Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Visiteurs
Depuis la création 1 378 953
Newsletter
29 février 2012

JL Mélenchon: Hollande, les 75% et l'OTAN. Marine Le Pen

 

Le jour où j’ai recueilli 9,99 % dans les sondages !

Sur le blog de JL Mélenchon
 
Ce billet a été lu 3 699 fois.

J’ai écrit cette note face à la Manche, sous un ciel bas et gris mais soyeux comme une étoffe. Ecrire ne m’a rien coûté, sinon du temps. Au repos, j’ai plus de temps pour regarder autour de moi et dans la presse. La passion est intacte, je peux vous le dire. C’est à peine si la lecture de mon ami Jean-François Robredo et de son si captivant « Les Métamorphoses du ciel » arrive à m’arracher durablement de l’accroche du moment. J’ai laissé pour cet été le livre d’Henri Peña-Ruiz sur Marx. Car je connais l’art d’Henri ! Si je m’y mets maintenant, mes discours vont être à nouveau farcis de références trop sulfureuses pour notre époque. Ici, il sera question du passage de François Hollande à l’émission de TF1 et de ce que j’en ai retenu. Car je l’ai suivie avec attention. J'ai relevé deux points précis dans son intervention. Une annonce surprise qui, même improvisée et mal fagotée, avance symboliquement dans le bon sens en matière fiscale. Et une confirmation déplorable concernant l'OTAN. Ensuite il va être question de ma prochaine émission sur TF1 où je suis traité fort mal. Puis je reviens sur la famille Le Pen.

Hollande a donc promis par surprise une tranche d'imposition à 75 %. L’effet d’annonce est très intéressant car on y voit un mouvement dans notre sens. Comme une réponse aux progrès de nos thèses dans l’opinion de gauche. Je veux donc l’encourager dans cette nouvelle voie. Mais il faut bien maitriser le dossier pour s’y hasarder. En effet pour convaincre d’une massive réorganisation de la répartition de la richesse il faut avoir une cohérence globale du projet. Les mesures doivent toutes se lier les unes aux autres. Ce n’est pas encore le cas dans le projet Hollande,  je crois bien. Voyons cela. Sa mesure s’applique, si on a bien compris, pour la tranche de revenu au-delà d'un million d'euros de revenus. Ce serait une belle intention si elle n'était pas déconnectée du reste de son projet fiscal. Car jusque là le projet de François Hollande défendait la création d'une tranche supplémentaire d'imposition à 45 % au dessus de 150 000 euros de revenus par an. J'ai déjà dit ce que je pensais de cette proposition qui taxe moins les riches que ne le faisaient Chirac et Villepin (48,09 %) et surtout beaucoup moins que Jospin (52,75 %) et Mitterrand (65 %). Plaquée sur ce projet fiscal très timide, la nouvelle tranche à 75 % est un ajout bizarre du point de vue de ce qu’ont dit jusqu’à présent les dirigeants socialistes.

Elle va entraîner un effet de seuil très important ! Car elle crée un énorme trou dans la progressivité de l'impôt entre 45 % et 75 %. Les forts taux d'imposition ne sont légitimes que quand ils grimpent graduellement. Pour cela il faut créer de nombreuses tranches. Comment justifier chez Hollande qu'un euro gagné par quelqu'un qui a 990 000 euros de revenus par an soit taxé à 45 %, alors que l'euro gagné par quelqu'un qui aura 1 million de revenus sera taxé à 75 % ? C'est justement pour éviter ces à-coups dans l'imposition que nous proposons, au Front de Gauche, la création de 9 nouvelles tranches pour aller des 41 % actuels au taux de 100 %. Et ce taux ne s’applique  que d’après un indicateur qui peut être lui-même discuté et non d’après un chiffre choisi au hasard. Notre tranche à 100% intervient au-delà de 20 fois le revenu médian, soit 360 000 euros par an. La proportion de 20 fois est choisie en parallèle du chiffre de l’écart maximum autorisé dans une entreprise entre le plus haut et le plus bas salaire dans notre plan! Pour nous c’est un tout que les proportions à appliquer dans tous les domaines sur un sujet aussi symbolique.

Le caractère improvisé et du coup assez symbolique de la nouvelle tranche 75 % de Hollande se vérifie quand on examine le nombre de contribuables concernés. A peine 0,02 % des contribuables seraient touchés, soit environ 4 000 personnes. Cela rapporterait au mieux 1,6 milliards d'euros. Alors que la proposition du Front de Gauche de créer 9 nouvelles tranches progressives jusqu'à 100 % rapporterait plus de 20 milliards d'euros. Et rien que notre dernière tranche à 100 % au-delà de 360 000 euros par an toucherait 0,2 % des contribuables, soit environ 40 000 très riches. 10 fois plus que la tranche de Hollande. On est ainsi face à deux logiques différentes. François Hollande affiche une mesure symbolique sans impact majeur sur le plan fiscal. L’intention est louable mais la méthode très hasardeuse ! L’alternative est d’organiser une véritable révolution fiscale qui modifie en profondeur la répartition des richesses avec le Front de Gauche.

L'autre annonce qui m'a frappé concerne l'OTAN. François Hollande a déclaré qu'« il ne s'agit pas de dire que nous allons sortir du commandement intégré de l'OTAN ». Ah bon ? Alors pourquoi avons-nous voté contre la décision de Sarkozy quand j’étais au PS ? Surtout que François Hollande lui-même rappelle  que c'était « une mauvaise décision » de Sarkozy. Pour donner une tournure plus positive à ce renoncement, son directeur de campagne Pierre Moscovici avait indiqué un peu auparavant qu’« il faudrait donner du sens à la présence de la France au sein du commandement intégré de l'OTAN ». Cela rappelle la volonté de François Hollande de « donner du sens à la rigueur ». Au moins, sur cette question de l'OTAN, la déclaration de Hollande sur TF1 n'apporte pas de nouveauté. La dernière proposition du projet de François Hollande indiquait en effet : « Je m’attacherai à ce que l’OTAN retrouve sa vocation initiale : la préparation de la sécurité collective. » François Hollande confondait ainsi l'ONU et l'OTAN. La "sécurité collective" est l'objectif de l'Organisation des Nations Unies tel que le définit l'article 1 de la Charte de San Francisco : « Les buts des Nations Unies sont les suivants : 1. Maintenir la paix et la sécurité internationales ». A L'inverse, selon l'article 5 du Traité de l'Atlantique Nord, l'OTAN a pour mission d'« assurer la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord », c'est-à-dire la sécurité des Etats-Unis d'Amérique essentiellement. L'OTAN n'a jamais eu pour mission d'assurer la "sécurité collective". Et sa "vocation initiale" à laquelle fait référence François Hollande était de protéger les Etats-Unis d'Amérique et leurs alliés européens contre l'Union Soviétique dans le cadre de la guerre froide. La seule chose qui ferait que "l'OTAN retrouve sa vocation initiale" serait que l'URSS réapparaisse… Hé ! Hé ! François, est-ce bien raisonnable ? De tout cela il ne reste qu’une chose : avec François Hollande on reste dans l’OTAN. Avec le Front de Gauche on quitte l’OTAN. C’est clair, non ?

TF1 a fait son choix politique pour sa grande émission de l'élection présidentielle. Trois « prime time » à droite : Bayrou, Le Pen, Sarkozy, un à gauche : François Hollande. Au total six heures pour la droite, trois pour la gauche ! C’est la période de « l’équité » ! Je suis « invité » moi aussi. La gloire ! Mais je passe en soirée, juste après madame Le Pen ! Laquelle dispose d’une heure trente ! Quel symbole donne la chaîne ! Excellente remise à niveau pour ceux qui aurait cru autre chose à son sujet ! Bref, on ne me verra pas avant vingt-deux heures trente. Bien sûr, il y a aura des débordements horaires de la madame qui boude. Je risque de passer beaucoup plus tard. Naturellement les responsables, le moment venu, prendront leur impayable tête d’épagneuls tristes pour le regretter. En privé. On ne me verra seulement que quarante minutes. Vous avez bien lu : une heure et demi pour les fachos, une heure et demi pour Bayrou, quarante minutes pour nous ! Car telle est selon la chaîne « l’équité » qui s’impose ! C’est tellement énorme que peut-être même le CSA va faire les gros yeux, entre deux siestes lucratives. Pas grave. Tout le monde s’en fout dans la profession de ce que raconte le CSA ! Il n’y a qu’à voir quelle suite a été donnée à ses précédentes admonestations. Ainsi va la période de « l’équité » ! Une suite d’abus honteux, sans limite ni sanction, encadrée par des recommandations et de pontifiantes déclarations d’organismes impuissants qui servent de bonne conscience au système. Car cette magnifique commission a déjà fait le coup de « constater » fin janvier que l’équité avait signifié que 7O% du temps de l’audiovisuel avaient été affectés aux seuls UMP et PS. Et ensuite ? Que s’est-il passé ? Rien ! Elle a constaté, c’est tout. Et maintenant elle prévoit de faire un bilan fin mars, c’est-à-dire quand ce sera trop tard ! Car à ce moment-là ce sera la période de l’égalité. Et cette période que vaudra-t-elle quand on sait que plusieurs médias et non des moindres ont annoncé que cette « égalité » était impraticable ! Tel quel ! Il faudra vous souvenir de tout cela chaque fois que vous entendrez tous ces précieux défenseurs de la liberté de la presse faire leur numéro sur les médias au Venezuela et bla bla bla. La seule liberté qu’ils réclament c’est celle d’être tous d’accord pour faire parler en abondance qui ils veulent, faire taire les autres, mentir eux-mêmes sans pouvoir être repris, et biaiser ainsi tous les débats.

Une telle liberté ne nous concerne en rien, cela va de soi. Ni sa défense. Ni davantage celle des olibrius qui mènent cette comédie. Le moment venu va falloir libérer les médias des chaînes qui les enferment dans ce rôle ! Le programme du Front de Gauche le prévoit. Et moi j’en ai la ferme et inflexible volonté. Surtout après avoir observé ce qui s’est passé face aux révolutions citoyennes de l’Amérique du Sud. Partout les lobbies médiatiques ont été sur la brèche contre-révolutionnaire. J’y ai même lu des appels au meurtre des présidents de gauche, des propos racistes et ainsi de suite. Fous ceux qui croient qu’il y a des limites. Rien ne fera jamais oublier que le grand journal du soir au Chili, le « Mercurio » a reconnu trente ans après les faits avoir été payé par la CIA pour attaquer sans relâche Salvador Allende et justifier le coup d’état !  Ne croyez pas que ce genre de vilenie soit réservé aux autres. Voyez dans les télégrammes de Wikileaks qui défile à l’ambassade des Etats-Unis et vous aurez une idée de la permanence de certains procédés. Donc si vous le pouvez, n’hésitez pas à faire savoir de tous côtés votre avis sur ces manières de faire. J’ai déjà dit dans ce blog pourquoi il importe qu’à chacune de ces circonstances nous approfondissions la compréhension par le grand nombre de ce qu’est en réalité la « liberté de la presse » dans notre pays. Et combien il est précieux pour nous qu’augmente sans cesse autour de nous le nombre de ceux qui comprennent la situation et n’ont aucune confiance dans le système médiatique et ses figures de proue.

La préparation de l’émission  de TF1 est elle-même un exercice qui fait froid dans le dos comme un grand oral de l’ENA ou de HEC d’où sortent toutes ces belles personnes. Pour mes quarante minutes il y a douze thèmes possibles, en « général ». Comme je n’ai que ça à faire il est vraisemblable que je vais passer mon temps à les potasser. Bien sûr que non ! Surtout que ce genre de panel est un non-sens absolu. Impossible d’y donner une vision d’ensemble qui explique votre angle d’entrée sur un problème. On commence tout de suite par les « détails » soit disant « concrets ». D’ailleurs le mot « concret » est répété cent fois par l’animatrice socio-culturelle de la soirée. Elle n’a pas hésité à demander à François Hollande « concrètement » quel serait le prix de journée « concret » qu’il envisageait « concrètement » dans les maisons d’accueil des personnes âgées dépendantes. Je pense qu’il faut se préparer concrètement à avoir un avis concret sur la taille concrète des mailles des filets de pêche à la berlue d’eau douce ! Sinon quelle preuve serait aussitôt donnée de mon incompétence révélée par le « panel de vrais français » concrets et leurs « problèmes concrets » ! Le plus lamentable dans cette pantalonnade est qu’elle relègue, avec leur accord, les journalistes au rang de potiches spécialisées dans la politique politicienne ! Entre deux vagues de questions « concrètes » sur le prix de journée des maisons de retraite, ils sont autorisés à poser de pauvres questions sur les alliances de deuxième tour hors de tout contexte et de tout contenu. Ils n’en ont que plus de mérite à avoir obtenu de François Hollande quelque chose de neuf avec sa nouvelle tranche d’impôt à 75 % que personne pourtant ne songea à analyser « concrètement ». Il est vrai qu’il faudrait avoir des connaissances concrètes en dehors de celle qui consiste à répéter en boucle le mot « concret ». Concours pour lundi soir : combien de fois le mot « concret » et ses variantes seront utilisés.

Nicolas Sarkozy refuse un référendum sur les traités européens. Il argue qu’il ne sait quelle question serait posée compte tenu de la complexité du sujet et du nombre de pages des traités. Comme preuve du contraire il estime que le traité pour ou contre la monnaie unique avait un sens par sa simplicité. Tout cela est affligeant de puérilité politique. Il n’y a jamais eu de vote pour ou contre la monnaie unique. Le Traité de Maastricht qui contient cette question était déjà un document touffu et interminable en longueurs. Le Traité constitutionnel européen soumis au référendum en 2005 était incroyablement long et complexe. La complexité d’un sujet ne pourra jamais être un sujet d’empêchement en démocratie. Ou alors il faut renoncer à l’idée que le peuple tout entier est souverain. Le régime où quelques-uns sont réputés savoir mieux que les autres par ce qu’ils sont meilleurs porte un nom depuis l’antiquité où il fut imaginé : c’est le gouvernement des aristocrates. Comment peut-il l’ignorer. Ceux qui lui préparent ses réponses et ses argumentaires, eux, le savent bien. J’estime qu’en usant d’un tel argument il ne s’agit pas seulement d’une sottise d’enfummeur. Il est question d’une offense pour l’esprit républicain. Je crois que celui qui est censé incarner le cœur du système républicain doit avoir à cœur d’être toujours très clair sur l’énoncé des fondamentaux du régime républicain. Au risque du malentendu, je parle à ce sujet de « religion républicaine » dont l’énoncé doit être sans cesse rappelé.

Quand une question est formulée très simplement et porte sur un objet unique est-elle pour autant une question simple ? Tout dépend du sujet et non de la forme de la question. Si l’on faisait un référendum réduit à la seule question « pour ou contre la monnaie unique » ce ne serait pas un sujet aussi simple que l’énoncé de la question. En effet serait en cause tout l’arrière-plan économique du choix et les nombreuses conséquences de ce choix dans des dizaines de domaines. Un exemple encore plus frappant est celui qui se constaterait si un référendum « pour ou contre la peine de mort » était organisé. Qui oserait dire qu’il s’agit d’une question simple en dépit de la simplicité de l’énoncé ? On voit qu’elle renvoie à de multiples présupposés moraux, idéologiques, empiriques et ainsi de suite. La valeur d’un référendum ne tient donc pas à la simplicité du sujet du sujet à trancher mais à l’intérêt de ce qui est mis en débat. Cet intérêt s’évalue en fonction de ce qu’il modifie dans la vie de tous. Et aussi du caractère plus ou moins irréversible de la décision à prendre. Le régime des inscriptions à Pôle emploi n’a aucune légitimité à être tranché par le souverain convoqué en assemblée générale pour un référendum. Une loi suffit et dans l’absolu une autre loi peut tout défaire quinze jours plus tard. Les délégués, c’est-à-dire les députés, peuvent décider sans problème : ils peuvent consulter avant de voter et ils rendront compte de leur vote le moment venu. Il en va tout autrement d’une délégation de souveraineté comme celle que contient un traité européen. Par définition l’engagement est censé être irréversible. Par définition il modifie le souverain lui-même en lui retirant des pouvoirs qui le définissaient. Tels sont les raisons pour lesquelles le référendum sur les traités européens est non seulement légitime mais nécessaire.

Je suis conscient qu’une telle exigence est à des années lumières des préoccupations étroites des favoris du PMU de la présidentielle. La misérable défausse des socialistes noyés dans l’abstention en atteste. Ce vote n’a aucun sens d’intérêt général. Il n’est pas question de l’intérêt du pays ni d’aucune préoccupation de ce type. Juste un arrangement entre soi. Cette vérité pitoyable du sens du vote des socialistes sur le MES est avouée par Richard Yung sénateur socialiste des français de l’étranger sur son blog, noir sur blanc. C’est bien ce que j’en disais dans ma note de blog sur le sujet. Il s’agit d’un simple arrangement interne entre courants du PS. « Pourquoi s’abstenir, position peu glorieuse et peu compréhensible ? Parce que la gauche du parti s’est déchaînée sur cette question, essayant de refaire le scénario du Traité constitutionnel. Il était clair qu’il n’y avait pas – à mon grand regret – au sein du groupe PS à l’Assemblée nationale, une majorité sûre pour le voter et que les défections auraient été nombreuses (une vingtaine finalement lors du vote). La situation est différente au Sénat, où une majorité favorable aurait été trouvée. Mais il nous a semblé au Sénat que la division entre les deux groupes socialistes desservirait François Hollande et offrirait un argument d’attaque à Nicolas Sarkozy. Voilà les raisons de notre choix, qui est partagé par le groupe des Verts ». Donc l’abstention socialiste au Sénat est exclusivement destinée à ne pas laisser voir une opposition entre socialistes. Et cela avec l’argument risible de ne pas donner prise à Nicolas Sarkozy… au moment même où l’abstention lui permet de faire passer son traité ! Tel est l’état de déchéance intellectuelle et politique de cette équipe, face à la terrible métamorphose austéritaire de l’Union européenne. Naturellement la manœuvre ne règle rien entre eux. A preuve la prise de position du MJS contre le MES. Sans oublier le fait que ni leur bureau national ni le groupe à l’Assemblée n’aura voté sur le sujet. Hollande a décidé, les autres ont appliqué. Mais qui se soucie encore de tels détails dans cette organisation ? Tel est l’actuel PS. Un décor autour de l’escalier qu’emprunte la nomenclature pour rejoindre ses prébendes. Au Sénat, trois socialistes ont voté non sur plus de cent vingt ! L’appel au vote d'abstention a été fait dans la bonne tradition : c’est Jean-Louis Carrère, le bras droit d’Henri Emmanueli dans les Landes, un des animateurs du « Non » en 2005 qui a été nommé pour faire la salle besogne. Huit sénateurs verts sur dix ont voté contre. Cohn-Bendit a sa réponse.

Dès l'investiture de Marine Le Pen à la présidence du FN en janvier 2011, nous avons compris que la bataille avec le FN changeait d’époque. Bonne occasion d’en finir avec la stratégie du reproche moral qui a été non seulement inefficace mais aussi contre-performante. Nous avons alors opté pour une stratégie de « réplique argumentée ». Un changement d’époque pour nous aussi, hier partisans de la lutte pour l’interdiction du Front National. Nous nous sommes bien vite mis au travail. Nous avons décidé de lui tenir tête et de ne rien laisser passer à chacune de ses déclarations et propositions. C’est ce que nous appelions entre nous la ligne « Front contre Front » ! La première étape visible de cette stratégie d'affrontement fut le duel organisé le 14 février 2011 sur BFMTV et RMC entre elle et moi. Nous l’avons considéré comme un banc d’essai approfondi et travaillé dans une préparation minutieuse et fouillée. La rencontre a eu lieu. Elle fut honteusement méprisée par la bonne presse. « Match nul » avait titré « Libération » en page dix-huit. « Le Monde » avait fait un bref compte rendu renvoyant, lui aussi, tout le monde dos à dos. Tous les autres n’en tinrent aucun compte.

Ce fut une double leçon. D’abord celle du bilan du choc lui-même. Comme nous l’avions minutieusement préparé, nous étions en état de faire un bilan précis sur chaque point. Nous avons eu la conviction que madame Le Pen était très mal préparée et que ses faiblesses en économie et repères historiques lui joueraient des tours. De même nous avons clairement perçu chez elle une volonté de contourner les thèmes centraux de l’extrême-droite. Il est devenu évident que la dédiabolisation qu’elle visait affaiblissait l’impact du discours du Front National davantage qu’elle ne le renforcerait. On se promettait le moment venu d’y revenir. S’agissant des médias, c’était une surprise. Nous pensions qu’ils s’intéresseraient à l’approche nouvelle, c’est à dire argumentée, de notre combat.  Nous avions tout à fait sous-estimé leur fascination pour la dame. Et encore moins une plus ou moins secrète banalisation de la haine des arabes et des musulmans qui infeste nombre de rédactions, plus ou moins consciemment. C’est là que se trouve la racine de la sidération, au sens littéral, qui a abaissé les défenses naturelles de l’organisme anti-raciste et républicain. Il culmina parfois avec des pics de grossièreté.

C’est dans « Télérama » du  7 janvier 2012, page 24, que j’ai trouvé l’illustration la plus éclatante de cet état d’esprit, sous la plume de Christine Angot. La rédaction de ce journal, pourtant loin de la réaction à gros sabot, n’a pas éprouvé le besoin de se mettre à distance des relents nauséabonds de cette prose. Lisez mes amis ! « J'aime son sourire, écrit Christine Angot. Ses petites dents bien rangées qui apparaissent sous les lèvres fines lui donnent une expression qui, c'est la définition du charme, n'appartient qu'à elle, même si, à y regarder de plus près, on dirait que ce sont les mêmes dents que son père, qui n'apparaissent que dans les rires. La spécialité de la famille, ce n'est pas le coup de gueule, c'est l'éclat de rire. Les yeux qui pétillent, le regard qui brille, de faire d'aussi bonnes blagues en empathie avec le public. Son père a toujours aimé emmerder le bourgeois, elle le reconnaît. Au Parlement européen, la fille rit encore des plaisanteries du père, elle ne peut pas se retenir. Les dimanches en famille ça ne devait pas être triste. Ce que les gens veulent en France, c'est ça, rigoler. Un débat à la télé avec Marine Le Pen on ne s'ennuie pas. La mode est aux humoristes féminines, aux clichés détournés, les codes ont changé, Marine Le Pen est de son temps, plus encore que la tradition familiale, elle suit le mouvement. Florence Foresti ose dire qu'elle s'ennuie au square quand elle y emmène sa fille, le nouveau code c'est inverser l'ancien, avec une seule constante : continuer d'éradiquer les nuances. Elle suit le mouvement : vous vous êtes trompés, c'est le contraire, le contraire absolu, je ne suis pas anti-juive, je suis anti-arabe, l'extermination était une abomination, point d'exclamation. Son père, tout le monde s'accorde maintenant à le trouver lourd comparativement, comique troupier, moins dangereux, les pères ne font plus peur quand on a compris leur dialectique. Il ne nous faisait pas peur, il nous faisait honte. Or, elle, elle veut le respect. Elle est « extrêmement » attachée à sa réputation, « extrêmement » fait trembler les murs tellement elle insiste. » Consternante prose. Et sans réplique, je veux le rappeler.

Au fond, le FN relooké par la séduction et les bonnes manières féminines de Marine Le Pen, c’était devenu un objet fréquentable et peut-être même profitable pour la bonne société et ses bouffons déjantés. Frédéric Joignot dans « Le Monde magazine » de cette semaine, fait une révélatrice récapitulation de ce qu’a été cet état d’esprit, sous le titre : « Je ne pense qu’à ça ». En commençant par citer « Libération » où l’on a pu lire « Allons au nœud du problème, au plus dur : la sympathie qu’inspire Marine Le Pen » Et de citer Patrick Besson qui la décrit : « Elle m’attendait lente et patiente ses longs cheveux blonds encadrant son visage d’une beauté sévère, carrée, presque militaire ». Joignot conclut : « Tous, fin janvier, semblaient rêver de danser avec elle à Vienne au bal des néo-nazis du FPÖ, l’extrême-droite autrichienne ». Je le voyais bien, en effet. Coté mâle, la sidération n’a pas hésité à s’habiller de prétextes plus lourdingues. Ainsi quand, selon Joignot qui le rapporte, Régis Jauffret écrit : « C’est exactement le genre de fille qu’on a envie de sauter entre deux portes ». Cette version féminine érotisée du fascisme n’est pas un hasard. Le journal « Marie-Claire » a fait une superbe enquête sur ce thème pour constater comment dans toute l’Europe et dans le nouveau monde, l’extrême-droite a mis en avant des visages féminins pour donner au mal la force rendue banale de la suavité féminine. C’est d’ailleurs dans ce registre qu’a été organisée la ligne de défense du lendemain de la déroute télévisée de Marine Le Pen face à moi sur France 2. Sur internet, les trolls et les partisans ouverts, ont lourdement chargé sur mon agressivité masculine et ainsi de suite. Ce n’est pas un hasard si le père Le Pen a fait mine de s’étrangler dans le même registre en m’accusant d’être « un voyou » qui « s’attaque  une femme ». Et Jean-Michel Aphatie, sans innocence, aussi relaya l’offensive en dénonçant ma « mysoginie » révélée selon lui par ma boutade sur la « semi-démence » de la madame. Naturellement rien ne révèle mieux la distance qui sépare tous ces gens du féminisme que leurs réflexes de protection à l’égard des « faibles femmes », un classique du machisme ordinaire.

Ce qui me paraît remarquable depuis que tout ceci a eu lieu c’est l’extrême décalage que j’ai observé dans les réactions. Décalage des réactions des sommets et ceux de la base. Les retours de terrain sont très clivés. Ils nous parlent d’un choc entre l’enthousiasme des nôtres et du désarroi des autres. Les gens sont très nombreux à nous témoigner de la sympathie et à venir vers nous. A l’inverse, au sommet, dans les commentaires médiatiques l’essentiel va du côté d’un renvoi dos à dos, sur le mode « match nul entre nuls ». La croûte n’est pas percée. Le registre dominant reste la mise au même sac des populismes. Plantu est passé par là et il a réitéré ses saletés dans le dernier numéro de l’Express. Celui-là même où une brève interroge : « Marine Le Pen, nouvelle icône féministe ? » AAAAH ouiii ! Ça, c’est du journalisme ! La garde est totalement baissée. Au prix d’une incroyable cécité. Ainsi quand le père Le Pen en appelle à la solidarité des journalistes avec leur « confrère » Brasillach ! Pas une réaction. Consternant. Mais réagir aurait obligé à tout reconsidérer depuis le début. Me donner raison si peu que ce soi est, pour certains, plus répugnant qu’être assimilé à un criminel antisémite ! On connaît ! C’est la ligne « Plutôt Hitler que le Front populaire » qui fut le slogan de la droite anti-communiste avant la débâcle de 1940.

De tout cela nous avons tiré les leçons de longue main. En examinant le bilan de notre assaut sans effet de janvier dernier, j’ai imaginé comment je m’y prendrais pour recommencer sitôt que nous en aurions les moyens. Deux raisons à cela. D’abord ne pas renoncer à vouloir stopper la promenade de santé du Front National sur sa ligne soit disant « dédiabolisée ». Ce n’est pas le plus dur à imaginer. Mais pour le faire c’est l’occasion qui ferait le larron, je le savais bien. Cette dédiabolisation n’est pas une tactique qui résiste au choc, compte tenu de comment est faite la composition de cette mouvance. La victoire de Marine Le Pen au congrès du FN de janvier dernier est une apparence trompeuse. Sa ligne et sa candidature ne l’ont emporté qu’au prix d’une grosse, très grosse brutalisation du Front National réel. Le pari de Marine Le Pen serait un pari perdu d’avance selon moi sitôt qu’une résistance sérieuse se ferait jour. Mais elle s’y cramponnera car elle a tout misé là-dessus. Le deuxième objectif était d’obliger le large espace de  l’opinion progressiste et anti-raciste à se réveiller, bon gré mal gré. Comme il ne fallait rien attendre du système médiatique et des belles consciences, la partie se jouerait autrement. L’idée était qu’aussitôt atteint un point de crédibilité, la force acquise serait projetée sur la cible pour provoquer la bagarre qui l’obligerait à sortir de sa coquille. Ce que je n’imaginais pas c’est qu’elle se cramponnerait à la stratégie de la « respectabilité outrée » jusqu’au point de s’enfermer dans la bouderie absurde de l’autre soir. Notre offensive a commencé dès le lendemain de l’émission de France 2 en janvier. Dès que nous avons constaté, avec le succès imprévu du meeting de Nantes, que nous tenions le bon bout, j’ai attaqué dans tous mes meetings. A Metz et Besançon ce fut la grosse artillerie. Mais une seule étincelle : « semi démente », mis le feu à la plaine médiatique. Vous connaissez la suite jusqu’à cette semaine.

Depuis un an, nous n'avons cessé de travailler à mettre au point les munitions de la bataille. La réplique par le débat argumenté a fait l’objet de nombre de séances de formation et d’escarmouches bien analysées ensuite. Un grand nombre de dirigeants et militants du Front de Gauche se sont mobilisés pour décrypter les positions et les propositions de Marine Le Pen. Parmi mes proches deux responsables de premier plan se sont mis au travail le stylo à la main. Il s’agit d’Alexis Corbière, secrétaire national du Parti de gauche et de mon directeur de cabinet Laurent Maffeïs. Mafféïs a opéré la collecte systématique de nos arguments et en a présenté une version clef en main dans un livre d’accès facile : « Les cinq mensonges du Front national – Réplique à Marine Le Pen », publié en septembre dernier aux éditions Bruno Leprince. Fort de ce travail minutieux de décryptage, ce livre démonte méthodiquement les principaux rayons du fond de commerce lepéniste. On y découvre comment le "tournant social" mis en scène par Marine Le Pen n'est qu'un simple vernis sur un programme dont le fond reste particulièrement libéral. Au point de dessiner un véritable programme commun de l'UMP et du FN. La dernière proposition de Nicolas Sarkozy de baisse des cotisations salariales pour augmenter le salaire net étant d'ailleurs un copié-collé d'une proposition de Marine Le Pen. Ce livre démonte enfin quelques refrains médiatiques sur lesquelles le FN surfe depuis un an. De la dynamique électorale très relative de Marine Le Pen à son pseudo ancrage ouvrier du FN en passant par sa dimension de "femme" candidate. Ce livre ne s'arrête pas au démontage argumenté des propositions du FN. Il leur oppose à chaque fois les propositions alternatives portées par le Front de Gauche. Il porte un message d'optimisme de combat : il n'y a pas de dynamique Le Pen qu'une gauche claire et décomplexée ne puisse stopper et faire reculer. Dans les têtes et dans les urnes.

« Le Parti de l’étrangère. Marine Le Pen contre l’histoire républicaine de la France », a été publié début janvier par Alexis Corbière aux Editions Tribord. Alexis est professeur d’histoire. Il est aussi un des orateurs nationaux du Front de Gauche. C’est, durant cette campagne, un de mes conseillers politiques, aux côtés de Laurent Maffeïs sur toutes les questions qui concernent le Front National. Conseiller de Paris et Premier adjoint de la Maire du 12e arrondissement, il sera candidat du Front de Gauche aux élections législatives de juin 2012 dans la 8e circonscription de Paris. Il a relevé la longue liste de toutes les figures de la gauche, de la République ou de la résistance, dont se réclame depuis deux ans Marine Le Pen par voie d’affiche, dans ses discours ou lors d’émissions télévisées : Roger Salengro, Jean Jaurès, Victor Schoelcher, Charles de Gaulle ou Georges Marchais, etc…  Peut-on rester silencieux devant de telles appropriations, demande Alexis ? Elles se construisent le plus souvent sur des manipulations assez frustres, quand ce n’est pas du révisionnisme historique. Les engagements de chacun de ces personnages n’ont bien sûr rien à voir avec le discours actuel ou passé du Front National. Bien au contraire. S’ils étaient encore vivants, ils en seraient des adversaires résolus. Mais ces manipulations historiques doivent être pointées et comprises. Elles ont essentiellement pour but de masquer où sont les vraies racines historiques du Front National. Pourtant elles plongent dans le temps profond, depuis le long combat des penseurs contre-révolutionnaires, des adversaires de la République et des idées des Lumières. Même si le vocabulaire et la stratégie de l’extrême-droite ont beaucoup changé dans la vie politique de 2012 par rapport aux années 30, il n’en reste pas moins que bien des références et des slogans du FN ont pour origine des expériences de l’entre-deux-guerres. En ce temps-là aussi, certains se présentaient comme « Ni droite, ni gauche, Français ! ». Les principaux historiens s'accordent pour considérer qu'il y avait là une tentative de bâtir un parti « fasciste à la française ». La source d’inspiration intellectuelle de la direction du FN est là. Corbière vient de le montrer de nouveau dans sa dernière note de blog en partant de ce qu’a révélé le dernier coup de gueule du père Le Pen venant à la rescousse de sa fifille. Reste que son livre est une mine pour comprendre le présent des luttes du FN. En 192 pages, dans un style  clair, le livre d’Alexis apporte des éléments de réflexion et de réponse pour comprendre les impostures de Marine Le Pen. Il éclaire en quoi la filiation historique du Front national est étrangère à l’histoire républicaine de notre pays. C’est le paradoxe de cette famille de pensée : s’il y a quelque chose d’étranger à la France telle qu’elle s’est réellement construite, telle qu’elle est vraiment, c’est au FN que cela se trouve.

L’onde de choc de l’émission « Des paroles et des actes » n’a pas cessé de produire ses effets. Trois jours plus tard, le père Le Pen a désavoué sa fille en proposant le débat avec moi. Les grossièretés qui entourent cette offre ne font pas perdre de vue l’essentiel du propos. C’est un désaveu de la fille. Et un démenti à l’information relatée le soir même par les amis plus ou moins avoués du clan selon lequel le père aurait appelé sa fille dès le soir pour la féliciter. Je note que la réplique de ladite fille n’a pas tardé. Dès le lendemain aux « 4 Vérités » elle a pris ses distances avec lui à propos de ses déclarations sur le collabo antisémite Brasillach. Le feuilleton commence.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Derniers commentaires
Archives
Publicité