RWANDA, génocide de 1994, et KAGAME
Pierre Péan : «le président rwandais cherche à négocier son impunité»
La route de Kigali, Rwanda. Crédit : FlickR / MrFlip
Marianne2.fr
: Que pensez-vous de la thèse développée par le rapport de la
commission d'enquête rwandaise sur le génocide de 1994 présentée mardi
5 août, selon laquelle la France aurait été impliquée dans la
préparation et l'exécution des massacres ?
Pierre Péan :
Ce document (disponible ci-dessous en pdf, ndr) est une incroyable
falsification de l'histoire qui s'attache à des détails et multiplie
les faux témoins. Mais ce n'est pas surprenant : voilà plus de dix ans
que Paul Kagamé enchaîne les déclarations contre la France. Ce
mouvement a connu une accélération quand l'enquête du juge Bruguière a
conclu à la responsabilité du président rwandais dans l'attentat contre
l'avion de l'ancien président Habyarimana, qui est reconnu comme
l'élément déclencheur du génocide.
Avec les accusations qu'il porte contre des responsables
politiques français, Paul Kagamé espère pouvoir engager des poursuites
et obtenir des mandats d'arrêt contre des hautes personnalités comme
Hubert Védrine ou Alain Juppé. Son idée est de créer une symétrie avec
le dossier du juge Bruguière pour demander la levée des poursuites
contre lui et son entourage en échange de l'abandon des accusations qui
visent hommes politiques français.
Que pensez-vous des réactions françaises à la publication de ce rapport ?
Pierre Péan :
Pour l'instant, elles sont très timides mais il ne faut pas sous
estimer le rôle des vacances et des Jeux olympiques. Bernard Kouchner
espère que les attaques rwandaises se borneront à la publication de ce
rapport car il espère toujours poursuivre son œuvre de réconciliation
avec son ami Kagamé. Mais le pragmatisme finira par l'emporter car
l'Etat rwandais ira plus loin dans ses accusations et je ne peux pas
imaginer que la France reste passive quand on accuse des personnes
comme Dominique de Villepin, Edouard Balladur ou d'autres.
Depuis 1994, le gouvernement n'a pas trop bougé ni pris de
position très claire. Mais ce que Kagamé fait porte atteinte à l'image
de la France alors que c'est le seul pays qui a essayé de faire quelque
chose pour empêcher ces violences. Au Congo où je suis actuellement, le
président Sassou-Nguesso ne comprend pas cette passivité. Au final,
l'Elysée prendra les choses en main : il n'a pas le choix !
Que pensez-vous du traitement de cette affaire par les médias ?
Pierre Péan :
Je suis étonné du crédit qu'on accorde à un régime soviétique comme
celui du Rwanda. On préfère un rapport fait par un politique aux
enquêtes sur les massacres. Voir un journal comme Le Monde publier ce rapport en une est choquant, quand on se souvient que la mise en examen par les Espagnols de 40 militaires rwandais pour leur implication dans le génocide avait valu un tout petit papier dans le même quotidien en février dernier.
Je crois que le mot génocide tétanise les gens : dès que vous tentez
d'enquêter, vous êtes confronté à des accusations monstrueuses de
racisme ou de révisionnisme. La compassion est un sentiment noble et
légitime mais il n'a jamais été un bon moteur de recherche de la
vérité.
Pierre Péan est l'auteur de Noires fureurs, Blancs menteurs, paru en novembre 2005 aux éditions des Mille et une nuits.
Mon commentaire: Je n'ai que peu (sinon aucune) informations sur cet épisode. L'intervention et le rôle de la FranceAfrique, de Kouchner, sont évoqués dans certains commentaires qui apportent des informations supplémentaires.
Les interventions de personnes ayant suivi de près, ou vécu sur place lors de ces épisodes du "génocide" sont très intéressants, et controversés, ce qui est un gage de qualité de l'information: 38, 49, 56, 61, 63, 64, 82... entre autres.
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