Royal : « Nous devons résister »
La présidente de la région Poitou-Charentes maintient ses critiques
vis-à-vis de Sarkozy. Selon elle, le chef de l’Etat dirige une «
République affaiblie ».
Pourquoi avoir présenté des « excuses » à José Luis Zapatero ?
Ségolène Royal. C’était naturel pour moi, c’est ma vision de la politique.
D’abord parce que José Luis Zapatero est un ami. Et j’ai senti la
nécessité de mettre un coup d’arrêt aux dérapages verbaux permanents
qui s’exercent non seulement à l’égard des personnalités étrangères
(Barack Obama et Angela Merkel sont également ciblés par Nicolas
Sarkozy), mais aussi à l’égard des Français. C’est la même arrogance,
la même impolitesse. Il faut que cela s’arrête. Le jour où Nicolas
Sarkozy changera de mode d’expression, apprendra à respecter les
autres, je n’aurai plus l’occasion de m’excuser, de demander pardon.
Mais tant qu’il continuera, je continuerai à défendre la république du
respect !
On vous reproche d’avoir réagi à des propos qui ont été rapportés et déformés...
Nicolas Sarkozy, qui reçoit les journaux étrangers j’imagine, aurait dû
dire tout de suite que si ces propos avaient été mal interprétés, il
s’en excusait. C’était simple. Ce qui est en jeu, c’est l’image de la
France. Entre les insultes au Salon de l’agriculture, les insultes aux
autres chefs d’Etat... C’est une atteinte portée à nos intérêts, car
dans la crise économique, on a besoin d’un pays pris au sérieux.
Vous avez provoqué un tollé à droite...
Mais dans quels régimes dit-on d’une opposante qu’elle est folle, pour
la faire taire quand elle dérange ? Dans un régime démocratique ? Pour
déconsidérer une pensée, on déconsidère la personne qui la porte. Les
politiques doivent donner l’exemple. Que se passerait-il si un jeune
s’adressait à un policier dans les mêmes termes que M. Lefebvre ? Il
serait puni pour injure publique. Est-ce qu’un responsable politique
peut se comporter comme un voyou ? Il n’y a aucune attaque personnelle
contre le chef de l’Etat. Si cela fait tant de bruit, c’est parce que
c’est une autre façon de faire de la politique. Quoi de plus pacifique
que les excuses ou le pardon ?
Nicolas Sarkozy va fêter ses deux ans à l’Elysée. Comment qualifieriez-vous sa présidence ?
Comme une République affaiblie. Affaiblie dans chacun de ses principes,
dans ses libertés d’abord. Les institutions fonctionnent mal, les juges
se disent déconsidérés, il y a une tutelle sur l’audiovisuel public.
L’égalité a aussi beaucoup reculé. On assiste à une grande
paupérisation des services publics, dans l’Education, la Recherche, la
Santé... Enfin, il y a un affaiblissement de la fraternité. Nicolas
Sarkozy ne veut pas revenir sur le bouclier fiscal, et cette injustice
fait que les Français ne peuvent plus accepter les sacrifices, quand
tant d’autres brassent des milliards en toute impunité. On est en état
de prérévolte, comme l’a dit à juste titre Dominique de Villepin. Je ne
suis là pour souhaiter ni la révolution ni des émeutes sociales. Mais
ce que je veux dire aux Français c’est que nous devons résister.
C’est-à-dire ?
La résistance aux injustices est un combat qui doit rassembler même
ceux qui ne se sentent pas aujourd’hui menacés. Tous ceux qui se
sentent piétinés, bafoués, humiliés ne doivent pas se laisser faire. Si
les ouvriers d’Heuliez n’étaient pas descendus dans la rue, le
gouvernement n’aurait pas bougé. Quand les gens font du bruit et
exigent d’avoir des informations, des solutions sont à ce moment-là
parfois trouvées. Mais tous les autres ? Et les entreprises qui
disparaissent dans le silence ? Nous devrions être nombreux à être la
voix des sans-voix, broyés par un système qui ne se réforme pas.
Appelez-vous à un vote sanction contre Nicolas Sarkozy le 7 juin aux Européennes ?
Oui, comme l’a très bien expliqué Benoît Hamon, porte-parole du PS !
Vous voyez-vous comme la première opposante à Nicolas Sarkozy ?
J’ai été candidate à la présidentielle, je n’en fais pas une profession
et je ne suis pas obnubilée par la suivante contrairement à ce que
pensent mes détracteurs. Je n’ai pas besoin de me donner d’étiquette ou
de rôle. Je suis l’une des voix politiques qui portent. Mon obsession
ce n’est pas Nicolas Sarkozy ! Ma préoccupation c’est de voir que la
France décline et que les Français souffrent de plus en plus. Cela, ça
me fait mal car je sais qu’il pourrait en être autrement, avec une
autre politique. Je parle et j’agis pour que la France se redresse.