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21 décembre 2011

Hollande : projet ou programme ?

Analyse | LEMONDE | 21.12.11 | 15h17

par Michel Noblecourt (Editorialiste)

Vivement 2012… A quatre mois du premier tour de l'élection présidentielle, le 22 avril 2012, François Hollande semble impatient d'entrer dans le vif de la campagne, au diapason de militants socialistes qui attendent qu'il brise enfin l'armure. Et qu'il sorte de la relative discrétion qu'il observe depuis sa désignation à la primaire du 16 octobre. A la mi-janvier, le candidat socialiste devrait présenter son projet présidentiel. Il lui faudra répondre à une attente forte de la part d'un électorat parfois dérouté par ses hésitations. Il lui faudra aussi combattre l'image que la droite, avec une férocité qui va aller crescendo, tente de donner de lui : un homme indécis, inexpérimenté, pas à la hauteur de la charge qu'il revendique.

Ennemi "des formules faciles, des incantations", le député de Corrèze n'entend pas tomber dans le piège de la machine à promesses, celle qui ne fait que semer des illusions vite déçues. La "stratégie dans la durée" qu'il a choisie devrait le conduire à adopter une démarche très différente de celle des candidats socialistes aux présidentielles de 2002 et de 2007. Lionel Jospin et Ségolène Royal avaient fait de leurs projets des programmes fourmillant de propositions. L'ancien premier ministre avait publié un opuscule, Je m'engage, où il prenait dix engagements mais préconisait, en mélangeant priorités et propositions, 67 mesures. Le 11 février 2007, à Villepinte (Seine-Saint-Denis), Mme Royal avait présenté, dans un discours où elle évoquait d'emblée "une dette publique devenue insoutenable", "un pacte d'honneur et de confiance" décliné en 100 propositions.

 

M. Hollande devrait éviter le catalogue de promesses. En d'autres termes, il devrait présenter davantage un projet, centré autour de grandes priorités, qu'un programme entrant dans le détail des mesures. Une démarche qui s'explique par trois raisons. La première résulte de la gravité de la crise et des faibles marges de manoeuvre avec des caisses de l'Etat vides. "Gouverner sera très difficile", a prévenu Laurent Fabius, chargé de préparer les cent premiers jours après une éventuelle victoire, en se basant sur une fourchette de croissance de "0 % à 0,6 % en 2012", alors que la récession menace. Dans le courriel qu'il a adressé, mardi 20 décembre, aux 700 000 sympathisants qui, lors de la primaire, se sont dits prêts à se mobiliser, M. Hollande se garde bien de promettre la lune : "La crise économique, l'endettement public record, la montée du chômage nécessiteront, pour être conjurés, un effort de rassemblement et de justice pour redresser notre pays."

La seconde raison tient à la volonté de bien découpler les deux séquences politiques de 2012 : en mai la présidentielle, en juin les législatives. Pour la première, le candidat défend son projet ; pour la seconde, le Parti socialiste présente son programme pour la législature. Les deux démarches convergent mais ne se confondent pas. Cela explique le soin mis par M. Hollande à ne pas rechausser ses habits de premier secrétaire du PS, et à se tenir soigneusement à l'écart de sa vie et de ses remous internes, quitte à laisser certains de ses proches ne pas être investis aux législatives, sans être pour autant à l'abri des éclaboussures provoquées par les affaires de la fédération du Pas-de-Calais.

Au lendemain de l'accord entre le PS et Europe Ecologie - Les Verts, dont la droite faisait son programme présidentiel, M. Hollande avait indiqué qu'il n'en appliquerait que les mesures "les plus essentielles", faisant le même distinguo entre le projet 2012 du PS et ses engagements présidentiels. "Je suis socialiste, avait-il déclaré le 28 novembre sur BFM-TV, je défends des idées qui sont inspirées par le Parti socialiste. Mais j'aurai à rassembler les Français plus largement." Un souci qu'il exprime dans sa lettre aux sympathisants : "J'aurai besoin de la participation de chacun, bien au-delà des partis qui soutiennent ma candidature."

Garder sa liberté et sa crédibilité est la troisième raison, la plus essentielle, de cette stratégie. M. Hollande parle d'effort et de redressement, mais il veut rassurer, notamment les couches populaires, en assurant que rien ne sera fait sans équité ni justice sociale. Dans un entretien à La Vie du 15 décembre, il a commencé à lever le voile sur son projet : "Ma priorité, c'est le redressement du pays, de ses comptes publics, de sa production et de son moral.""Il n'y aurapas d'adhésion sans solidarité", proclame-t-il. "Je porterai trois grandsengagements, écrit-il aux sympathisants : le pacte productif pour rehausser le niveau de l'emploi et de la croissance, le pacte redistributif pour réduire les inégalités, et le pacte éducatif pour faire de la jeunesse la grande priorité du prochain quinquennat."

M. Hollande affichera aussi une ambition de rupture avec la méthode de gouvernement de Nicolas Sarkozy. Le "président normal" qu'il veut être - même s'il n'utilise plus la formule - "respectera les citoyens et les valeurs de la République". Il entend ainsi s'appuyer sur un renouveau de la démocratie sociale, en faisant inscrire le droit à la négociation dans la Constitution et en recherchant les accords et les contrats avec - et entre - les partenaires sociaux, comme entre l'Etat, les collectivités locales, les PME et les grandes entreprises. Une conférence sociale serait rapidement convoquée, avec l'emploi et les retraites à l'ordre du jour. Avec son "rêve français" dont le récit débutera par la rigueur, le candidat socialiste sait que, s'il est élu, il sera confronté à un exercice du pouvoir des plus périlleux dans un environnement européen en crise. Dans un tel contexte, croire qu'il pourrait bénéficier d'un véritable état de grâce relèverait d'une pure illusion.


noblecourt@lemonde.fr

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