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25 février 2013

Michel Serres: "La saine famille"

 

 

Sur RELIGIONS

 serres1.jpg

Le philosophe et historien Michel Serres développe une brillante analyse sur la famille dans le numéro de février de la revue Études.
Photo Daniel Fouray

 

Titré La saine famille, l'article de Michel Serres tente de répondre à la question suivante :
"Pourquoi l'Europe, faisant ainsi exception, entra, en droit, politique, conduites et mentalités, dans l'ère moderne, alors que les sociétés voisines ou lointaines, demeuraient à l'état pré-moderne ?
Pourquoi et à quelle date ?"

Michel Serres ne prétend pas être le premier à s'être penché sur ce sujet et encore moins le premier à y répondre.

En revanche, il explique, avec le talent qui est le sien, la thèse reprise par Francis Fukuyama dans son livre Le début de l'histoire.

"L'auteur fait remonter cet avènement vers le Moyen Âge, et lui donne des causes religieuses plus qu'économiques. Trois chapitres de l'ouvrage portent les titres suivants, suggestifs : Le christianisme ébranle la famille ; L'Église devient un État ; l'État devient une Église", souligne Michel Serres.

Je reprends ci-dessous un extrait de l'article d'Études.

"Je résume la thèse. A partir du moine Hildebrand, devenu pape sous le nom de Grégoire VII et passée la querelle des investitures, l'Église se constitua, non sans mal, en une bureaucratie, assez vite internationale, cohérente, indépendante de tout pouvoir temporel, organisée autour de la hiérarchie du successeur de Pierre et réunie dans un espace restreint.

"L'obligation de célibat pour les prêtres y fut édictée en vue d'éviter les influences et les querelles opposant les familles puissantes, cherchant à se saisir des postes et à monopoliser le pouvoir ; elles pouvaient même déposer les papes.

"Dès lors que les clercs n'avaient plus d'enfants, ils ne participaient plus, du moins en principe, à ces luttes qui peuvent déchirer des générations entières et portent préjudice à la constitution d'une société fondée sur l'égalité devnt la loi, loi respectée même par le souverain."

"D'où l'idée, en effet, que, pour l'Église catholique, et pour elle seule sans doute, la famille n'est plus et ne peut plus être le fondement de la société civile, juridique ou politique."

Voilà qui mérite réflexion.

Et Michel Serres de conclure son propos ainsi :

"L'Église engendra la société moderne et cette modernité perpétue, souvent sans le savoir, les données du christianisme."


Pour compléter ce sujet, je reprends ci-dessous un autre petit texte de Michel Serres.

Il complète ce qui précède tout en étant dans l'actualité du moment.

"Le mariage gay et la Sainte Famille

"Cette question du mariage gay m’intéresse en raison de la réponse qu’y apporte la hiérarchie ecclésiale. Depuis le Ier siècle après Jésus-Christ, le modèle familial, c’est celui de l’Eglise, c’est la Sainte Famille.

"Mais, examinons la Sainte Famille. Dans la Sainte Famille, le père n’est pas le père : Joseph n’est pas le père de Jésus, le fils n’est pas le fils : Jésus est le fils de Dieu, pas de Joseph. Joseph, lui, n’a jamais fait l’amour avec sa femme.

"Quant à la mère, elle est bien la mère mais elle est vierge. La Sainte Famille, c’est ce que Lévis-Strauss appellerait la structure élémentaire de la parenté.

"Une structure qui rompt complètement avec la généalogie antique, basée jusque-là sur la filiation : la filiation naturelle, la reconnaissance de paternité et l’adoption. Dans la Sainte Famille, on fait l’impasse tout à la fois sur la filiation naturelle et sur la reconnaissance pour ne garder que l’adoption.

"L’Eglise, donc, depuis l’Evangile selon saint Luc, pose comme modèle de la famille une structure élémentaire fondée sur l’adoption : il ne s’agit plus d’enfanter mais de se choisir.

"A tel point que nous ne sommes parents, vous ne serez jamais parents, père et mère, que si vous dites à votre enfant “je t’ai choisi”, “je t’adopte car je t’aime”, “c’est toi que j’ai voulu”. Et réciproquement : l’enfant choisit aussi ses parents parce qu’il les aime.

De sorte que pour moi, la position de l’Eglise sur ce sujet du mariage homosexuel est parfaitement mystérieuse : ce problème est réglé depuis près de deux mille ans. Je conseille à toute la hiérarchie catholique de relire l’Evangile selon saint Luc, ou de se convertir."

Michel SERRES.

 

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