Après des mois de pronostics sur sa percée, le Front national plafonne à moins de 5%. Une projection de son poids électoral, s’il avait présenté plus de listes, tourne autour de 12%, et non pas des 24% qu’on lui prêtait. Cette erreur de prévision s’explique par la culture des intellectuels. Ils s’imaginent volontiers stoppant héroïquement une déferlante. Le FN est, à leurs yeux, une anomalie qui réclame un retour à la normale.
L’histoire montre, au contraire, que le FN s’inscrit dans la configuration d’une certaine continuité française. Il y a trois types de vote FN. L’électeur FN du nord, gaucho-lepéniste, déplore une mauvaise répartition des aides sociales qu’il juge abusivement distribuées aux immigrés, celui du FN du sud s’inquiète de l’insécurité qu’il estime corrélée à l’immigration et celui du FN de l’est reproche à l’islam de mettre en danger le mode de vie français. A l’est, les lieux qui votent FN sont des terres sarkozistes, auparavant gaullistes, et plus lointainement boulangistes.
L’histoire montre, au contraire, que le FN s’inscrit dans la configuration d’une certaine continuité française. Il y a trois types de vote FN. L’électeur FN du nord, gaucho-lepéniste, déplore une mauvaise répartition des aides sociales qu’il juge abusivement distribuées aux immigrés, celui du FN du sud s’inquiète de l’insécurité qu’il estime corrélée à l’immigration et celui du FN de l’est reproche à l’islam de mettre en danger le mode de vie français. A l’est, les lieux qui votent FN sont des terres sarkozistes, auparavant gaullistes, et plus lointainement boulangistes.
Tradition chauvine des « sans-culottes »
En dépit de ses variations et de sa culture originaire d’extrême-droite, le FN est largement l’héritier de la tradition chauvine des « sans-culottes » de 1789, qui a dominé les partis socialistes français jusqu’aux « communards » de 1870. Le FN est plus subversif que les trotskistes, qui sont indéfectiblement attachés à la défense de la fonction publique et sont hostiles à trois à des critiques au nom desquelles s’accomplissent les révolutions : celle du poids excessif de l’impôt, celle de la corruption des mœurs et celle des privilèges des fonctionnaires. C’est ce caractère populaire et révolutionnaire, confusément entr’aperçu, qui fait la séduction du FN aux yeux d’une proportion notable de jeunes (malgré l’hostilité d’une majorité de la jeunesse).
Il y a un siècle, le politologue André Siegfried décrivait le fonctionnement des socialistes révolutionnaires de son époque, en expliquant qu’ils « sont écoutés, moins pour leur programme doctrinal que parce qu'ils sont les seuls à protester violemment contre le régime social actuel... moins comme parti socialiste proprement dit que comme parti extrême de protestation contre l'iniquité sociale ». Aujourd’hui, une large part de l’assise populaire du FN résulte de sa perception comme parti extrême de protestation contre l'iniquité sociale.
Il y a un siècle, le politologue André Siegfried décrivait le fonctionnement des socialistes révolutionnaires de son époque, en expliquant qu’ils « sont écoutés, moins pour leur programme doctrinal que parce qu'ils sont les seuls à protester violemment contre le régime social actuel... moins comme parti socialiste proprement dit que comme parti extrême de protestation contre l'iniquité sociale ». Aujourd’hui, une large part de l’assise populaire du FN résulte de sa perception comme parti extrême de protestation contre l'iniquité sociale.
Elément perturbateur
Le FN est dans la posture protestataire qu’occupait le parti communiste. On peut préférer cette notion à celle de « populisme », trop galvaudée. Le PCF était l’élément perturbateur, le porte-parole de ceux qu’on n’écoute pas. La célèbre réplique de Georges Marchais « Taisez-vous, Elkabbach ! » était une réponse brutale à une inégalité de traitement médiatique. Le vote FN est donc conforme à la tradition française. Vu dans la durée, ce parti endosse une fonction tribunicienne, jadis dévolue au sans-culottisme, puis au bonapartisme, au boulangisme, au communisme, au poujadisme, enfin pour partie au gaullisme qui chantait l’épopée française.
D’autant que la droite française n’assume plus le mythe patriotique. Le FN s’explique aussi par la géographie. C’est seulement dans les pays qui ont un grand parti de droite clairement assumée (Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne), que cette droite n’est pas « débordée » sur son aile droite par un parti protestataire.
D’autant que la droite française n’assume plus le mythe patriotique. Le FN s’explique aussi par la géographie. C’est seulement dans les pays qui ont un grand parti de droite clairement assumée (Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne), que cette droite n’est pas « débordée » sur son aile droite par un parti protestataire.
*Marc Crapez est chercheur en sciences politiques associé à Sophiapol. Lire l'intégralité des articles de Marc Crapez.