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11 avril 2013

Evasion fiscale : le bel avenir des paradis fiscaux

Sur le nouvel économiste

 

Difficile de faire fi de cette réalité : sur le marché de l’évasion fiscale, les paradis fiscaux offrent un « service » unique et donc pour certains irremplaçable, à défaut d’être justifiable

La terre dans un coffreHaro sur l’évasion fiscale et les paradis fiscaux ! Le phénomène des sorties de capitaux vers des “centres offshore” en vue de dérober cet argent à tout ou partie du paiement de l’impôt vient d’être remis crûment en lumière par l’affaire Cahuzac et les investigations du CIJI (consortium international de journalistes d’investigation). Le degré de tolérance à l’égard des paradis fiscaux qui ont prospéré pendant 30 ans parallèlement à la mondialisation a singulièrement diminué sous la pression essentiellement des opinons publiques.

Et ce qui hier était toléré est devenu, début de transparence aidant, insupportable. Ce qui n’empêche pas le phénomène d’être en expansion continue car les paradis fiscaux se trouvant à la croisée d’une offre – celle de pays souverains qui ont fait des régimes fiscaux attractifs leur spécialité – et d’une demande spécifique de la part de contribuables – entreprises ou particuliers – en quête d’allégements fiscaux offrent un “service” unique et donc, pour certains, irremplaçable, à défaut d’être justifiable.

Un phénomène en expansion
Les dernières révélations ne sont que la partie émergée de l’iceberg car il ne fait guère de doute que cette terra incognita de la mondialisation est en pleine expansion. Selon les évaluations, forcément approximatives, environ 7 000 milliards de dollars d’actifs transiteraient dans le monde sur ces comptes, soit plus de trois fois le PIB de la France. Et selon le journaliste spécialisé Antoine Peillon, les quelque 150 000 Français qui pratiqueraient l’évasion fiscale parviendraient par ce biais à alléger leur impôt de près de 30 milliards d’euros.

A titre d’ordre de grandeur, la récupération intégrale de ces recettes fiscales perdues permettrait de réduire d’un coup de près d’un tiers le déficit budgétaire du pays. Par temps de disette des finances publiques, un tel manque à gagner n’a pas manqué de réveiller la curiosité des autorités et celles qui hier fermaient les yeux sur ces fuites de la matière fiscale tentent maintenant de remettre la main dessus. En pleine crise financière, le G20 de Londres en août 2009 avait ainsi promis d’agir contre les territoires fautifs et les acteurs coupables.

Mais, en dépit des déclarations d’intention des politiques et des pétitions de principe des organisations internationales en lutte contre la fraude fiscale transfrontalière, ces sommes apparaissent pour longtemps encore bien à l’abri. Leur réceptacle ? Ce que l’on appelle communément les paradis fiscaux, parfois dénommés aussi “centres offshore” (ces derniers se définissent toutefois strictement par l’existence d’un dispositif réglementaire réservé aux étrangers déposant leurs fonds) n’ont jamais paru en aussi bonne santé.

Derrière ces appellations où l’exotisme, celui des “cocotiers”, le dispute à la sophistication financière, il y a la réalité d’un véritable système mondialisé d’évasion fiscale dont l’opération “OffshoreLeaks” dessine pour la première fois le contour planétaire à travers l’existence de 120 000 sociétés-écran gestionnaires de 2,5 millions de fichiers .

Paradis artificiels
Quels sont donc les “services” rendus par les paradis fiscaux ? L’OCDE retient quatre critères pour définir un paradis fiscal : un taux d’imposition insignifiant voire inexistant ; l’absence d’échanges de renseignements fiscaux, autrement dit le secret bancaire ; l’absence de transparence sur les régimes fiscaux et enfin la tolérance envers les sociétés-écran ayant une activité fictive (les fameuses “boîtes aux lettres”).

Pour les libéraux les plus radicaux, ces paradis sont utiles en dérogeant aux standards internationaux. D’abord, le dumping fiscal qu’ils pratiquent servirait d’aiguillon pour alléger la pression fiscale exercée par des Etats qui sans cela ne connaîtraient pas de limites à leur voracité. Ensuite, dans une vision extrême, les mérites du secret bancaire comme moyen de recycler l’argent sale devraient même, selon eux, être reconnus. A l’instar du travail de ces animaux parasites qui nettoient la nature. Enfin, mieux – ou pire selon le point de vue adverse – les paradis fiscaux serviraient en quelque sorte d’assurance protection du droit de propriété. A cette aune, l’évasion fiscale relèverait de l’exercice ultime – et légitime – de la liberté.

Une vision “sans foi ni loi” aux antipodes du sacro-saint consentement à l’impôt – gage d’un vivre-ensemble civilisé. Et une approche totalement cynique que les libéraux les plus conséquents – ceux qui n’entendent pas faire fi de la réalité des comportements d’agents économiques guidés par la recherche de leurs intérêts – assument complètement. Sur une telle ligne d’optimisation fiscale, le fil est tout tracé. Il tient dans cette formule qui a cours parmi les professionnels du Private Banking : “Travailler à Londres, préparer sa succession en Belgique, mourir en Suisse” (*).

Dans les interstices de la légalité
La difficulté tient à ce que la ligne de démarcation entre le licite et l’illégal n’est pas toujours facile à tracer derrière les montages sophistiqués. La question de la domiciliation fiscale est au cœur de la problématique. Pour les particuliers, le principe est que les contribuables relèvent de la juridiction où ils habitent, ce qui oblige les candidats à l’optimisation fiscale à envisager leur expatriation pour rester dans la légalité. Pour les entreprises, l’habileté consiste à jouer sur les différentes localisations entre l’activité et la facturation pour, via les prix de transferts, diminuer l’impôt. Une technologie financière courante de la part des multinationales que l’OCDE entend désormais encadrer.

Plus généralement, l’organisation internationale qui est en charge de la lutte contre les paradis fiscaux mise sur le développement de conventions fiscales entre les pays – avec à la clé des échanges d’informations – , un minimum de 8 conventions bilatérales étant requis. Un “entoilage” jugé bien trop large. Aujourd’hui plus aucun pays ne figure sur la liste noire des pays totalement non coopératifs, mais 7 territoires restent inscrits sur la liste grise des Etats qui ont promis de se conformer aux nouvelles règles sans les appliquer. Le point clé est la levée de l’anonymat. Le fait est significatif : à chaque fois que des listings de noms de particuliers ou d’entreprises sont sortis, le système des paradis fiscaux, qui n’aime rien tant que la discrétion, est entré en turbulence.

A la suite du dévoilement d’une liste en provenance des ordinateurs d’HSBC, le ministère de l’Economie français avait mis en place en 2009 une “cellule de dégrisement” fiscal pour les évadés fiscaux avec à la clé près de 7 milliards d’euros récupérés. Une somme jugée significative. Mais pour contrecarrer durablement ces comportements, il faudra plus qu’une amnistie. Les Etats-Unis ont poussé plus loin l’idée de citoyenneté fiscale en exigeant des banques étrangères une déclaration au fisc américain dès lors qu’un citoyen américain place chez elle plus de 50 000 dollars.

Avec à la clé des mesures de rétorsion en cas de refus des banques. Une loi (“Foreign Account Tax Compliance Act” – Facta) qui n’est pas encore appliquer mais dont Pierre Moscovici, le ministre de l’économie français, veut s’inspirer. De quoi, cette fois ci, faire trembler l’édifices .

Par Philippe Plassart
(*) France inter – interception

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