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27 mai 2012

En Irlande, les partisans du «non» veulent croire à un effet Syriza

| Par Ludovic Lamant

 

 

Les Irlandais s'apprêtent à voter, jeudi 31 mai, à l'ombre de la crise grecque. Ils sont les seuls, au sein de l'Union, à avoir l'occasion de se prononcer, par référendum, sur le « pacte budgétaire », ce nouveau traité européen défendu bec et ongles par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy du temps de leur splendeur. En Grèce, au Portugal et en Slovénie, les députés ont déjà ratifié ce texte, qui muscle encore la discipline budgétaire, et que François Hollande a promis de « renégocier ».

Officiellement, l'issue du vote irlandais n'aura aucune conséquence sur l'avenir du « pacte ». Lors de l'écriture du texte, les délégations européennes, prudentes, ont pris soin de préciser qu'il suffisait que douze pays (sur les dix-sept de la zone euro) l'adoptent, pour une entrée en vigueur dès 2013. Rien à voir avec de précédentes consultations sur l'île, dont le résultat avait paralysé l'Europe – les Irlandais avaient rejeté le traité de Nice en 2001 (avant de le ratifier l'année suivante), puis voté contre celui de Lisbonne en 2008 (avant, là encore, de changer d'avis en 2009).

Mais ce référendum enverra un signal politique fort au reste de l'Europe, à un moment critique pour l'avenir de la zone euro. Une victoire du « non » renforcerait le camp des adversaires de l'austérité, déjà requinqués par la victoire de François Hollande en France, et plus encore par la percée du parti de gauche Syriza en Grèce, le 6 mai. « Des millions d'Européens qui se battent contre l'austérité se réjouiront d'un "Non" irlandais », a pronostiqué Despina Charalampidou, une députée grecque de Syriza, qui s'est rendue à Dublin pour une conférence de presse jeudi.

« Une victoire du "non" en Irlande, et l'avancée de Syriza en Grèce, c'est le même combat », veut croire Paul Murphy, un eurodéputé irlandais du parti socialiste, une formation d'extrême gauche, joint par Mediapart. « Dans les deux cas, c'est un grand pas vers une autre Europe, pour en finir avec l'austérité, pour un changement radical. » Ce scénario faciliterait sans doute aussi la démarche du président français, dans son face-à-face avec la chancelière Angela Merkel, pour renégocier le traité.

Le premier ministre irlandais Enda Kenny, le 24 février, à Rome.Le premier ministre irlandais Enda Kenny, le 24 février, à Rome.© Reuters.


A l'inverse, si le « oui » l'emporte, l'Irlande va consolider son statut, aux yeux de Bruxelles, de bon élève, qui prouve que les politiques d'austérité marchent, à condition d'y mettre du sien. Des trois membres de la zone euro qui font l'objet d'un plan de sauvetage (avec le Portugal et la Grèce), l'Irlande est en effet le seul à avoir renoué avec une (très maigre) croissance (+0,7 % en 2011, +0,5 % attendu cette année), grâce à la reprise de ses exportations. Mais le taux de chômage, à 6,3 % en 2008, a explosé, et reste à des niveaux préoccupants (14,4 % en 2011). Le déblocage d'un deuxième plan d'aide, dans les mois à venir, est probable.

A Dublin, l'immense majorité des partis politiques fait campagne pour le « oui ». Le gouvernement en place depuis février 2011 – une coalition de partis de centre droit (Fine Gael) et de centre gauche (Labour) –, mais aussi le Fianna Fail (le grand parti historique de droite) et la majorité des Verts, veulent l'adoption du texte au plus vite. Ils avancent un argument massue : si l'Irlande rejette le traité, elle perdra l'accès aux prêts du Mécanisme européen de stabilité (MES), ce futur « FMI à l'européenne ». Ce serait alors la faillite, menacent-ils.

 

Repousser la date du référendum ?

Plusieurs ministres assurent également qu'en cas de rejet du traité, Dublin sera contraint de renégocier avec Bruxelles sa fiscalité particulièrement avantageuse pour les entreprises étrangères. Un sacrilège, pour bon nombre d'Irlandais. « Le gouvernement a choisi de faire peur aux Irlandais », dénonce Paul Murphy. « On va nous expliquer qu'en cas de "non", le ciel va nous tomber sur la tête, que nous n'aurons plus d'argent, que nous serons exclus d'Europe », avait prévenu, dès mars dernier, Andy Storey, un économiste de la University College of Dublin, partisan du « non », dans un entretien à Mediapart.

Deux principales formations appellent à bloquer le « pacte budgétaire » : le Sinn Féin de Gerry Adams, dont la cote de popularité est en forte progression, et qui pourrait devenir le grand gagnant du scrutin, et la United Left Alliance – une coalition de partis d'extrême gauche aux scores plutôt confidentiels. D'après les derniers sondages, le camp du « oui » reste largement en tête (37 %, contre 24 % pour le « non »). Mais la masse d'indécis (encore 35 % à une semaine du vote) rend le scrutin très ouvert.

« Ce référendum se résume à une entreprise de peur d'un côté, et à l'expression d'une colère de l'autre », résume David Farrell, de la University College of Dublin, au Financial Times. Peur de la banqueroute de l'île, colère contre les plans de rigueur à répétition. L'alternative n'est pas sans rappeler le discours définitif tenu par certains dirigeants européens, à l'approche des législatives du 17 juin prochain, aux Grecs : c'est l'austérité ou la sortie de l'euro.

Pour Fintan O'Toole, un éditorialiste réputé de l'Irish Times, qui avait prophétisé la crise irlandaise dans un très bon livre devenu un best-seller sur l'île, il faut voter « non » jeudi prochain, en raison de l'« absurdité » de la situation. A quoi bon se prononcer sur un texte que le président français veut renégocier, s'interroge-t-il ? « Cela n'a aucun sens, tant que l'on ne connaît pas l'accord qui sera passé. Nous demander de signer ce texte, avant même de connaître quelle sera l'autre partie du contrat (sur la croissance - ndlr) est une marque de profond mépris. »

Fintan O'Toole propose donc de voter « non, pour un oui plus tard ». Un « No but yeah » qui rappelle les changements d'avis des Irlandais lors des précédentes consultations sur les traités... D'autres personnalités ont exhorté le gouvernement, ces derniers jours, à repousser le vote du texte, et d'attendre les conclusions du Conseil européen de fin juin, afin d'y voir plus clair.

Mais le chef du gouvernement, Enda Kenny (du Fine Gael), s'y est systématiquement opposé. « Il est important de conserver cette date du 31 mai, parce que notre peuple doit envoyer un signal de fermeté, à l'Europe, concernant l'avenir de notre pays », s'est-il justifié. De là à penser que l'exécutif veut se dépêcher de voter, pendant que les sondages prédisent une victoire du « oui »...


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