sur la compagne de François Hollande, la journaliste Valérie Trierweiler. J'ai l'impression que cette affaire vous laisse sceptique. Votre parti pris : beaucoup de bruit pour rien... ou pire. Que voulez-vous dire ?

Il faut être d'accord avec ce qu'a dit François Hollande : "Si c'était confirmé, ce serait très grave." Le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, a dit la même chose. Ils ont raison tous les deux : c'est vrai que ce serait scandaleux d'espionner la compagne d'un homme politique, a fortiori une journaliste, car la presse bénéficie de protections légales pour pouvoir exercer son métier librement. Le problème, c'est que rien de tout cela n'est avéré et qu'on en est au stade des "peut-être". Il y a même eu un démenti catégorique de la préfecture de police - ce qui n'empêche pas le tourbillon des réactions indignées et des protestations solennelles. Pardon de le dire, mais je trouve ça déraisonnable, disproportionné, et même un peu ridicule.

Vous ne croyez pas qu'une telle enquête ait pu être ordonnée ?

La basse police, ça existe. Les mauvaises rumeurs aussi. Là où nous sommes en plein emballement - pour ne pas dire en plein délire -, c'est que l'article qui a tout déclenché est en réalité écrit à la forme interrogative et qu'il cite des "sources policières concordantes", mais sans donner aucun détail. Si vous lisez bien, il n'est même question que d'un "ordre" qui aurait été donné pour faire cette enquête, mais il n'est dit nulle part si cet ordre a été exécuté. Bref, on n'en sait rien, ça n'empêche pas d'en parler - et moins on en sait, plus on crie fort. Les partisans de François Hollande exigent des enquêtes, la transparence... Le pompon à Pierre Moscovici qui est allé jusqu'à dire qu'il "ne peut se contenter de vagues démentis". Il me semble pourtant que le démenti est moins vague que l'accusation...

Vous iriez jusqu'à soupçonner une manipulation ?

Je soupçonne surtout beaucoup de légèreté et pas mal de cynisme, équitablement répartis entre la presse et les politiques. Il est déjà arrivé que des sources policières concordantes livrent de fausses informations. Il est aussi arrivé que des journaux sérieux prennent des vessies pour des lanternes - j'ai lu récemment sur le site de L'Express que j'avais moi-même recueilli une interview de DSK qui pourtant n'a jamais existé... Tout le monde peut se tromper. On pourrait quand même se demander l'intérêt de faire établir par un service de renseignements en 2011 une "notice biographique fouillée" sur la compagne de François Hollande alors qu'il suffit de lire les gazettes. Quand François Hollande faisait des blagues, il aurait pris cet épisode à la rigolade. Comme candidat sérieux à la présidence de la République, il me semble qu'il réagit un peu vite - et un peu fort.

Comment une histoire pareille peut-elle se terminer ?

En queue de poisson, c'est, hélas, le plus probable. Maintenant que la police dément, c'est à L'Express de faire un pas. Il faut que le journal en dise plus sur ce qu'il sait : des dates, des faits. Est-ce que cette prétendue enquête a été effectuée ? Si oui, pourquoi les fonctionnaires à qui on l'aurait demandée ne le révèlent qu'aujourd'hui ? Si on reste dans l'équivoque, ce n'est bon ni pour la police - qui n'a pas besoin de ça en ce moment -, ni pour la presse - qui n'a jamais besoin de ça -, ni pour la campagne électorale. Morale de l'histoire : dénoncer la basse police ne suffit pas à faire de la haute politique.

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