Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Visiteurs
Depuis la création 1 378 953
Newsletter
21 juin 2018

Sur le rapprochement Corée du Nord/Corée du Sud

1er main 2018 // perspicace

Sur le rapprochement Corée du Nord/Corée du Sud

Voilà encore un très bon exemple d’une information complexe mal traitée par la presse mainstream. De ce qu’on a pu voir dans les médias, la rencontre entre Kim Jong-un et Moon Jae-in n’est qu’un vulgaire coup de com’, alors que la même semaine, le cirque grotesque entre Macron et Trump passe lui sans la moindre critique… Non, le cas coréen est bien plus intéressant que ça.

Un peu d’histoire d’abord. La Corée, unique, est sous l’impitoyable occupation militaire japonaise entre 1905 et 1945, à l’image de la France occupée par l’Allemagne nazie pendant quelques années. A la fin de la seconde guerre mondiale, la Péninsule est divisée en deux parties, de chaque côté du 38° parallèle, sous domination soviétique au Nord et américaine au Sud. Très vite, de 1950 à 1953, le premier conflit « brûlant » de la Guerre Froide éclate entre les deux Corées, terrain de jeu macabre des deux empires dominants. L’occasion pour les Américains de renvoyer la partie Nord à l’âge de pierre. C’est le traité de paix de ce conflit, reporté depuis 65 ans, qui vient d’être signé entre les deux Corées. Historique.

Après la guerre, la Corée du Nord sombre dans un régime autocratique, le Juchaesasang, marqué par un culte de la personnalité autour de la dynastie Kim (Kim Il-sung, Kim Jong-il puis Kim Jong-un). De l’autre, la Corée du Sud développe à partir des années 60 une économie de marché tenue jusque dans les 80’s par un Etat militaire. Depuis cette période, la Corée du Sud est la base arrière de l’armée des USA en Extrême-Orient, au point que le commandement militaire sud-coréen est partagé avec les Etats-Unis. Chaque année, par exemple, l’US Navy envoie ses croiseurs atomiques en Mer Jaune pour une simulation de l’invasion du Nord. Grâce à ses bases en Corée du Sud et en Pologne, les Etats-Unis prennent la Russie en étau avec des missiles THAAD.

A se demander qui attise les tensions…

Depuis les années 80 et la fin des régimes militaires, un autre très gros poisson se mêle à ce jeu de pouvoir. Ce qu’on appelle là-bas les « chaebeol » : de grands conglomérats industriels de plusieurs dizaines de filiales qui entretiennent des participations croisées pour minimiser leurs risques. Ils sont les moteurs de l’incroyable croissance économique de la Corée du Sud dans la seconde moitié du XXe. Les plus connus : Samsung, Hyundai, LG, mais aussi des structures dans le domaine de la finance, de l’agro-alimentaire ou de la pétrochimie. Progressivement, les chaebeol prennent une place de plus en plus importante au cœur de l’Etat coréen par le biais d’une corruption généralisée.

Avec ce modèle, tous ceux qui élèvent un jour la voix sont traités de « rouges », de « traîtres pro-Nord » et soumis à la vindicte médiatique. En 1980, la révolte étudiante de Gwanju, réprimée férocement par l’armée (165 morts, 70 disparus officiellement, plusieurs milliers selon certains observateurs) est l’épisode le plus marquant de ce MacCarthysme oriental. C’est de la mémoire de ce souvenir sanglant que se réclame le nouveau président du Sud. Les progressistes emmenés par Moon ont toujours eu des objectifs clairs : la paix avec le Nord, le départ des bases de missiles US, la souveraineté militaire et la fin de la corruption de masse des élites politiques et économiques.

L’année dernière, les Sud-Coréens ont réagi avec force à la naissance d’un scandale de corruption et de traitement de faveurs concernant l’ex-présidente Park Geun-hye, fille du dictateur militaire Park Chung-hee, au pouvoir dans les 60’s. Pendant dix weekends d’affilée, sous des températures négatives, un million de personnes se massent pacifiquement dans les rues de Séoul pour réclamer la destitution de la Présidente. Et réussissent ! Est organisée dans la foulée une commission d’enquête publique diffusée à la télévision, qui permet au peuple de prendre conscience de l’ampleur et du degré de corruption de leur classe politique. Finalement, la Présidente Park est condamnée à 24 ans de prison, ainsi que 18 autres prévenus.

Après cette éclatante révolution démocratique, totalement passée sous silence en Occident (est-il seulement imaginable de vivre quelque chose du même ordre ici ?), un nouveau scrutin présidentiel est organisé. Seulement voilà, les pontes des grandes entreprises sont aussi propriétaires des plus grands médias sud-coréens. Tiens tiens. Ils militent de toutes leurs forces pour faire élire un représentant de la continuité. Certaines chaînes du câble, au contraire, font campagne pour Moon. Un peu comme si une chaîne de la TNT avait fait campagne pour Mélenchon plutôt que Macron en France. No way.

Beaucoup trop affaibli par le scandale, scindé en plusieurs partis rivaux, le parti conservateur au pouvoir depuis 10 ans laisse alors une fenêtre de tir unique à l’opposition historique, et c’est finalement Moon Jae-in qui est élu pour un mandat non renouvelable de 5 ans, le 10 mars dernier.

Un mois plus tard, la paix est signée avec le Nord. Comme quoi, le dictateur fou de la Corée du Nord se révèle bien moins obtus dès qu’on lui présente un homologue un peu moins agressif. Pour les Coréens, des deux côtés, Kim Jong-un est aussi le descendant d’une lignée de grands résistants à l’occupant japonais. Son nom est respecté pour ça aussi au Sud.

Il ne faut jamais oublier que la Corée, à l’image de l’Allemagne un moment divisée entre RFA et RDA, n’est qu’un seul pays. Il n’y a qu’un seul peuple coréen, uni par 2 000 ans de résistance aux invasions successives de ses puissants voisins : Chine, Jurchen, Chine encore, Mongols, Japonais, Occidentaux, Russes, de nouveau les Japonais, Soviétiques, Américains…

Il y a des liens beaucoup plus forts entre les Coréens du Nord et du Sud que de divisions créées par 70 ans de séparation factice, imposée par les grandes puissances. On ne peut souhaiter qu’une seule chose à la Corée : le départ de l’impérialisme américain et, à terme, la réunification.

Parce qu’il n’y a qu’une seule Corée.

Un article à retrouver sur mon blog avec tous les autres : https://perspicaceblog.wordpress.com/

1 mai ·

Sur le rapprochement Corée du Nord/Corée du Sud

Voilà encore un très bon exemple d’une information complexe mal traitée par la presse mainstream. De ce qu’on a pu voir dans les médias, la rencontre entre Kim Jong-un et Moon Jae-in n’est qu’un vulgaire coup de com’, alors que la même semaine, le cirque grotesque entre Macron et Trump passe lui sans la moindre critique… Non, le cas coréen est bien plus intéressant que ça.

Un peu d’histoire d’abord. La Corée, unique, est sous l’impitoyable occupation militaire japonaise entre 1905 et 1945, à l’image de la France occupée par l’Allemagne nazie pendant quelques années. A la fin de la seconde guerre mondiale, la Péninsule est divisée en deux parties, de chaque côté du 38° parallèle, sous domination soviétique au Nord et américaine au Sud. Très vite, de 1950 à 1953, le premier conflit « brûlant » de la Guerre Froide éclate entre les deux Corées, terrain de jeu macabre des deux empires dominants. L’occasion pour les Américains de renvoyer la partie Nord à l’âge de pierre. C’est le traité de paix de ce conflit, reporté depuis 65 ans, qui vient d’être signé entre les deux Corées. Historique.

Après la guerre, la Corée du Nord sombre dans un régime autocratique, le Juchaesasang, marqué par un culte de la personnalité autour de la dynastie Kim (Kim Il-sung, Kim Jong-il puis Kim Jong-un). De l’autre, la Corée du Sud développe à partir des années 60 une économie de marché tenue jusque dans les 80’s par un Etat militaire. Depuis cette période, la Corée du Sud est la base arrière de l’armée des USA en Extrême-Orient, au point que le commandement militaire sud-coréen est partagé avec les Etats-Unis. Chaque année, par exemple, l’US Navy envoie ses croiseurs atomiques en Mer Jaune pour une simulation de l’invasion du Nord. Grâce à ses bases en Corée du Sud et en Pologne, les Etats-Unis prennent la Russie en étau avec des missiles THAAD.

A se demander qui attise les tensions…

Depuis les années 80 et la fin des régimes militaires, un autre très gros poisson se mêle à ce jeu de pouvoir. Ce qu’on appelle là-bas les « chaebeol » : de grands conglomérats industriels de plusieurs dizaines de filiales qui entretiennent des participations croisées pour minimiser leurs risques. Ils sont les moteurs de l’incroyable croissance économique de la Corée du Sud dans la seconde moitié du XXe. Les plus connus : Samsung, Hyundai, LG, mais aussi des structures dans le domaine de la finance, de l’agro-alimentaire ou de la pétrochimie. Progressivement, les chaebeol prennent une place de plus en plus importante au cœur de l’Etat coréen par le biais d’une corruption généralisée.

Avec ce modèle, tous ceux qui élèvent un jour la voix sont traités de « rouges », de « traîtres pro-Nord » et soumis à la vindicte médiatique. En 1980, la révolte étudiante de Gwanju, réprimée férocement par l’armée (165 morts, 70 disparus officiellement, plusieurs milliers selon certains observateurs) est l’épisode le plus marquant de ce MacCarthysme oriental. C’est de la mémoire de ce souvenir sanglant que se réclame le nouveau président du Sud. Les progressistes emmenés par Moon ont toujours eu des objectifs clairs : la paix avec le Nord, le départ des bases de missiles US, la souveraineté militaire et la fin de la corruption de masse des élites politiques et économiques.

L’année dernière, les Sud-Coréens ont réagi avec force à la naissance d’un scandale de corruption et de traitement de faveurs concernant l’ex-présidente Park Geun-hye, fille du dictateur militaire Park Chung-hee, au pouvoir dans les 60’s. Pendant dix weekends d’affilée, sous des températures négatives, un million de personnes se massent pacifiquement dans les rues de Séoul pour réclamer la destitution de la Présidente. Et réussissent ! Est organisée dans la foulée une commission d’enquête publique diffusée à la télévision, qui permet au peuple de prendre conscience de l’ampleur et du degré de corruption de leur classe politique. Finalement, la Présidente Park est condamnée à 24 ans de prison, ainsi que 18 autres prévenus.

Après cette éclatante révolution démocratique, totalement passée sous silence en Occident (est-il seulement imaginable de vivre quelque chose du même ordre ici ?), un nouveau scrutin présidentiel est organisé. Seulement voilà, les pontes des grandes entreprises sont aussi propriétaires des plus grands médias sud-coréens. Tiens tiens. Ils militent de toutes leurs forces pour faire élire un représentant de la continuité. Certaines chaînes du câble, au contraire, font campagne pour Moon. Un peu comme si une chaîne de la TNT avait fait campagne pour Mélenchon plutôt que Macron en France. No way.

Beaucoup trop affaibli par le scandale, scindé en plusieurs partis rivaux, le parti conservateur au pouvoir depuis 10 ans laisse alors une fenêtre de tir unique à l’opposition historique, et c’est finalement Moon Jae-in qui est élu pour un mandat non renouvelable de 5 ans, le 10 mars dernier.

Un mois plus tard, la paix est signée avec le Nord. Comme quoi, le dictateur fou de la Corée du Nord se révèle bien moins obtus dès qu’on lui présente un homologue un peu moins agressif. Pour les Coréens, des deux côtés, Kim Jong-un est aussi le descendant d’une lignée de grands résistants à l’occupant japonais. Son nom est respecté pour ça aussi au Sud.

Il ne faut jamais oublier que la Corée, à l’image de l’Allemagne un moment divisée entre RFA et RDA, n’est qu’un seul pays. Il n’y a qu’un seul peuple coréen, uni par 2 000 ans de résistance aux invasions successives de ses puissants voisins : Chine, Jurchen, Chine encore, Mongols, Japonais, Occidentaux, Russes, de nouveau les Japonais, Soviétiques, Américains…

Il y a des liens beaucoup plus forts entre les Coréens du Nord et du Sud que de divisions créées par 70 ans de séparation factice, imposée par les grandes puissances. On ne peut souhaiter qu’une seule chose à la Corée : le départ de l’impérialisme américain et, à terme, la réunification.

Parce qu’il n’y a qu’une seule Corée.

Un article à retrouver sur mon blog avec tous les autres : https://perspicaceblog.wordpress.com/

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Derniers commentaires
Archives
Publicité