Sarkozy change de thon
Par Frédéric Lewino
La semaine prochaine,
Nicolas Sarkozy devrait annoncer en grande pompe que la France est
partisane d'arrêter la pêche au thon, mais... pas tout de suite.
Concrètement, cela signifie que Paris soutiendra le classement en annexe 1 du thon rouge de Méditerranée
lors de la réunion en mars prochain de la CITES (Convention sur le
commerce international des espèces de faune et de flore sauvages
menacées d'extinction) à Doha (Qatar). Ce classement en annexe 1
condamnerait à mort la pêche industrielle puisqu'il interdirait toute
exportation vers le Japon.
Seulement, il y aurait une petite condition posée
par notre Président : l'interdiction des exportations ne devra pas
intervenir avant 18 mois. En espérant secrètement que, d'ici là, les
scientifiques confirment que la pêche peut se poursuivre sans mettre en
péril l'espèce. Bref, il s'agit là, accuse Greenpeace, de pure
stratégie verte sarkozienne qui consiste à prendre, officiellement, une
position courageuse, mais vidée de sa substance par un artifice. L'ONG
a aussitôt fait connaître dans un communiqué son désaccord.
Le sel de l'histoire, c'est que la France n'a pas
une voix directe au chapitre de la CITES. En effet, à Doha, les 27 pays
de l'Union européenne devront voter comme un seul homme pour la
consigne adoptée en Conseil des ministres européen. Pour aider ce
dernier dans sa décision, la Commission européenne présidée par José
Manuel Barroso aurait dû, voilà un mois déjà, faire connaître sa
recommandation. Or, celui-ci est incapable d'arbitrer entre son
commissaire à l'Environnement qui plaide - mollement - pour l'annexe 1
et son commissaire aux Affaires maritimes et Pêche qui ne veut pas en
entendre parler. Du coup, le Commissaire européen n'a rien trouvé de
mieux que de demander son avis à la France avant d'arrêter une
position. Ce qui est absolument contraire aux usages de l'Union
européenne.
La guerre du thon n'est pas prête de s'achever
Maintenant que la position de la France est connue - même
officieusement -, Barroso a réuni, aujourd'hui, ses deux commissaires
pour enfin prendre une décision qui devrait être dévoilée dans les
heures ou les jours à venir. À moins que les nouveaux commissaires à
l'Environnement et aux Affaires maritimes et Pêche qui prendront les
commandes le 1er février ne veuillent ajouter leur grain de sel.
En attendant, cela fait des mois que la mécanique
européenne est enrayée - en ce qui concerne le thon, mais aussi toutes
les autres espèces animales et végétales dont le sort sera évoqué au
travers de la CITES -, à cause de deux douzaines de propriétaires
français de thoniers industriels qui veulent rentabiliser à tout prix
des bateaux pourtant largement subventionnés. Quant au millier de
pêcheurs dont la vie dépendrait prétendument de la pêche au thon,
rappelons tout de même qu'ils n'y consacrent qu'un mois par an pour un
salaire à peine plus élevé que le smic. La guerre du thon n'est pas
prête de s'achever.
Le Point