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29 juin 2014

Islamophobie en France : toujours plus !

BOURGOINBLOG

 

Islamophobie en France : toujours plus !

Depuis plus de 10 ans, les agressions contre les musulmans se multiplient dans notre pays. Le dernier rapport du Collectif Contre l’Islamophobie en France  fait même état d’une récente dégradation : en 2013, on a compté près de 50 % d’agressions de plus par rapport à 2012 qui était déjà un "bon cru". Près de 700 actes envers des institutions ou des individus ont été recensés l’année passée, soit 200 de plus qu’en 2012 et trois fois plus qu’en 2010 ! En moyenne, une institution chaque semaine et deux individus chaque jour sont victimes d’atteintes discriminatoires anti-musulmanes, dégradation, agression physique ou verbale. Et encore, ne s’agit-il là que des seuls actes déclarés par les victimes, un grand nombre d’entre elles préférant se taire. Cette comptabilité laisse également de côté la cyber-haine islamophobe qui envahit les réseaux sociaux. Totalement occultée par les medias dominants, l’islamophobie n’en fait pas moins des ravages dans notre société. Cette évolution massive des opinions et des comportements est en partie le résultat des politiques discriminatoires menées par les différents gouvernements qui se sont succédés depuis 10 ans et qui ont contribué à fabriquer de toutes pièces un "problème musulman" faisant écran aux problèmes sociaux et économiques. La montée en force de cette politique du bouc émissaire est à relier à l’aggravation de la crise économique qui précipite dans la précarité et la pauvreté un nombre toujours plus élevé de travailleurs et incite donc les pouvoirs publics à "faire diversion" sur des questions de société.

 

L’islamophobie explose en France. Selon le dernier rapport du CCIF, les agressions physiques ou verbales contre les musulmans ont augmenté de 48 % en 2013 par rapport à l’année précédente. Depuis 2005, leur fréquence a plus que décuplé. Les atteintes interpersonnelles ont connu une croissance pharamineuse avec 40 fois plus de cas recensés en 2013 qu’en 2008 dans un contexte, il est vrai, de progression de leur signalement (le CCIF a notamment rendu disponible une application pour smartphone permettant de géolocaliser les agressions). Les institutions (cimetières, mosquées, associations, centres culturels, boucheries et restaurants halal) sont régulièrement la cible d’actes de vandalisme ou de dégradation en nombre croissant : ces actes ont été en 2013 cinq fois plus fréquents qu’en 2007 et ceux visant les mosquées ont été deux fois plus nombreux en 2013 qu’en 2011. L’islamophobie se banalise et s’étend à tous les secteurs de la société : « Nous observons une mutationde l’islamophobie, qui après avoir été longtemps et majoritairement l’œuvre des services publics, s’enracine désormais dans le monde du travail, dans le secteur privé, sous la forme d’atteintes interpersonnelles ou d’agressions. La France est passée d’une islamophobie politique à une islamophobie culturelle, relayée politiquement » notait le CCIF dans son rapport annuel de 2012. Le rôle joué par les medias dans cette diffusion est décisif.

 

La construction médiatique du « problème musulman »

L’agenda politico-médiatique des affaires relatives à la question musulmane semble nettement influencer la fréquence des agressions anti-Islam. La forte recrudescence d’actes islamophobes correspond à une actualité où la couverture médiatiquede l’Islam et des musulmans est forte : en 2004, année des débats sur le vote de la loi interdisant le port du hijab à l’école publique, en 2009 au moment du débat sur lidentité nationale et en 2010 au moment du vote de la énième loi ant-voile. L’année 2012 connaît des pics sensibles en avril-mai et en septembre-octobre, aux périodes de l’affaire Mohamed Merah et aux moments de la sortie de la vidéo raciste L’innocence des musulmansde la publication des caricatures du prophète par Charlie Hebdo et de l’épisode du pain au chocolat de Jean-François Copé. « Cela fait plusieurs années que le CCIF constate cette corrélation entre le traitement médiatique et politique du fait musulman en France et la hausse du passage à l’acte islamophobe », lisait-on dans le rapport de 2012.

Les questions de société abordées par les médias étant par définition dignes d’intérêt pour l’opinion, on comprend qu’un sujet médiatiquement surinvesti acquiert facilement le statut de problème prioritaire. Si les politiques et les journalistes sont à ce point obsédés par la question de l’Islam, c’est le signe évident que cette religion pose problème. Les nombreux sondages sur son "image" dans la société française contribuent pour leur part à remettre encore un peu plus en cause sa légitimité  en considérant que l’on peut juger comme discutable l’exercice des libertés fondamentales de ses pratiquants. Se pose-t-on cette question à propos des autres religions ? Tandis que les lois antivoiles banalisent la discrimination en la légalisant, les campagnes ou débats publics autour de l’Islam ont pour effet de libérer la parole islamophobe – ceux de l’automne 2009 à propos de l’identité nationale ont été sur ce point exemplaires. Les deux combinés ouvrent la porte à toutes les dérives et ne peuvent qu’encourager les atteintes contre la communauté musulmane et ses institutions, notamment en considérant que les victimes provoquent l’agression en affichant leur appartenance religieuse : "le simple port de signes visibles d’islamité est dès lors perçu comme un acte de militance, désactivant l’empathie à laquelle pourraient prétendre les victimes, rendues coupables du traitement qui leur est fait", écrit le CCIF dans son rapport de 2013. Aggravant ce déséquilibre, les associations anti-racistes dominantes (LICRA et SOS Racisme) – pourtant largement mobilisées sur le front de l’antisémitisme – sont peu actives face à l’islamophobie considérant que ce problème n’est pas de leur ressort s’agissant de discrimination religieuse, et invoquant même un droit à ne pas aimer l’Islam.

 

La laïcité et le féminisme, alibis d’une islamophobie de "gauche"

L’islamophobie aime se présenter sous le masque respectable de la laïcité. Dernière manoeuvre politicienne en date, la promulgation d’une charte de la laïcité à l’école a été une nouvelle fois l’occasion de s’attaquer aux signes extérieurs de la pratique religieuse des musulmans et de stigmatiser cette communauté. En réalité, cette laïcité que revendiquent les politiques est à géométrie variable : tandis que l’on stigmatise l’Islam à travers les manifestations visibles de sa pratique, on ne craint pas d’affirmer haut et fort que les juifs de France peuvent porter avec fierté leur kippa et qu’ils sont à l’avant-garde de la République.

Alors que les victimes des actes islamophobes déclarés sont très majoritairement des femmes (elles représentent 78 % de l’ensemble des cas visant des individus et la quasi-totalité des personnes physiquement agressées en 2013), certaines associations féministes combattent ouvertement le port du voile et ont milité activement pour son interdiction, en particulier le collectif Ni Putes Ni Soumises, contribuant à conforter dans leur opinion ceux qui rejettent l’Islam. Rappelons que les femmes voilées sont une cible privilégiée de la violence islamophobe, représentant plus des trois-quarts de l’ensemble des victimes et que cette violence est souvent une violence d’État, plus de la moitié (56 %) des discriminations ayant eu lieu dans les services publics en 2013 (40 % en 2012). Dans 2 cas sur 3, il s’agissait d’un fonctionnaire de l’Education Nationale, dans 1 cas sur 7, d’un fonctionnaire de police. Le cas de la jeune Sirine, exclue de son collège pour avoir porté une jupe longue et un bandeau de quelques centimètres est emblématique de cette politique discriminatoire à géométrie variable par laquelle la République s’achète à bon compte une laïcité plus fantasmée que réelle. Et ce n’est pas un cas isolé : pour 2013, "on compte une vingtaine d’établissements scolaires (collèges et lycées) qui se sont livrés à une interprétation abusive de la loi du 15 mars 2004, en appliquant aux jeunes filles musulmanes une politique de harcèlement quant à la longueur de leur jupe ou à la largeur de leurs vêtements". Sans parler des mamans voilées empêchées par la circulaire Chatel toujours en vigueur d’accompagner les élèves lors des sorties scolaires.

 

L’idéologie islamophobe au service de la classe dominante.

Il s’est construit un véritable consensus national sur l’idée que l’islam pose problème et notamment qu’il constitue une menace pour la laïcité républicaine. Consensus fabriqué de toutes pièces par les medias dominants soumis aux logiques financières des grands groupes capitalistes, dont certains journalistes n’hésitent pas à tenir des propos ouvertement islamophobes. Ce consensus est d’autant plus fort qu’il apparaît comme un moyen efficace pour la classe dominante et son État de faire diversion face à la crise. La maîtrise des flux migratoires et la stigmatisation des populations immigrées et de leurs enfants au travers de lois sécuritaires et discriminatoires permettent au gouvernement de retrouver une part de la souveraineté qu’il a perdue dans son impuissance manifeste à combattre efficacement la crise économique et sociale, tout en canalisant les colères populaires contre un ennemi imaginaire. Face au désarroi provoqué par les politiques d’austérité, le musulman est appelé à jouer les boucs émissaires, et il excelle d’autant plus dans ce rôle qu’il en cumule toutes les qualités : sans soutien, visible et socialement dominé. La stigmatisation dont il est l’objet semble être sans limites. L’islamophobie s’enracine dans tous les espaces sociaux : les femmes voilées sont exclues d’un nombre croissant de lieux du fait de l’empilement des lois votées depuis dix ans, sans même parler de celles à venir, la discrimination à l’égard des musulmans s’amplifie et ceux-ci se voient de plus en plus fréquemment privés d’accès à certains services comme ceux proposés dans les auto-écoles, les salles de sport, les centres de bronzage ou de beauté, les restaurants, les centres de formation professionnelle,… en raison des signes de leur appartenance religieuse. « Plus grave, de nombreux médecins refusent de soigner des femmes en raison de leur voile ou des hommes en raison de leur barbe », notait le CCIF dans son rapport de 2012.

Nouvelle idéologie dominante, l’islamophobie se banalise non seulement dans les actes mais aussi dans les esprits : d’après une enquête, les Français ont soutenu très largement (à 87 %) la crèche Baby Loup dans son différend avec une salariée musulmane voilée qu’elle a licenciée et se sont déclarés favorables (à 84 %) à une loi interdisant les signes religieux ou politiques dans les entreprises privées. Le Ministre de l’Intérieur de l’époque, Manuel Valls, était d’ailleurs sorti de sa réserve lors du prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation pour critiquer la décision des juges favorable à la salariée qu’il a assimilée à une atteinte à la laïcité et réclamer une énième loi d’interdiction. L’affaire ayant été rejugée, la Cour de cassation dans son arrêt du mercredi 25 juin a finalement confirmé le licenciement de la salariée. Il est évidemment plus difficile de s’attaquer aux problèmes de sécurité intérieure que de stigmatiser les musulmans… Droite et gauche confondues, le consensus islamophobe est aujourd’hui quasi-total.

 

La banalisation de l’islamophobie au sommet de l’État.

En un peu plus de 10 ans, la présence musulmane est devenue un véritable problème de sécurité intérieure : lois discriminatoires anti-voile de Sarkozy (2004 et 2010), racisme anti-arabe assumé de Brice Hortefeux, croisades antimusulmanes de Claude Guéant, délires islamophobes de Manuel Valls (ce dernier renie d’ailleurs le terme même), laïcisme intégriste de Vincent Peillon… les ministres changent, la ligne politique reste identique : taper encore et toujours sur le musulman. Le gouvernement a fait sien le paradigme néoconservateur et identitaire qui se nourrit des fantasmes sur « l’islamisation de la France », la « menace intégriste » ou le « communautarisme musulman ». Ce véritable racisme d’État qui s’est mis en place n’est pas sans rappeler les lois de Nuremberg adoptées dans un contexte d’ailleurs comparable au nôtre (crise économique et sociale et tensions internationales).  Aux mêmes causes, les mêmes effets. Le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie, mais son évolution par temps de crise, écrivait Bertolt Brecht. L’exclusion progressive des musulmans de la société française, comme d’ailleurs des autre sociétés européennes également touchées par les politiques d’austérité, ne peut hélas que lui donner raison.

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