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15 novembre 2015

Vendredi noir à Paris : premières récoltes d’une Grande Tempête?

Par Françoise Compoint

Vendredi noir à Paris : premières récoltes d’une Grande Tempête?

L’exercice du deuil est toujours un travail de longue haleine. A peine avions-nous commencé à concevoir que les 224 passagers de l’Airbus russe abattu dans le Sinaï sont partis à tout jamais dans les nuages qu’une nouvelle tragique nous vient de Paris. Un vendredi 13. Vendredi de malheur rajoutant un symbolisme moqueur aux évènements : une centaine de personnes ont été massacrées en plein Paris par des éléments salafistes prétendant venger leurs frères d’armes en Syrie. Une centaine de personnes se trouvent entre la vie et la mort, des centaines d’autres ont reçu des blessures qui même sans engager leur pronostic vital ne sont pas sans gravité. Bien que l’épicentre du massacre ait été partagé entre le Bataclan et le Stade de France, huit points névralgiques au total ont subi des coups durs dont l’avenue de la République et le boulevard Voltaire.

Les détails abondent mais n’apportent pas un éclairage définitif des évènements. On relèvera avant tout la façon extrêmement minutieuse dont les attentats ont été préparés, leur caractère manifestement international – passeports égyptien et syriens retrouvés sur les lieux, deux voitures transportant des kamikazes immatriculées l’une en Allemagne, l’autre en Belgique –et surtout le fait que les auteurs de cette tuerie agissaient à visage découvert. Ce dernier aspect est lié à la découverte des passeports, suspecte quant à elle au regard de certains collègues qui auraient tendance à soutenir la thèse d’un coup monté. Si c’est le cas, il faudrait décliner les mobiles de ceux qui seraient à l’origine de cet espèce de false flag supérieurement incandescent.

Avant de nous attarder sur ladite hypothèse, demandons-nous si oui ou non l’EI par lui-même avait intérêt à orchestrer un bain de sang à Paris.

Objectivement : suite au revirement d’une certaine partie de l’élite politique française vis-à-vis du dossier syrien et son rapprochement avec le Kremlin, Paris a déployé, début novembre, le Charles de Gaulle, navire à propulsion nucléaire avec des Rafales à son bord. Son but : lutter contre Daesh mais cette fois, voudrais-je rajouter, pour de bon, en envoyant au diable vauvert les petits émissaires malins de Big Brother.

Toujours aussi objectivement, la France a bombardé le 8 novembre un important centre d’approvisionnement pétrolier de Daesh jouxte Deir Ezzor. C’est dire que le vent commence vraiment à changer de direction pourvu cependant que le naturel – ou plutôt le contre-naturel – ne revienne au triple galop !

Partant de ce double constat, il n’y a rien de surprenant à ce que l’EI, tentaculaire, ait cherché à intimider les autorités en leur infligeant une démonstration de force inégalée depuis les jours sombres de l’Occupation. S’y ajoutent deux facteurs regrettables au plus haut point : les lacunes du renseignement français évoquées d’ailleurs la veille par l’ancien chef du Mossad et la forte présence de cellules islamistes dormantes à travers l’ensemble du pays. Ceci dit, il est vrai que la Belgique en est bien riche elle aussi sans pour autant devenir une cible de prédilection. S’il y a un facteur autrement plus déterminant mais hélas souvent oublié, c’est le fait que la France a le plus grand arsenal nucléaire d’Europe. S’il venait à l’esprit de l’EI – qui se revendique en tant qu’Etat aspirant à la reconstruction du califat et à son extension –de défier une Europe submergée de clandestins et paradoxalement tolérante là où il ne le faut pas, il serait logique de commencer par la France. Si nous raisonnons dans une logique d’invasion – et invasion il y a – le tableau qui vient d’être brossé explique tout.

Que l’EI soit le Frankeistein des USA, ce djinn sorti de sa bouteille irakienne après des années de détention, cela ne fait aucun doute. Que la politique idiote d’Al-Maliki ait joué un rôle tragique, cela aussi est incontestable. S’y superpose la destruction de la Libye avec le pillage des arsenaux kadhafistes et la déstabilisation de la Syrie au moyen d’une guerre non point civile mais d’une guerre, comme l’a si bien illustré Ayssar Mi-dani, scientifique franco-syrienne, d’agression. Maintenant, est-il certain que le BAO continue à contrôler l’EI ? D’un côté, l’inefficacité quasi-totale de la coalition indique que l’EI est toujours tenu en laisse puisqu’il n’y a aucune volonté réelle d’en finir. D’un autre côté, qu’est-ce qui nous fait penser que l’ensemble des combattants de l’EI (qui ne sont quand même pas tous des robots à charge ou des mercenaires !) ne seraient pas enclins à prendre le projet du grand califat au pied de la lettre ?

A côté de cette volonté – certaine quoiqu’on ne veuille guère le reconnaître – il y a la désimmunisation diplomatique de la France en particulier et de l’UE en général. Souvenons-nous : la Serbie avait cruellement souffert de l’OTAN au début des années 90 alors qu’elle luttait contre les jihadistes alabano-kosovars, ces deux remparts édifiants que furent l’Irak et la Libye ont été littéralement détruits sous de faux prétextes qui ne correspondaient nullement aux intérêts européens, cette fois, pour ne saisir que l’exemple de la France, la ligne atlantiste Juppé persiste dans l’exercice de sa légendaire stupidité en insistant sur le départ d’Assad. Assad devrait partir, ânonnent-ils tous en choeur telle une meute de zombies ! Aurions-nous affaire à des incompétents ou à des ennemis de la France, de l’Europe, du monde non-américanisé ? A vous d’y répondre. Je penche vers l’option numéro 2. Milosevic, Hussein et Kadhafi ne sont plus. La chute de Damas équivaudrait et à celle de la région et à celle de l’Europe. CQFD. Cette désim-munisation patente s’est longuement nourrie des égarements de certains intellectuels au discours tentateur. C’est le vendredi 13 qu’eurent lieu les obsèques d’A.Gluksmann, représentant par excellence de cet univers de fossoyeurs qui croyait peut-être bien faire – je ne sais s’il faut comparer Gluksmann à BHL le deuxième étant à charge en se cachant derrière cette cause juive qu’il dessert –et qui ont applaudi la chute des « vilains dictateurs » que l’on rêverait aujourd’hui de ressusciter.Le même Gluksmann avait en son temps soutenu les moudjahidines tchétchènes appelant au renversement du sanglant Poutine. Le 13 novembre, ce n’est pas seulement ce philosophe de tous les égarements qui fut mit en bierre mais tout cet héritage de 68 qui enfanta bien des traîtres à la Patrie. Les attentats du soir ont enfoncé un clou supplémentaire au cercueil. Mais ils ont aussi démontré qu’il ne suffisait pas d’être Charlie pour défendre son droit de rester français.

Une deuxième version – non dénuée de logique mais à consommer avec modération – revient à considérer que les derniers attentats de Paris sont le fruit d’une entente entre la CIA et leurs marionnettes modérées/radicales au gré de la météo et des caprices de Washington. Si c’est le cas, les mobiles envisageables recouperaient ceux dont serait mû le monde salafiste : punir la France pour ses revirements par rapport à la Syrie, bien entendu, mais aussi l’affaiblir de l’intérieur en déclenchant une guerre civile (entre autres passage à l’action des mouvances identitaires) et en grossissant le rôle protecteur des States. Le FBI a déjà proposé ses services à la DGSI. Précisons encore une fois que cette hypothèse reste à vérifier (sans doute restera-t-elle invérifiable) car nous sommes déjà loin de l’ « effroyable imposture » (cf. T. Meyssan) d’il y a 14 ans et qu’il semble que les tireurs de ficelle n’exercent plus les pleins pouvoirs comme ce fut le cas il y a peu.

Le point fort des salafistes, c’est que beaucoup d’entre eux ont la foi. Le dieu qu’ils servent n’est pas Allah mais ils sont tellement convaincus du contraire qu’ils se sentent prêts à mourir pour l’Antéchrist qu’ils vénèrent ne faisant plus qu’un avec ce dernier. L’Occident n’a plus la foi. On ne meurt pas pour des pseudo-valeurs nominales. Pas plus qu’on ne conclut d’alliance militaire avec une hyper-puissance dont les intérêts n’ont rien à voir avec les nôtres.

Sur le terrain ou sur le champ – car, l’ancien chef de la DST a raison, la France est en guerre–reste à résoudre un dilemme bien complexe :

  • Soit la France continue son rapprochement avec la Russie à travers la Syrie et, ultérieurement, l’Irak, s’émancipant de facto d’une tutelle à terme meurtrière. Les horreurs du vendredi 13 risqueraient de gagner en régularité mais au moins une partie de ceux qui se faufileront demain avec les réfugiés – la fermeture des frontières n’est que provisoire – seront liquidés dans les sables syriens et non pas dans les rues parisiennes. L’opération anti-salafiste sur le sol français (destitution de la nationalité française pour les radicaux, renvoi des imams salafistes, etc.) n’aurait pas grand sens en dehors de cet engagement à l’extérieur.
  • Soit la France se contente de dissoudre pour l’exemple deux ou trois cellules islamistes et de renvoyer quelques imams sulfureux mais revient sur ses positions farouchement anti-Assad en faisant mine, comme l’ont fait les 22 de la coalition pendant presque 1,5 ans, de combattre les salafistes en distinguant les modérés des radicaux – tâche un peu plus difficile quand on sait que les USA se sont enfin donnés le mal de porter l’EI et le Front al-Nosra dans la liste des organisations « terroristes ». En ce cas, le pays gagnera en illusion de stabilitépendant quelques mois, voire un an ou un peu plus, mais il perdra davantage encore en immunité et en temps.

Je n’ai jamais caché ce que je pensais de l’équipe UMP dans sa version atlantiste et du PS. Mais je comprends fort bien que la façon dont se pose le dilemme engage plutôt des hommes politiques qui auraient la pointure d’un de Gaulle. Bien que je n’en vois pas, l’espoir fait vivre. Il reste encore du temps avant la Grande Tempête.

 

Françoise Compoint

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