Ségolène Royal et la prochaine présidentielle
L'actuelle
polémique sur les sondages de l'Elysée comme celle sur la "mort du PS"
montrent l'archaïsme de l'actuelle organisation légale des partis
politiques.
BHL lance un appel pour un "big bang". Cette formule était déjà celle de Michel Rocard il y a ... 20 ans.
En réalité, la vie politique Française est historiquement structurée
pour étouffer la compétition loyale. La présidentielle de 2007 a été
caricaturale en la matière. Une candidate majeure a été privée de
"l'égalité des chances" qu'elle méritait. Elle a été confrontée à une
situation inédite parce que sa désignation était inédite. Sans
modification majeure, la présidentielle de 2012 peut vivre des
conditions identiques ; d'où notre titre où la référence à Ségolène
Royal vise l'emblème qu'elle est en l'espèce.
Pour modifier significativement la situation, quatre leviers sont à débloquer :
1) Légalement, le financement des campagnes présidentielles doit être
révisé de façon à permettre la constitution de "comités d'action
électorale" permettant de fonctionner sur des bases claires, saines et
naturelles.
Tant que cette étape ne sera pas traitée sérieusement, le reste ne peut fonctionner selon des modalités justes.
La course à la détention d'un parti est aujourd'hui le point de passage
incontournable pour "mettre la main" sur une logistique, des finances,
des moyens humains indispensables pour une campagne moderne.
2) La culture de la compétition doit être propagée. La France reste
dans une culture de "monarchie républicaine" pour la présidentielle.
L'opinion recherche encore "l'acte fondateur" du candidat : dauphin,
héritier ...
Un pays de taille moyenne comme la France doit pouvoir compter sur au
moins une trentaine de candidats dotés des talents nécessaires, pouvant
compter sur une compétition loyale avec des instruments légaux clairs
et transparents.
Les "procès en sorcellerie" de candidats qui n'auraient pas les
"qualités nécessaires" relèvent d'une autre époque mais témoignent bien
d'une culture collective inquiétante dans ce domaine.
3) Parmi ces moyens techniques figurent les sondages. Ils seront
appelés à occuper un espace de plus en plus important. Techniquement,
ils vont vivre des évolutions internes : rôle d'Internet, possibilités
de faire appel à des "call center" étrangers minimisant les coûts ...
Ce qui doit être traiter avec gravité, c'est le recours à deux techniques :
- le push polling éventuel qui dénature la fonction même du sondage
puisqu'il ne s'agit plus de connaître l'opinion mais de l'influencer
par les résultats d'un sondage,
- les liens trop étroits avec des médias qui deviendraient les relais complaisants d'une telle manoeuvre de push polling.
Sur ce dernier point, la réponse est techniquement simple. Il suffit de
compléter les mentions obligatoires de la fiche technique pour apporter
des précisions supplémentaires lors d'une publication de sondage par
voie de presse.
Pour lutter contre le push polling, les Etats-Unis ont esquissé des
voies intéressantes dont la publication de moyenne de sondages selon
les questions posées. Cette technique de la moyenne alerte l'opinion
dès que les écarts deviennent manifestement trop grands sur des
questions au contenu très voisin. Le site Pollster.com est un exemple
parmi d'autres.
4) La logique nouvelle de la pluralité des candidats et donc le
positionnement des partis comme structure d'organisation loyale de
cette compétition change radicalement la fonction même des partis
politiques.
Le responsable devient un "Chairman" qui est en charge de la
performance du parti sans aucune visée présidentielle personnelle et
reconnu comme dénominateur commun accepté par tous les candidats
potentiels.
Sa déontologie de garant de la "bonne compétition" est l'indicateur de la qualité d'exercice de son mandat.
Le "Chairman" vise d'une part à ce que la compétition soit loyale et à
ce que d'autre part le parti soit l'outil performant du candidat
désigné quelqu'il soit.
En 2007, il est certain qu'un PS mobilisé par la direction de campagne
de Ségolène Royal, désignée à l'issue d'un processus incontestable,
aurait donné une présidentielle entièrement différente de janvier à mai
2007.
Ces précisions techniques nous paraissaient indispensables. L'un de nos
commentaires récents sur la position de Mme Batho a suscité de
nombreuses réactions. Ces réactions ne doivent pas reposer sur des
malentendus. Nous ne sommes pas concernés par le dossier d'Opinion Way.
Nous avons porté une appréciation technique sur les sondages sans
qu'elle ne soit influencée par un "volet corporatiste". Cette
appréciation était probablement trop synthétique. Nous espérons que les
présentes précisions dissiperont les zones obscures éventuelles.