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24 mars 2018

Le nouveau paradigme stratégique militaire - Régis Chamagne

Visible depuis le 3 septembre 2013 en Méditerranée orientale, confirmée le 12 avril 2014 en mer Noire, la supériorité de la technologie militaire russe sur celle des États-Unis commence à être prise en compte par les responsables du Pentagone. Le débat s’installe dans la confusion et dans un contexte où se mêlent la réalité de la situation et les fantasmes de suprématie américaine pour des siècles et des siècles.

 

 

Petit retour en arrière

Le 3 septembre 2013, les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne étaient prêts à lancer une attaque contre la Syrie. Au dernier moment, le président Obama annulait l’opération et opérait un revirement à 180°. La raison en est probablement que les États-Unis auraient tirés deux missiles balistiques sur la Syrie depuis une base OTAN en Espagne, et ces deux missiles auraient été détectés puis interceptés par des missiles anti-missiles russes, à partir de navires opérant en Méditerranée orientale. Le message de la Russie était clair : «  Nous avons les moyens et la volonté de vous interdire d’attaquer la Syrie par voie des airs et de l’espace. »

Le 10 avril 2014, le destroyer USS Donald Cook entrait en mer Noire pour une mission de démonstration de force au large de la Crimée. Il est équipé du système de combat de dernière génération AEGIS, qui est un système de défense antiaérienne intégré, capable de relier divers moyens en réseau, de poursuivre et de traiter plusieurs centaines de cibles en même temps. Deux jours plus tard, un SU-24, avion des années 70, avec des entrées d’air carrées, entra dans le volume de détection des radars américains, fut détecté, sa trajectoire analysée, puis soudain, plus d’image sur les radars du système AEGIS. Quelques minutes plus tard, le SU-24, équipé d’une nacelle de guerre électronique, survolait le pont du Donald Cook.

À partir de cet incident, j’ai compris que la Russie avait la supériorité militaire sur les États-Unis. En effet, dans mon livre « L’art de la guerre aérienne », je démontre de manière logique que la supériorité dans le domaine de l’information, et particulièrement de la guerre électronique, est le préalable à la supériorité aérienne, elle-même indispensable pour qui veut mener des actions de surface, sur terre ou sur mer.

Du reste, le déploiement d’une cinquantaine d’aéronefs en Syrie, au nez et à la barbe des radars de l’OTAN, puis la façon dont les opérations russo-syriennes ont été menées ensuite, confirment cette supériorité.

 

Le rideau se lève

Les événements du 3 septembre 2013 et du 12 avril 2014, pour considérables qu’ils fussent, n’ont pas fait la une des médias dominants. Ils ont été ignorés d’eux et n’ont été relatés que dans des médias en ligne ou dans la blogosphère. De même, la démonstration faite par les forces russes au cours de sa campagne pour éradiquer les islamistes de Syrie, sur le plan de la conduite des opérations et sur celui des matériels utilisés, n’a pas soulevé de grands débats chez nos experts de tous poils.

Mais aujourd’hui il n’est plus possible d’ignorer cette nouvelle réalité. En effet, dans son discours du 1er mars dernier devant le Parlement, Vladimir Poutine a dévoilé les nouvelles armes invincibles développés par les centres de recherche russes, hypersoniques ou sous-marines.

Les réactions officielles diverses, totalement contradictoires les unes des autres, donnent un sentiment de désarroi de l’autre côté de l’Atlantique ainsi que dans nos médias aux ordres : « C’est de l’intox destinée à la population russe avant les élections… » ; « Nous connaissions ces recherches depuis une dizaine d’années et avons les moyens de nous en protéger… » ; « Nous n’avons aucune défense qui pourrait contrecarrer l’emploi de telles armes… ».

Et la meilleure : « La Russie développe des systèmes d’armes déstabilisateurs depuis plus de 10 ans, en violation directe des obligations découlant des traités. » Rappelons que les États-Unis, sous la direction de G. W. Bush, avaient quitté le traité ABM, d’équilibre des forces nucléaires entre les deux grands, en 2002. Ils l’avaient fait car ils pensaient à l’époque être si dominants qu’ils pourraient mener une première frappe nucléaire décapitante puis se protéger de la riposte par un système de défenses anti-missiles déployé tout autour de la Russie. Ainsi, ils pensaient avoir les moyens d’imposer leurs vues et décisions à la Russie.

Patatras, le rapport du fort au faible se transmute en rapport du faible au fort. Pour des gens élevés depuis des décennies dans l’idée d’un suprémacisme technologique militaire que nul n’aurait sinon la capacité, du moins l’outrecuidance de remettre en cause, le réveil est brutal et la désorientation totale. La récente audition du général Hyten, chef du Strategic Command, devant les parlementaires de la commission des forces armées, pleine de contradictions, révèle cet état de confusion. L’audition le 13 mars dernier du général Votel, chef du Central Command, commandement régional qui englobe notamment la Syrie, l’Iran, l’Arabie saoudite et le Yémen, est du même tonneau, pleine de contradictions et totalement confuse. Le site « dedefensa.org » relate ces auditions.

 

La suite ?

Le volet militaire du changement de paradigme géopolitique est accompli. Il reste à tous les acteurs à l’accepter, et ce n’est pas si simple. Que peut faire un fauve armé jusqu’aux dents et qui a fait la démonstration à maintes reprises qu’il n’hésitait pas à se servir de ses armes, un fauve au pied du mur, un fauve qui commence à peine à dessaouler ? Qui des néo-cons ou des gens un peu sensés vont l’emporter, dans un système de pouvoir en voie de déstructuration, où certaines décisions importantes peuvent être prises à des échelons décentralisés ?

Le curseur des probabilités, que je situais initialement plutôt du côté des néo-cons, semble se déplacer du côté de ceux qui dessaoulent lentement et tentent de reprendre leurs esprits. Encore un petit effort !

Régis Chamagne

 

source : https://www.regischamagne.fr/le-nouveau-paradigme-strategique-militaire/

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