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19 septembre 2012

Cumul des mandats: ces barons PS qui renient leur parole

Sur MEDIAPART

 

 

Dijon, de notre envoyé spécial

Mardi matin, Martine Aubry organisait son pot de départ au siège du PS, rue de Solférino. Harlem Désir, son successeur à la tête du PS, a eu droit à quelques mots. « Bon courage ! lui a lancé la maire de Lille. J'ai fait un peu de rénovation, toi, il t'en reste beaucoup à accomplir... »

Parmi les dossiers brûlants pour Désir : le cumul des mandats. Martine Aubry a beau avoir tapé sur la table cet été, le PS reste un parti de cumulards. Dans une lettre rendue publique fin août, juste avant de tirer sa révérence, l'ex-première secrétaire du PS avait rappelé les nouveaux parlementaires à leur obligation de se conformer à la « règle commune » des socialistes, adoptée en 2010 avec l'approbation des militants : « l'interdiction du cumul d'un mandat de parlementaire et d'un exécutif local » – maire ou adjoint au maire (quelle que soit la taille de la commune), président ou vice-président de conseil général ou régional, président d'une intercommunalité.

 

Martine Aubry et Harlem DésirMartine Aubry et Harlem Désir© Reuters

L'« engagement » a été signé par les parlementaires et candidats concernés lors de leur investiture. Fin août, Aubry les a donc exhortés à « démissionner au plus tard en septembre 2012 » des mandats en trop, sans attendre la loi promise par François Hollande, qui devrait être effective pour les municipales de 2014.

Lors de la primaire socialiste, le candidat Hollande avait pourtant prévu de la faire voter « dès le lendemain de l'élection ». L'exécutif a finalement préféré déléguer cette question sensible à une commission présidée par Lionel Jospin (lire par ailleurs notre article), qui devrait commencer à aborder le sujet dans les tout prochains jours, et rendre ses conclusions en novembre. Probable futur porte-parole du parti et proche de Jean-Marc Ayrault, le député de Seine-et-Marne, Olivier Faure, ne cache pas son désarroi. « On est de toute façon impuissants face aux élus, s'ils décident de ne pas jouer le jeu, parfois sincèrement en fonction de circonstances locales particulières. »

Députés et sénateurs avaient en théorie jusqu'au 17 septembre pour faire connaître leurs choix. Un premier bilan ? Sollicité, le service de presse du PS n'a pas fait suite à notre demande. Et pour cause : si quelques élus se sont pliés à la règle ces dernières semaines, ils sont nombreux à renâcler. Selon Rue89, 229 parlementaires socialistes (sur 407) refusent toujours de se plier aux règles du parti.

« Martine pensait que si on ne parvenait pas à mettre les parlementaires en accord avec la règle du parti, alors la loi ne se ferait jamais, ou ne serait jamais votée, explique un de ses proches. Car c'est uniquement en étant privés de cumul que les élus socialistes se seraient résolus à faire voter la loi. Non par conviction, mais pour que la droite soit logée à même enseigne. » Harlem Désir, lui, semble partisan d'une ligne plus souple. En l'écoutant, les proches d'Aubry se demandent s'il n'a pas déjà renoncé à faire appliquer les règles de non-cumul prônées par le parti... 

Mediapart a passé au crible les déclarations faites ces dernières semaines par les élus socialistes, dans la presse régionale notamment. Conclusions ? Bien des parlementaires du PS souhaitent toujours cumuler, notamment avec la fonction de maire, et le disent ouvertement. Avec des arguments parfois très étonnants pour des élus d'un parti qui, il y a un an, se gargarisait de « rénovation » et organisait une grande primaire démocratique pour désigner son candidat à la présidentielle...

 

 

CES TÉNORS DU PS QUI VEULENT CUMULER

« Le non-cumul, pas pour moi. » Tout un symbole : l'hôte des journées parlementaires du PS, le maire de Dijon François Rebsamen, n'entend pas se plier à la règle édictée par le PS. Par ailleurs président de la communauté d'agglomération dijonnaise, Rebsamen compte bien rester dans son fauteuil de maire jusqu'en 2014. Et celui qui est (aussi) chef de file des sénateurs socialistes demande en plus une dérogation pour ses collègues.

 

François RebsamenFrançois Rebsamen© Reuters

Ils « doivent pouvoir détenir un mandat exécutif local », dit-il. Bien des sénateurs à multiple casquettes lui emboîtent le pas. Comme Gérard Collomb, par ailleurs maire de Lyon et président de la communauté d'agglomération du Grand-Lyon, pour qui « la suppression pure et simple du cumul, c'est bête et méchant ». Son collègue François Patriat, président de la région Bourgogne, explique à la fois « conteste(r) les cumulards » tout en se prononçant « pour deux mandats : un local et un national ». « Sénateur-maire ça se passe très bien, c'est complémentaire », dit Bernard Piras (Drôme). Il est justement dans ce cas.

Figure du PS dans le Nord, Michel Delebarre (sénateur, maire de Dunkerque et de la communauté urbaine) attendra le vote de la loi. Sénateur et président du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, Daniel Percheron n'entend pas démissionner. Pas plus que Vincent Éblé, sénateur et président du conseil général de Seine-et-Marne, qui « respectera la loi quand elle sera mise en œuvre ». Mais pas avant.

 

G. BachelayG. Bachelay© DR
Cette charge massive, mais pas franchement inattendue des sénateurs (avec qui l'exécutif devra pourtant composer pour faire voter la loi, car la majorité au Sénat est très courte), ferait presque oublier que parmi les députés, d'autres ténors du PS ne respectent pas non plus les règles édictées par leur parti.

C'est par exemple le cas... du suppléant de Jean-Marc Ayrault. « On ne va pas se faire hara-kiri non plus ! » explique Jean-Paul Fougerat, par ailleurs maire de Couëron (Loire-Atlantique), qui craint de tout perdre quand son mentor quittera Matignon. Ou du nouveau numéro deux du PS, Guillaume Bachelay, suppléant de Laurent Fabius et toujours vice-président de conseil regional de Haute-Normandie, même s'il a démissionné en août de son poste de maire-adjoint à Cléon. Quant à Sophie Dessus, la maire d'Uzerche (Corrèze) qui a hérité de la circonscription de François Hollande, elle a bien quitté la vice-présidence de conseil général mais garde sa ville et la communauté de communes. Pour elle, la règle édictée par le PS n'est rien d'autre que de la « démagogie ».

D'autres figures sont en infraction avec les règles du parti. Comme Philippe Martin, député et toujours président du conseil général du Gers ; François Brottes, président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, toujours maire de Crolles, même s'il a abandonné la présidence de l'intercommunalité. Ou encore le rapporteur du budget à l'Assemblée nationale, Christian Eckert (Meurthe-et-Moselle), maire d'une commune de 2 000 habitants, et pour qui « l'idée du mandat unique est excessive ».

 

Henri EmmanuelliHenri Emmanuelli© Reuters
 
Député de l'Isère et maire de Grenoble, Michel Destot ne compte « pas démissionner de la mairie de Grenoble », mais dit travailler à sa succession. Figure de l'aile gauche du parti, député des Landes depuis trente-cinq ans, Henri Emmanuelli est toujours président du conseil général des Landes. Pour sa succession, il dit avoir « son idée » ... mais « l'annoncera en temps voulu ».

Porte-parole du groupe PS à l'Assemblée nationale, Thierry Mandon a bien quitté l'exécutif du conseil général cet été, mais ne compte pas lâcher la mairie de Ris-Orangis (Essonne) jusqu'au vote de la loi. Quant à Patrick Mennucci, qui aime bien jouer les M. propre du PS à Marseille, il cumule son mandat de député avec ceux de maire du premier secteur de Marseille et de vice-président de la communauté urbaine.

 

 

« Technocrates parisiens »

DES JEUNES DÉPUTÉS PAS TOUJOURS EXEMPLAIRES

 

M. HanotinM. Hanotin© DR

La jeune garde de l'Assemblée nationale n'est pas forcément plus exemplaire que les aînés. Nouvel élu du Lot-et-Garonne, Matthias Fekl, 34 ans, a démissionné du conseil municipal de Marmande mais reste, comme il l'indique sur son site, vice-président du conseil régional d'Aquitaine. Estelle Grelier, 39 ans, est toujours adjointe au maire de Fécamp et présidente de la communauté de communes. Mathieu Hanotin, 34 ans, reste vice-président du conseil général d'Essonne et n'y renoncera qu'à « moyen ou long terme » selon sa collaboratrice. Julie Sommaruga, 37 ans, est toujours adjointe au maire de Bagneux (Hauts-de-Seine). Quant à Olivier Dussopt, 34 ans, élu depuis 2007 et proche de Martine Aubry, il reste maire d'Annonay (Ardèche).

 

LES ARGUMENTS DES “PRO-CUMUL”

 Quand les médias les interrogent sur leur cumul, les élus avancent une batterie d'arguments. Parfois surprenants.

« Pas la priorité des Français »

« C’est trop tôt », juge Daniel Boisserie, député, mais aussi maire de Saint-Yrieix-la-Perche et président de l’intercommunalité. « La priorité ce n’est pas le cumul des mandats, quelques sujets développés par des technocrates politiques parisiens. (…) Est-ce qu’il n'y a pas plus important ? » Pour Jean-Pierre Blazy, député-maire de Gonesse (Val-d'Oise), « certains sujets préoccupent bien plus les Français, comme le chômage. Il n'y a donc pas besoin de se précipiter ! ». « On nous fait un mauvais procès, s'emporte le député de Dordogne Germinal Peiro, élu multicasquettes. Ce débat n'est pas la première préoccupation des Français. » « Pourquoi diable nous inventer des boîtes à gifle, s'insurge le sénateur Alain Anziani. Pensons-nous que les déficits publics, le chômage, le pouvoir d'achat, la sécurité sont des défis si dérisoires que nous pouvons y ajouter des polémiques socialo-socialistes sous le regard ironique de nos adversaires ? » 

« Attendons 2014... »

À l'instar de Michel Ménard, député et vice-président du conseil général de Loire-Atlantique, beaucoup l'assurent : « Le moment venu, ça ne me posera aucun problème. » Mais dans l'immédiat, beaucoup d'élus semblent obnubilés par la perspective des municipales de 2014, où la gauche risque de perdre des plumes. D'ici là, ils préfèrent donc passer outre les consignes de leur parti et s'en tenir à ce que dit la loi depuis 2000 : l'exercice d'un mandat parlementaire est incompatible avec plus d'un mandat local (conseiller régional, conseiller général ou conseiller municipal d'une commune de plus de 3 500 habitants).

 

Dominique GillotDominique Gillot© DR

On verra bien après, suggère avec des trémolos dans la voix David Habib, maire de Mourenx et député des Pyrénées-Atlantiques : « J'attends de voir ce qu'il y aura dans le texte de loi mais je me prépare, intellectuellement et sentimentalement, à aborder cette question qui sera douloureuse. » « Je n'ai pas l'intention de prendre une décision en huit jours. J'ai un engagement jusqu'en 2014. (…) Je ne me sens pas en infraction », explique Dominique Gillot, sénatrice-maire d'Éragny (Val-d'Oise) et vice-présidente de l'agglomération de Cergy-Pontoise. Luce Pane, élue au Palais-Bourbon et adjointe au maire de Sotteville-lès-Rouen, dit qu'« appliquer(a) la loi telle qu’elle aura été définie ».

Il est urgent d'attendre : tel est d'ailleurs l'argument systématiquement mis en avant par de gros cumulards comme Guy Delcourt (à la fois député du Pas-de-Calais, maire de Lens et vice-président de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin, ici), Rémi Pauvros (député du Nord, maire de Maubeuge et président de communauté d'agglomération,) ou Dominique Bailly, sénateur du Nord, maire d'Orchies et président de communauté de communes (ici).

Non au « désarmement unilatéral »

C'est l'argument fétiche de François Rebsamen : pas question de se mettre en danger tant que la loi n'obligera pas les députés de droite à en faire autant. « La question du cumul des mandats doit concerner la gauche comme la droite ! » estime Michel Boutant, sénateur et président du conseil général de Charente. « Je n'appliquerai cette règle que lorsqu'elle (...) s'imposera à tous, annonce le député de la Réunion Patrick Lebreton, maire de Saint-Joseph. Avant cela, n'attendez pas que j'abandonne l'un des deux mandats que m'ont confiés les électeurs. Je ne ferai aucun cadeau à mes adversaires de droite. »

« J'irai jusqu'au bout de mes mandats en 2014. Au nom de quel principe, seuls les maires socialistes devraient abandonner leur mairie ? » renchérit Jean Germain, sénateur et maire de Tours. Le député gardois Patrice Prat refuse de quitter son fauteuil de maire de Laudun-L’Ardoise parce que « les conditions ne sont pas réunies ». Au risque, estime-t-il, de laisser un boulevard à ses adversaires. Idem pour le maire de Carcassonne, Jean-Claude Pérez.

Certains évoquent aussi une « succession compliquée », à l'instar de Gérard Bapt, député qui entame son quatrième mandat et dit réfléchir à laisser sa mairie de Saint-Jean (Haute-Garonne). 

 

P. DuronP. Duron© DR

Député, maire de Caen depuis 2008, mais aussi président de Caen Métropole, Philippe Duron défend crânement le cumul. « En démissionnant maintenant, je me mets en position de faiblesse par rapport à un président de conseil général (de l'opposition) toujours à l’offensive, et qui est aussi sénateur. Si j’en étais à mon 4e ou 5e mandat de maire à Louvigny (son ancienne commune), je pourrais passer la main. La succession serait prête. Mais à Caen, ce n’est pas le cas. Je mettrais en danger toute mon équipe. » Une façon de dire : après moi, le chaos.

un truc à finir...

Impossible de laisser tomber des chantiers en cours, affirment d'autres élus pour justifier leur cumul. Député et premier adjoint de Lyon, Jean-Louis Touraine ne se voit pas « partir » :« Ma délégation est vaste et nous avons plusieurs dossiers brûlants. » Idem pour Mathieu Hanotin, qui entend rester pour suivre la construction de douze collèges en Seine-Saint-Denis (financés par des partenariats public-privé). « On a du travail encore », justifie le député et maire socialiste d’Alençon, Joaquim Pueyo, qui va céder sa vice-présidence au conseil général de l'Orne mais veut « terminer » son mandat de maire et de président de la communauté urbaine. Sénatrice du Pas-de-Calais et vice-présidente du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, Catherine Génisson ne quittera pas sa délégation régionale avant l'inauguration du Louvre-Lens, le 4 décembre. 

 

L'argument de la proximité

Certains élus remettent carrément en cause l'opportunité de limiter trop franchement le cumul. Car un mandat exécutif local serait la garantie, disent-ils, d'une proximité intime avec les électeurs. L'argument est martelé par les sénateurs. Il est aussi très utilisé par certains députés. « Le risque avec cette loi, c’est d’avoir des parlementaires privés d’attaches locales qui pourraient se transformer en apparatchiks de partis politiques », craint Philippe Nauche, député-maire de Brive. « On ne doit pas éloigner les parlementaires de la réalité du terrain », renchérit Alain Rodet, député-maire de Limoges. « Si je vivais à Paris et ne revenais qu'un week-end tous les quinze jours à Castelnaud, je serais vite coupé des gens d'ici », martèle le Périgourdin Germinal Peiro. Maire de Bais (Mayenne), la suppléante à l'Assemblée nationale du ministre Guillaume Garot, Thérèse Guilbert, veut « continuer » à « concilier » les deux mandats « car un député se nourrit de ce qu'il voit sur le terrain ».

 

Germinal PeiroGerminal Peiro© DR

Les maires des petites villes sont particulièrement remontés contre les consignes du PS. Car pour l'instant, il est tout à fait possible de cumuler un mandat de parlementaire et celui de maire d'une commune de moins de 3 500 habitants. Or la règle adoptée par les militants socialistes exclut tout cumul avec une fonction exécutive locale, et donc avec une mairie. Quelle que soit la taille de la commune... Sénatrice du Pas-de-Calais et maire de Cambrin (3 500 habitants), Odette Duriez ne s'estime donc même « pas concernée ». « Je ne suis pas concerné par le cumul des mandats, ni par la loi actuelle, ni au sens de la loi future », croit savoir Jean-Luc Drapeau, député des Deux-Sèvres, maire d’Azay-le-Brûlé (1 780 habitants), et suppléant de Delphine Batho. Même argument pour les député-e-s Dominique Chauvel (Seine-Maritime, ici), Jean-Michel Clément (Vienne, ), Yves Daniel, Sophie Errante (Loire-Atlantique, ici), Carole Delga (Haute-Garonne, ).

Pour beaucoup, lâcher mairie et communauté de communes semble être un crève-cœur, comme si cet ancrage local constituait la base indispensable de toute carrière politique.

 

M. VergnierM. Vergnier© DR
Député de Haute-Provence, Christophe Castaner a quitté la vice-présidence du conseil régional de Paca, mais reste ainsi maire de Forcalquier et patron de la communauté de communes. Réélu pour un huitième mandat au Palais-Bourbon en juin, Laurent Cathala (Val-de-Marne) est toujours maire de Créteil et président de la communauté d'agglomération.

Le député du Nord, Jean-Pierre Allossery, a lâché la vice-présidence du conseil général, mais « souhaite assumer mon mandat de maire jusqu'en 2014. (...) On doit tendre vers le mandat unique, mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Le mandat de maire, c'est celui auquel je suis le plus attaché ». Jean-Louis Bricout (Aisne) a démissionné cet été du conseil régional. Mais il n'est guère pressé de lâcher la mairie de Bohain. « La population bohainoise, ça ne la choque pas, au contraire : ça la rassure de savoir qu'elle a un maire député. » « Avant de me présenter aux législatives, j’avais consulté les militants en leur mettant le contrat en mains : j’y vais si je peux conserver mes autres mandats. Ils ont accepté et j’ai fait campagne », estime Michel Vergnier, député-maire de Guéret.

A priori plein de bon sens, l'argument de la proximité est pourtant très contesté par les tenants du non-cumul. D'abord parce qu'on peut rester tout aussi proche du terrain en étant simple conseiller municipal. Et ne pas être maire n'entrave en rien la carrière parlementaire, ajoute le socialiste Simon Sutour, élu au Sénat en 2008 sans jamais avoir exercé de mandat local. « Il est faux de dire qu'une réélection d'un sénateur sans mandat local est plus difficile. C'est un atout de pouvoir consacrer tout son temps à sa fonction et les grands élus le savent (…) Il n'y a qu'en France où on estime qu'un seul homme peut exercer tant de fonctions. »

Certains semblent en tout cas avoir compris que personne, même un notable local, n'est indispensable. « Les affaires de ma ville tourneraient bien sans moi... », réfléchit à haute voix Guy-Michel Chauveau, député-maire de La Flèche (Sarthe), qui songe désormais sérieusement à sa succession.

 

 

ils réclament des dérogations

Pour d'autres raisons, certains élus estiment que les mises en garde de Martine Aubry ne les concernent tout simplement pas.

C'est par exemple le cas des sénateurs élus avant 2011, et donc avant les nouvelles règles du PS. À l'instar de Marc Massion (sénateur de Seine-Maritime, maire de Grand-Quevilly et vice-président d’intercommunalité, ici) ou d'Alain Le Vern (sénateur du même département, et président du conseil régional), ils estiment tout simplement ne pas être visés. La lettre de Martine Aubry s'adressait pourtant à l'ensemble des parlementaires.

 

J. GuedjJ. Guedj© DR

Quant aux suppléants de ministres, la plupart mettent en avant la « précarité » de leur mission pour justifier le cumul. « Par définition, le job de ministre est précaire, il peut s’arrêter à tout instant. Et par conséquent, je ne me vois pas démissionner d’une fonction de président de conseil général, alors que le lendemain, pour des raisons diverses, le ministre peut redevenir député », dit Jérôme Guedj, suppléant du ministre de la ville, François Lamy.

« Le cas des suppléants, comme le mien, n’a (…) pas encore été abordé », argumente Pierre Léautey, député-maire de Mont-Saint-Aignan, suppléant de Valérie Fourneyron. Vincent Feltesse, maire de Blanquefort et président de la communauté urbaine de Bordeaux, assure qu'en tant que suppléant de Michèle Delaunay, il n’a « pas eu à signer une lettre d’engagement » en faveur de l’interdiction du cumul des mandats. Et si Carlos Da Silva (suppléant de Valls) a quitté cet été son mandat de conseiller municipal de Corbeil-Essonnes, c'est pour mieux garder son poste de vice-président du conseil général.

 

Gwenegan BuiGwenegan Bui© DR

Tous ne se réfugient pourtant pas derrière cet argument. Suppléant de Marylise Lebranchu, Gwenegan Bui (Finistère) vient de démissionnerdu conseil municipal de Morlaix, et a également quitté sa vice-présidence du conseil régional de Bretagne.

Enfin, les maires d'arrondissement des grandes villes (Paris, Lyon, Marseille), comme le député de Paris Pascal Cherki ou Patrick Mennucci à Marseille, affirment que leurs mairies d'arrondissement sont exclues du champ de la future loi mais aussi de celui de la règle du PS, car elles ne sont pas des « municipalités de plein exercice ». Là encore, les règles du PS concernent a priori toutes les mairies, sans exception.

« La cumularde, c'est Martine Aubry »

Pour justifier le cumul, certains élus semblent prêts à invoquer toutes sortes d'arguments, parfois assez baroques. Marc Goua, député-maire de Trélazé (Maine-et-Loire), affirme ainsi que le cumul participe à la « notoriété » d'une ville.

Quant à Patrick Bloche, maire du XIe arrondissement de Paris, il admettait en juin dernier qu'il était bien en situation de cumul... mais qu'il s'agit d'« un cumul récent ». Comme si cela en changeait la réalité.

P. KemelP. Kemel© Reuters

Autre argument : Philippe Kemel, député du Pas-de-Calais, maire de Carvin et vice-président du conseil régional du Nord Pas-de-Calais, ne s'estime pas « concerné » par la règle du PS tant que le recours déposé par son adversaire aux législatives, Marine Le Pen, n'est pas jugé.

Enfin, d'autres estiment que la plus cumularde de tous est... Martine Aubry, qui n'exerce pourtant pas de mandat parlementaire. « Maire d’une ville de 13 000 habitants, je trouve que ce cumul est moins gênant que celui de Martine Aubry qui est à la fois maire de Lille et présidente de la communauté urbaine », lance Guy Chambefort, député-maire PS d’Yzeure (Allier). « Je ne sais pas qui cumule le plus, moi ou la maire de Lille, présidente d’une agglo d’un million d’habitants. Je veux bien faire des efforts, mais qu’on ne me fasse pas la leçon ! » s'insurge Fabrice Verdier, député et maire de Fons-sur-Lussan (240 habitants). Député de Gironde et vice-président du conseil général, Gilles Savary dénonce même l'« injonction monarchique » de la maire de Lille.

 

QUELQUES BONS ÉLÈVES

Enthousiastes ou réticents, certains parlementaires se sont tout de même pliés ces dernières semaines aux règles adoptées en 2010 par les militants du PS, sans attendre la loi.

 

Claude BartoloneClaude Bartolone© Reuters

Le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, a démissionné de son poste de président du conseil général de Seine-Saint-Denis. Proche de Martine Aubry, le député Christophe Borgel a rendu son tablier d'adjoint au maire de Villepinte (Seine-Saint-Denis). Christian Paul, député de la Nièvre lui aussi proche de la maire de Lille, va quitter la vice-présidence du conseil régional de Bourgogne. 

À Rennes, les nouvelles députées Nathalie Appéré et Marie-Anne Chapdelaine ont quitté leurs postes d'adjointes au maire. À la Réunion, Monique Orphée et Éricka Bareigts ont quitté leur fonction d'adjointes à Saint-Denis, quand leurs collègues masculins continuent de cumuler. Catherine Beaubatie, députée de Haute-Vienne, a renoncé à sa vice-présidence du conseil régional et va faire de même pour son poste de maire adjointe. À Paris, en juillet les députées Annick Lepetit, Pascale Boistard, Seybah Dagoma ont renoncé à leur poste d’adjointes.

Philippe Baumel (député PS de Saône-et-Loire) a renoncé à son mandat de maire et de vice-président de la région Bourgogne. Raison invoquée : « la charge » de travail qui l’attend à l’Assemblée. Luc Belot, deputé du Maine-et-Loire, a démissionné début septembre de son mandat d’adjoint à Angers. Yves Durand, député du Nord, n’est plus maire de Lomme depuis le week-end dernier. Bernard Roman a quitté il y a quelques mois sa vice-présidence du conseil régional du Nord. En Côte-d’Or, Kheira Bouziane et Laurent Grandguillaume viennent de démissionner de leur mandat municipal. Philippe Bies, député du Bas-Rhin qui cumulait les postes à la mairie de Strasbourg, à l'intercommunalité et au conseil général, est en train de lâcher plusieurs mandats.

Autres bons élèves : les député-e-s Audrey Linkenheld (ici), Sylviane Bulteau (« C'est inéluctable. Il en va de la rénovation de la vie politique et de la démocratie »), Marie-Françoise Clergeau (« C'est un engagement qu'on a pris, il fallait le respecter. Franchir le pas demande un effort intellectuel. Mais aujourd'hui, j'en suis très heureuse. Ça offre davantage de temps pour nos missions parlementaires, davantage d'espaces aux élus municipaux, et cela permet de renouveler les personnalités politiques »), Martine Carrillon-Couvreur (), Monique Iborra (ici), Thomas Thevenoud, etc.

Ou encore Kleber Mesquida (Hérault), pas fâché de quitter son poste de maire de Saint-Pons-de-Thomières. « Vous savez, être maire, c’est souvent régler des problèmes de crottes de chiens. Ce sera du temps de gagner pour me consacrer au travail de député qui est très prenant, malgré l’image que les médias peuvent laisser en transparaître. »

Certains sont même allés plus loin que les injonctions du PS. Sylviane Alaux (Pyrénées-Atlantiques), “tombeuse” en juin de l'inamovible Michèle Alliot-Marie, vient de quitter son mandat de conseillère régionale, ce qu'elle n'était pas obligée de faire. « C'est une révolution culturelle indispensable, qui permettra un turnover des élus. Il faudrait aussi l'appliquer dans le temps pour éviter trop de mandats successifs. »

Quant à l'ancien député et ministre Jean-Louis Bianco, il a décidé cet été de se retirer de tous ses mandats à 69 ans, un âge plutôt précoce. « Je souhaite passer plus de temps avec ma femme, mes enfants et mon petit-fils, justifie-t-il. Il faut savoir passer la main, à d'autres désormais de reprendre le flambeau. » Ses collègues du PS sont loin d'être tous d'accord avec lui.

 

 

 

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