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11 octobre 2015

La Syrie, ce marqueur si fiable des rapports de force

Françoise Compoint
Sur NOVOROSSIA

La Syrie, ce marqueur si fiable des rapports de force

Les rapports de force se concrétisent de jour en jour. La bataille pour la Syrie a montré quelles étaient les puissances véritablement intéressées par la chute de l’EI et quelles étaient celles qui le sont moins voire point du tout. L’homme est ainsi fait qu’il dévoile le meilleur ou le pire de soi dans des situations extrêmes. Il en va de même des systèmes idéologiques. M. Colombani peut se réclamer tant qu’il veut d’une presse dite démocratique, le temps venu, il a pondu un article révélant toute la franche fureur qu’a suscitée l’intervention russe en Syrie. Poutine y est présenté en showman obsédé par le maintien au pouvoir d’Assad ce qui fait de lui le pompier pyromane par excellence. La version redondante pour na pas dire absurde d’une gentille armée d’opposants syriens décimée par de perfides SU-30 se profile à travers l’ensemble d’un texte qui porterait presque à croire que Poutine et l’EI se valent en matière de nuisance. Il n’y a aucun fait. L’auteur conclut, on ne sait comment, que les frappes russes sont d’une efficacité douteuse alors même que la quasi-totalité de l’infrastructure militaire de l’EI implantée en Syrie est détruite. On ne sait également comment lire un tel texte – représentatif des points faibles de la sophistique dont use récuremment la presse mainstream – sachant que les trois milliers de djihadistes, EI, al-Nosra, al-Yarmouk et al-Sham tous confondus qui ont fui vers la Jordanie viennent de s’allier avec la très mystérieuse ASL contre la Russie. Cette même ASL perçue par la diplomatie russe comme une structure fantôme semble aujourd’hui correspondre à un conglomérat de groupuscules islamistes moins connus que les groupes précedemment déclinés. Ce jeu pas trop malin sur les appellations et les notions n’est pas sans rappeler le distingo que s’évertuait à faire BHL et consor entre les “non-nazis” bandéristes et les vrais nazis du FN qui feraient honte à la France … un petit jeu qui ne nous explique pas pourquoi est-ce que M. Gerashenko, conseiller du ministre de l’Intérieur ukrainien, vient d’exprimer son soutien à l’EI en l’exhortant à tuer le plus possible de militaires russes conformément aux lois de la charia. Curieusement, on n’entend pas TF1 et Le Monde s’indigner et sans doute ne les entendrons-nous jamais s’indigner pour si peu! Après tout, McCain a bien eu le droit d’exprimer la même demande mais en s’adressant plutôt, j’ose encore présumer, à la Coalition. Cette brochette de déclarations symptomatiques est complétée par le fait que le renseignement américain a plus d’une fois communiqué aux pilotes russes de fausses coordonnées – celles d’une école ou d’un hôpital et non pas celles des positions de Daesh – et que, à l’heure actuelle, il refuse toute collaboration avec la partie russe tant que celle-ci s’obstinera à soutenir Assad.

Serions-nous face à une série de coïncidences insignifiantes? Non! On a beau constater que Gerashenko n’est rien de plus qu’un député et que McCain non seulement ne fait plus de politique mais en plus est au bord de la démence sénile, on s’aperçoit que leurs cris d’orfraie sont validés par le silence complice des journaux, d’une part, de l’autre, par la déclaration des sept, States, France, Allemagne et co, selon laquelle Moscou doit impérativement mettre fin aux bombardements. On ne saurait être plus explicite. En réalité, ces sept-là vont même plus loin que le meurtrier qui revient sans cesse sur le lieu du crime! Le quasi-aveu de leur culpabilité ne prouve qu’une chose: les puissances en question n’ont plus rien à perdre et sont prêtes à une confrontation d’envergure avec l’Axe adverse. Cet Axe, quel est-il?

Sa composante se concrétise de jour en jour et tend à l’élargissement.  Nous y retrouvons Moscou, Damas, Bagdad, Téhéran ainsi que le YPG (plus anciennement “Unités de défense populaire”) et le PKK auquel il est affilié. N’oublions pas que les Kurdes ont été trahis par les USA et livrés à la merci d’Erdogan qui a cautionné les bombardements d’une force résistant de manière plus qu’efficiente à Daesh … un peu lourd pour un pays de l’OTAN! L’implication de la Russie en Irak est imminente. Ce n’est pas parce que les frappes russes en Irak se négocient encore et qu’elles n’ont pas été encore officiellement demandées qu’il n’y a pas eu d’accord préliminaire comme ce fut le cas en Syrie où la Russie ne passa à l’action que suite à l’intervention de Poutine à l’ONU. Primo, il fallait préparer l’opinion publique. Secundo, surprendre l’ennemi à abattre. Tertio, dans le cas présent, il est évident que l’épuration anti-EI du territoire syrien n’aurait à terme aucun sens sans une opération du même type sur le territoire irakien. Ce n’est pas par hasard qu’al-Sistani, leader chiite influent, a appelé à une croisade contre l’EI main dans la main avec Moscou. La consolidation de cette chaîne devrait conduire au renforcement de l’arc chiite, à la perspective d’un rapprochement entre chiites et sunnites la Syrie et les Kurdes de tout poil étant majoritairement sunnites, à la consolidation du monde kurde sachant en plus qu’Assad a promis l’indépendance au Kurdistan syrien en cas de victoire. C’est sans compter, à terme, la très probable adhésion de l’Iran à l’Organisation de coopération de Shangaï.

On imagine bien le dépit de l’Axe otano-islamiste reflété par la réaction des sept qui se sont auto-dénoncés et continuent à en rajouter une couche avec leur histoire à dormir debout de rebelles syriens modérés dont on aimerait voir ne serait-ce qu’un rare spécimen. En ce sens, la diplomatie russe raisonne un peu comme Saint Thomas: elle ne croira pas tant qu’elle n’aura pas vu. La foi n’a rien à faire en politique. Quand les Séoudes, meilleurs alliés de l’UE, laissent entendre que le maintien au pouvoir d’Assad est un plus grand mal que la survie de l’EI, que le Qatar, inconsolable de constater l’échec du projet gazier Qatar-Turquie, abonde dans le même sens avec la bénédiction de la Turquie et des puissances européennes, on repense irrésistiblement à la folie va-t-en-guerriste de ces mêmes pays lorsque l’avenir de Nabucco était encore certain. On retrouve les mêmes protagonistes, les mêmes méthodes, les mêmes slogans. Bien qu’il soit normal que les intérêts nationaux passent avant toute chose, les moyens et les outils usés par, d’un côté, l’Axe de la résistance, de l’autre, l’OTAN, sont sensiblement différents. Les manoeuvres et le ton particulièrement provocateurs de l’Axe otano-islamiste se comprennent: les USA vivent de guerres et de crédits, l’UE fait naufrage, tant sur un plan économique qu’identitaire, l’Arabie Saoudite est minée par des conflits intestins caractéristiques des monarchies absolues et son intervention au Yémen, la Turquie est au bord de l’implosion et doit faire face à une montée sans précédent du HDP prokurde. S’y ajoute la détermination de l’Iran qui se dit prêt à lancer ses missiles balistiques sur les bases US au Moyen-Orient (entre autres en Turquie et en Arabie Saoudite) en cas de nécessité. Qui plus est, les frappes russes préparent l’intervention au sol de l’armée iranienne et du Hezbollah: l’Iran a enfin les mains déliées.

Certaines alliances sont superficielles car situatives. Elles peuvent être neutres ou contre-nature. L’alliance de la France avec les monarchies du Golfe est précisément contre-nature en ce sens qu’elle n’est fondée sur aucune logique civilisationnelle. Une alliance de la France avec la Syrie serait bien plus naturelle mais elle est rejetée par une certaine élite qui privilégie le profit au détriment de l’intérêt commun ancré dans le long-terme. C’est ainsi que l’on relève une banalisation parfois assez subtile du djihadisme à travers, par exemple, des articles pathétiques sur le douleur qu’éprouvent les mères de djihadistes européens partis en Irak ou en Syrie. S’il est incontestable qu’elles sont à plaindre, la façon dont les reportages sont montés devrait nous arracher quelques larmes sur le sort de leurs pauvres gamins qui se sont égarés croyant bien faire. Il y a comme un déresponsabilisation qui colle si bien avec l’irresponsabilité coupable des pays de l’UE qui ouvrent grandes leurs portes à des centaines de milliers de migrants dont 80% sont loin de fuir des guerres. Et demain? Que comptent-ils faire? Le PS continue à vendre la France au Qatar. Demain, pourra-t-elle l’en chasser? L’UE envisage maintenant de déporter plus de 400.000 clandestins. Comment compte-t-elle s’y prendre?

Les conséquences de cette déresponsabilisation multilatérale pourraient être sous peu agravées par la confrontation ouverte des deux Axes lorsque Riyad et Ankara renforceront leur soutien aux groupes islamistes armés en Irak et en Syrie et que l’Iran entrera en jeu avec le Hezbollah.

 
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