Ambiance ambiance au Quai d’Orsay. En pleine guerre au Mali, l’un des pays dont il avait la charge au ministère des Affaires étrangères, le diplomate chargé de l’Afrique de l’Ouest, Laurent Bigot, vient d'être débarqué de son poste du jour au lendemain. Une nouvelle illustration de ce qui commence à ressembler à s’y méprendre à une mini-crise dans les couloirs feutrés de cette administration sous l'ère Fabius.
Son limogeage fait en effet suite à ceux de l’ancienne directrice Afrique, Elisabeth Barbier (remplacée depuis par Jean-Christophe Béliard), et de Jean Félix-Paganon, un temps chargé du dossier du Sahel au Quai d’Orsay.
Connu pour son franc-parler et son expertise de cette région éminemment sensible, Laurent Bigot se retrouve désormais sans affectation. Un temps, il fut pressenti pour être ambassadeur au Burkina Faso. Mais un incident fâcheux a tout remis en cause. En juillet dernier, lors d’un colloque à l’Institut français des relations internationales (Ifri), il avait exprimé son point de vue «personnel», sans prendre de gants, sur la crise au Mali, croyant que son témoignage demeurerait confidentiel. Mais filmée par l’Institut, son intervention avait été mise en ligne… Il y qualifait le Mali de «démocratie de façade» et se disait très inquiet pour la stabilité du Burkina Faso voisin.
Laurent Bigot fait peut-être les frais de sa liberté de ton. «En réunion, il dit ce qu’il pense, quitte à aller à l’encontre de la ligne officielle», dit une source diplomatique. Tout comme face à ses interlocuteurs étrangers, qu’il n’hésite pas à bousculer s’il le juge nécessaire. Il a récemment fait part de ses réserves à un officiel africain venu demander un nouveau prêt financier à Paris, considérant que ce pays n’avait pas forcément fait un bon usage d’un précédent prêt.
Avant le début de l’opération Serval au Mali, ce haut fonctionnaire qui méconnaît la langue de bois s'était ainsi montré sceptique sur une approche purement militaire de la crise dans le Sahel, redoutant les effets induits sur une région déjà extrêmement fragile.
Sollicité par Libération, le Quai d'Orsay n'a pas encore donné suite à notre demande.