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25 mai 2017

Macron et Manchester

 

Le drame survenu à Manchester le 22 mai, drame qui a fait selon les bilans diffusés 22 morts et 60 blessés, fait remonter à la surface le souvenir de ceux de novembre 2015 à Paris, mais aussi ceux de l’ensemble des attaques que la France et les Français ont subies, de Nice à Charlie-Hebdo et l’Hyper-Casher, en passant par l’égorgement du Père Hamel. Si la réaction des autorités britanniques est entièrement dans la lignée de la culture politique du Royaume-Uni, celle des autorités françaises est digne, certes, mais inadéquate. En se refusant à « nommer l’ennemi » le Président de la République enfonce un peu plus le pays dans la spirale tragique du déni.

 

Nommer l’ennemi

Nommer l’ennemi, ce ne peut être dire que l’on s’en est pris à la « jeunesse européenne » comme l’a fait Emmanuel Macron dans sa déclaration à l’ambassade britannique. Car, au delà de la « jeunesse » c’est un mode de vie et ce sont des institutions politiques qui ont été attaqués. Ce n’est pas dire, aussi que : « C’est toute l’Europe libre qui a été attaquée ». Cette déclaration est stupide. Toute l’Europe est libre, et nous ne sommes plus aux temps de la Guerre Froide. Elle est aussi scandaleuse, dans le sens ou Emmanuel Macron profite de ce drame atroce pour faire de la retape pour sa politique européenne. Cela compromet l’acte de dignité qu’avait représenté le fait de se rendre en délégation, avec le Premier-ministre, à l’ambassade du Royaume-Uni.

Nommer l’ennemi, ce n’est pas, et ce ne peut être non plus de désigner tous les musulmans comme l’ennemi, car une large majorité de ces derniers réprouve ces actes et est horrifiée par ceux qui les commettent. Faire cela, c’est tomber dans le piège tendu par les criminels qui ont frappé, hier au Bataclan, aujourd’hui à Manchester.

Nommer l’ennemi, c’est désigner l’islamisme radical, produit conjoint d’une dérive idéologique interne à l’Islam, de financements occultes de certains pays et de l’action des pays occidentaux qui n’ont eu de cesse que de détruire le nationalisme arabe qui portait en lui la promesse d’une laïcisation progressive des sociétés du Maghreb et du Moyen-Orient. Nommer l’ennemi, c’est cesser de s’aveugler sur la dérive de courants internes à l’Islam (du salafisme aux « Frères Musulmans »), mais comprendre que cette dérive n’a pu prendre la dimension tragique qu’elle a désormais acquise que parce que ces courants ont été financés, et parce qu’ils ont pu s’appuyer sur le légitime ressentiment des populations devant les actes d’ingérence multiples et répétés des pays d’occidentaux, dont les intervention en Irak (1991 et 2003) ou en Lybie (2011) ne sont que les plus récents. C’est cet islamisme radical avec lequel nous sommes en guerre, un guerre sans pitié, une guerre sans merci.

Nommer l’ennemi est nécessaire pour prendre la mesure du défi auquel sont confrontés les sociétés françaises, britanniques, allemandes ou autres. Mais, pour nommer l’ennemi, il faut comprendre que l’histoire peut être tragique. On se souvient alors de cette remarque de Raymond Aron sur Giscard d’Estaing, qui – à l’époque – fut aussi le plus jeune Président français : « il ne sait pas que l’histoire est tragique ». On ne fera pas l’injure à Emmanuel Macron, dont la culture est indiscutable, de lui appliquer la remarque de Raymond Aron. Il n’en reste pas moins qu’entre une connaissance acquise dans les livres ou les échanges philosophiques, et une connaissance acquise par l’expérience du tragique, il y a plus qu’un pas. Ce pas, Emmanuel Macron ne l’a pas franchi. Il ne l’a pas franchi car il vécu une jeunesse somme toute protégée. Son expérience de la vie est courte, et pour tout dire assez privilégiée. Il en découle d’ailleurs cette morgue de classe qui, de temps à autres, transparaît dans ses déclarations. Il ne suffit pas de s’afficher avec les militaires qui combattent au Mali pour être un chef de guerre. Il faut être capable de prendre des décisions qui coûtent, qui coûtent à soi et non aux autres. C’est sans doute parce qu’il n’en est pas (encore ?) capable que trop souvent il se réfugie dans l’euphémisme.

 

La culture commune et l’attaque de l’islamisme radical

L’islamisme radical est en guerre contre la culture politique française, mais aussi britannique, allemande, italienne…Cette culture politique, qui est d’ailleurs diverses, et on le voit bien si on compare le Royaume-Uni et la France, c’est ce qui permet à une communauté politique, à ce que l’on nomme un « peuple », d’exister. Le tragique dans l’affaire est que Emmanuel Macron, dont on ne doute pas qu’il soit réellement horrifié et révulsé par l’attentat de Manchester, soit dans les faits le porteur de la logique qui l’a produit. En mettant constamment en avant la « mondialisation », en se faisant l’apôtre de la supranationalité et du fédéralisme européen, il s’attaque lui aussi à cette culture politique commune des Français. Or, si le peuple ne peut plus exister comme communauté politique, le repli sur des communautés ethniques ou religieuses devient une solution logique et la guerre civile devient possible.

La contradiction dans la position d’Emmanuel Macron se révèle dans les déclarations du gouvernement qui entend renforcer la lutte à l’extérieur, comme indiqué par Christophe Castaner, le porte-parole du gouvernement. Que la lutte contre DAESH soit un élément important du combat global contre le terrorisme islamiste est une évidence. Mais, cela n’exonère nullement les autorités d’un combat en France, un combat qui devient chaque jour plus nécessaire, plus évident, à la fois quand on regarde les biographies des terroristes, mais aussi quand on regarde le milieu qui leur a donné naissance. Car, le basculement dans l’abjection, que ce soit pour Charlie-Hebdo, pour le Bataclan ou ici à Manchester, a été préparé par une imprégnation dans une culture de rejet radical de la culture politique française ou britannique. Et, cette imprégnation, elle n’a pu se faire que parce que nous tolérons ce que l’on a pris l’habitude nommer les « prêcheurs de haine » et plus généralement tous ceux qui remettent en cause tant les formes politiques au sens large (incluant par exemple le droit des femmes et celui des minorités sexuelles) que les modes de vie qui sont majoritairement acceptés tant en France qu’au Royaume-Uni.

Cette culture politique, qui sert de langage collectif à une majorité de Français, et ce même si elle peut connaître des déclinaisons régionales et par classes sociales, est le produit de luttes accumulées sur des centaines d’années. C’est la coagulation d’une histoire particulière dans chaque pays, et c’est d’ailleurs pourquoi cette culture commune est significativement différente entre la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne ou l’Italie. Cette culture est aujourd’hui remise en cause par deux groupes d’individus. Il y a tout d’abord des immigrés issus de cultures très différentes, et qui n’ont pas eu la possibilité d’assimiler cette culture commune française. Ils n’en sont nullement responsable, et leur rejet traduit l’échec de la politique d’intégration menée par la France. Mais, il y a aussi des individus qui ont été longuement exposés à cette culture commune, parce qu’ils sont nés, ou ont fait leurs études en France, et qui la rejettent consciemment. Ce rejet peut traduire d’ailleurs une forme de mouvement identitaire, qui incite les uns et les autres à se chercher des racines mystifiées[1]. Mais, on n’en est pas moins là en présence d’un rejet tout aussi radical que conscient. Les individus qui portent ce rejet doivent être combattus sans faiblesse. C’est ce que le Président et le gouvernement se refusent de voir.

 

La lutte en France contre l’islamisme radical

Il y a un lien logique, un lien politique, qui va des pratiques qui interdisent des lieux aux femmes, que ce soit à Sevran ou à Paris, des pratiques de repli communautaire (et communautaristes) comme on le constate que ce soit dans les modes vestimentaires, le port du « burkini », ou dans l’obsession qui fait traquer le moindre soupçon de viande de porc dans les aliments les plus commun, aux pratiques terroristes. Non que tous ceux qui adoptent ces dites pratiques finiront en terroristes, mais tous les terroristes, à un moment, s’y sont pliés. Il faut donc dire que l’affichage aujourd’hui de certains comportements encourage la dérive terroriste d’une minorité, et surtout la rend sans doute moins condamnable ce qui permet à ces terroristes de bénéficier de complicités, qu’elles soient actives ou passives, dans la préparation de leurs crimes.

C’est pourquoi, il convient d’adopter une attitude ferme, sans concessions, vis à vis de ces pratiques. Il faut aussi renforcer le contrôle sur les lieux de cultes, et ne pas hésiter à renvoyer chez eux les prédicateurs étrangers qui porteraient la haine ou des principes contradictoires avec la culture politique française, et à priver de droit civiques et interdire de parole les français qui professeraient les mêmes choses. Il faut, sans doute, mieux contrôler nos frontières pour permettre une surveillance renforcée. Il faut aussi mettre fin, ici et maintenant, aux pratiques clientélistes qui tolèrent ces discours et ces pratiques contre des avantages électoraux. De ce point de vue, un fichier des associations doit être dressé qui permettra de savoir quelles sont les associations qui, sous couvert de taches culturelles servent en réalité à propager ces idées.

Mais, ce programme exige justement que soit clairement nommé l’ennemi. Tant que le gouvernement et le Président resteront dans le déni, il est clair qu’il ne pourra pas être appliqué.

[1] Ce processus est décrit dans Sapir J., Souveraineté, Démocratie, Laïcité, éditions Michalon, Paris, 2016.

Sur https://russeurope.hypotheses.org/6031

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