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12 août 2008

Médias et manipulations par les émotions

Les reportages de France-Info : de simples formulaires à remplir ?

Article de Paul VILLACH sur AGORAVOX

          C’est fou comme on peut oublier vite. Et c’est tant mieux ! Quatre petites semaines à l’étranger suffisent pour, au retour, écouter d’une oreille neuve ce qu’on avait quitté : l’ordinaire redevient insolite. Ainsi capter France-info sur son autoradio, sitôt passée la frontière, devient sujet d’étonnement.

               

La chasse à l’audience

Le ressassement toutes les 7-8 minutes des mêmes informations avec apport calculé de détails supplémentaires distillés au compte-goutte pour créer une attente fébrile au fil des bulletins, provoque même l’hébétude. Surtout, on redécouvre que la chasse à l’audience est toujours ouverte sur cette radio publique , « 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 », selon son slogan.

Il faut dire qu’à cet égard la semaine écoulée a été giboyeuse : le meurtre d’un garçonnet sous les coups d’un déséquilibré, celui d’un bébé atteint d’un jet de pierre dans les bras de sa mère, celle d’une fillette écrasée sous sa tente par la chute d’une branche par temps d’orage.

La stimulation du voyeurisme

Or, pour chacun de ces événements, la procédure de France-Info est toujours la même. La nouvelle est d’abord lancée sommairement hors-contexte, histoire d’alerter l’auditeur qui voudra en savoir plus. Puis, de bulletin en bulletin, des détails croustillants sont distillés jusqu’au fameux « France-Info reportage » que fournit la station de France Bleue sollicitée dans la région où s’est produite la tragédie. Son scénario est aussi invariable : une gradation dans la distillation des circonstances vise à la stimulation maximale du réflexe de voyeurisme : ici, ce sont les multiples coups de couteau portés à l’enfant qui, en se défendant, a blessé son meurtrier et permis son identification par l’ADN des traces de sang laissées sur son cadavre, là, le jet de pierres dont l’une a atteint un bébé, ou encore la violence de l’orage qui a fait s’abattre une branche sur la tente où dormaient des fillettes.

Des bribes de commentaires de supposés témoins, qui souvent n’ont pas vu grand-chose, sont insérés dans le récit des jeunes journalistes qui, forcément, ne peuvent rien affirmer tant que l’enquête, qui n’a pas manqué d’être ouverte, n’aura pas été conduite à son terme. Le rêve, cependant, c’est la diffusion d’extraits de la conférence de presse d’un procureur de la République qui choisit de se mettre en scène pour raconter la scène tragique comme s’il y avait assisté, en l’estampillant du sceau de l’argument d’autorité : le respect de la présomption d’innocence a alors peu d’importance devant le cadavre d’un innocent.

La stimulation des réflexes de compassion et de condamnation

Ce voyeurisme s’accompagne simultanément de la stimulation intensive des réflexes de compassion pour les victimes et de condamnation des bourreaux. Cette stimulation connaît un paroxysme lors du récit des obsèques toujours « émouvantes » des victimes, illustré d’extraits saisis pendant la cérémonie : la douleur des parents, le petit cercueil de bois blanc, la foule des « anonymes » qui se pressent, la voix brisée du prêtre qui promet malgré tout aux proches effondrés consolation et bonheur dans l’au-delà : un chant s’élève, un accord d’orgue et le jeune journaliste rend l’antenne.

Le reportage par formulaire

Ces reportages sont des « copiés-collés » de ceux que, depuis des années, France-Info diffuse dans les mêmes circonstances qui, hélas, ne cessent, elles aussi, de se répéter. C’est à croire que le journaliste dispose d’un formulaire où il n’y a qu’à changer les noms des lieux et des acteurs. On y retrouve les mêmes mots stéréotypés, comme l’inévitable « cellule psychologique » que les autorités s’empressent d’installer quand la tragédie survient dans une collectivité dont les membres sont évidemment profondément « choqués ».

La réflexion paralysée

Et forcément, la place prise par la mise en scène à tiroir de ces faits-divers en laisse peu à d’autres informations. L’angle voyeuriste et compassionnel adopté n’en laisse pas davantage à la compréhension sous l’empire des réflexes activement stimulés. Et pourtant le meurtre commis par une personne ayant un suivi psychiatrique est-il semblable à celui d’un pervers qui agit délibérément ? La conduite d’adolescent inconscients et laissés à eux-mêmes ne diffère-t-elle pas de celle de voyous. Quant à une mort accidentelle par temps d’orage ne doit-elle pas être distinguée de celle qui relève de l’impéritie de responsables pourtant avertis d’un épisode orageux dangereux ?

Ces « chinoiseries », c’est vrai, sont bien trop compliquées pour drainer une audience. Le sang et les larmes d’autrui livrés fraîchement « en direct » sont autrement plus efficaces.

Et la série continue : une nouvelle chasse à l’audience et à l’enfant est ouverte. France Info vient d’annoncer aujourd’hui une prochaine tragédie en perspective : « Inquiétude dans la Drôme après la disparition d’un enfant. Une centaine de gendarmes et de pompiers équipés de caméras thermiques appuyés par un hélicoptère étaient mobilisés cette nuit pour tenter de retrouver un garçonnet de 2 ans et demi dans le sud de la Drôme. Il a échappé à la surveillance de ses parents hier sur son lieu de vacances. Le petit garçon a disparu hier en début d’après-midi. La famille, originaire des Yvelines, se trouvait en vacances dans un gîte à Verclause. Il est parti avec le chien de la famille, un beauceron, qui est revenu au gîte seul vers minuit. Les secours ont tenté de remonter ses traces, sans succès. » 

Paul Villach

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Mon commentaire sur Agoravox:
Mettre en pâture des émotions est une recette qui n’a jamais cessé de marcher.
- Pendant les vacances, où chacun se consacrant à une tâche de re-création (de ses forces) et de distraction est enclin à ne lire que des titres d’articles et se trouve donc peu enclin à faire la fine bouche sur le contenu "informatif"
- Pendant les périodes de travail aussi, ou il faut trouver le temps de chercher l’info fiable, et pour cela, examiner différentes presses traitant du même évènement... Quoiqu’il y ait - ce n’est pas récent - une propension grandissante des journaleux à copier-coller le texte des voisins...
Le pluralisme sera bientôt un souvenir ;

Bien entendu, nous n’aborderons pas ici le sujet des informations non diffusées... ou des "informations" diffusées sur commande...
   

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