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19 janvier 2010

La crise a marqué le triomphe du chacun pour soi

Michel Schneider - Psychanalyste | Samedi 16 Janvier 2010 à 14:01

dans MARIANNE2

 

Marianne2, avec France Culture, présente des extraits de Regards sur la crise, ouvrage d’entretiens d’Antoine Mercier avec divers intellectuels (d’Alain Badiou à Alain Finkielkraut) sur la crise économique. Cette semaine, le psychanalyste Michel Schneider revient sur le narcissisme de l'époque révélé par la crise.

Quel diagnostic portez-vous sur la crise en cours ?
C’est toujours un peu impudent ou imprudent pour un psychanalyste de se mêler d’un jugement sur les choses politiques ou les choses économiques. Après tout, pourquoi est-ce que les économistes ou les politiques n’auraient pas aussi des choses à dire sur la psychanalyse
 ?

Peut-être…
Donc les propositions que j’avance ne sont que des suppositions, et je ne prétends pas du tout détenir la vérité. Je partirais d’abord de la fin de la crise, des conséquences psychologiques qu’elle a sur nous tous.

Ce qu’on prend pour une crise uniquement morale, une crise du moral des Français, ou des autres peuples d’ailleurs, je le vois plutôt du côté d’une crise de la morale, crise généralisée à tous les comportements des agents sociaux et économiques.

Au fond, l’effondrement des valeurs boursières ne fait peut-être que traduire ou entraîner, traduire et entraîner, une crise, un effondrement des valeurs morales. La crise résulte fondamentalement dans les esprits, ceux des dirigeants comme des dirigés, de la dominance du narcissisme sur l’altérité, sur le sens de l’altérité. Il y a plusieurs symptômes qu’on peut relever
 : la montée de la dette par exemple…

La montée de la dette ça veut dire quoi
 ? ça veut dire qu’on reporte sur les générations futures le coût à payer pour notre jouissance présente… c’est une négation de l’autre, de ses droits, du respect qu’on lui doit et c’est là une illustration de la toute puissance du narcissisme qui dit non seulement «moi d’abord», mais «moi seul et après moi le déluge»… Le déluge est là…

Effectivement…
Il nous frappe tous et maintenant… Second aspect de cette perte de l’altérité
 : l’extension du calcul économique, du capitalisme, de la sauvagerie dans les rapports personnels et sociaux, de la rentabilité dans tous les domaines y compris là où jusqu’à présent elle n’avait pas sa place, dans les échanges intellectuels, la vie de l’esprit, la création artistique, la vie affective, avec l’usage de ces horribles expressions «je gère ma relation» ou «je gère ma rupture»…

Tout cela témoigne de la disparition de ce que depuis l’Antiquité on appelait tout simplement «
la clé d’une vie bonne et juste». La fin de la bonté, du désintérêt, du «après vous», le triomphe du «moi d’abord», c’est la jungle selon Hobbes, c’est la lutte de tous contre tous. Et l’homme devient ou redevient un loup pour l’homme…

Comment se perd l’altérité
? Est-ce le résultat d’un long processus ?
C’est un long processus, au terme duquel le bien-être matériel devient le seul moteur de l’action de chacun et efface ce qu’on appelait le souci de bien vivre et pas de bien-être qui animait les Hommes et les sociétés jusqu’ici. Mais il y a d’autres symptômes. Par exemple, je suis très frappé par la perte du sentiment- de culpabilité. On a vu à l’occasion de cette crise les principaux responsables se dégager de la part qu’ils avaient pris à cela.

C’est un phénomène qu’on observe très largement socialement. Beaucoup de gens aujourd’hui, quand ils vous marchent sur le pied vous disent «
désolé»… Désolé, ça veut dire qu’on n’est pour rien dans ce qui arrive à l’autre. On est désolé de voir son voisin perdre sa mère, mais quand on est pour quelque chose dans le mal fait à l’autre, on doit dire : «je m’excuse» ou plutôt : « excusez-moi ! »

Œdipe avait le sens de la culpabilité. Il l’a payé d’ailleurs, en se punissant lui-même. Narcisse n’a pas le sens de la culpabilité. Il a une vague honte quand son image ne lui est pas renvoyée aussi belle qu’il la regardait dans le miroir. Le troisième aspect, c’est la perte du sens du réel dans cette crise, le déni de la réalité. Au fond, aujourd’hui, on est dans un monde – j’inverserais la formule de Saint-Thomas – où l’on ne croit que ce que l’on ne voit pas, on ne croit qu’au virtuel. On ne prend pas en compte les conséquences réelles sur les autres réels des décisions qu’on prend.

Qu’est-ce que le narcissisme au fond
 ? Le défaut total de sens moral. On n’est guidé que par ce qui vous fait du bien ou du mal, sans aucun souci du Bien et du Mal, justement. L’affaire Kerviel est révélatrice du fait qu’avec les traders, nous avons affaire avec des jeunes gens complètement immatures, moralement et psycho-lo-gi-quement, qui jouent des milliards, qui amènent la ruine réelle de personnes réelles, comme s’ils cliquaient sur une Gameboy d’enfant, comme s’ils étaient dotés, comme Harry Potter, de pouvoirs omnipotents de faire quelque chose à partir de rien.

L’altérité est-elle en rapport avec la responsabilité pour autrui
?
Bien sûr parce qu’en face, il n’y a pas d’autre, il y a des autres virtuels. C’est un peu comme sur ces sites dont le nom est quand même assez évocateur
 : Facebook, Second Life, Meetic… il y a toujours le «je», le «moi», le «moi-je» qui s’entend.

Quand on est sur Facebook, on se regarde soi-même regardé par les autres
 ! Les sites sociaux ne sont pas une société, ni même une micro-société, les échanges ne sont pas une communication. Ce n’est plus «Les Français parlent aux français » de la radio de Londres, c’est «les Narcisses parlent aux Narcisses » sur Twitter.

Une sorte d’«
l’exubérance irrationnelle» pour reprendre l’expression d’Alan Greenspan s’empare des esprits dans ce narcissisme contemporain. On ne prend pas en compte les conséquences réelles sur les autres réels des décisions qu’on prend.

Pensez à cette nouvelle expression à la fois euphémique et stupide
 : «Y a pas de souci !». D’abord, des soucis, il n’y a que ça, pour nos contemporains (chômage, pouvoir d’achat, pollution…). Ensuite, elle dit bien : «de l’autre, je me soucie comme d’une guigne». Nous traversons en solitaire comme le dit Marx «les eaux glacées du calcul égoïste», mais des soucis des autres, il n’y a pas à se soucier.

Que se passe-t-il quand un système touche sa limite
?
Il y a un effondrement généralisé de la croyance. La croyance en Dieu, c’est fait déjà depuis un certain temps. La croyance en l’argent comme valeur unique ou suprême, c’est en cours.

Et la consommation…
La consommation est aussi en train d’être défaite par cette crise et on voit effectivement les épargnants qui n’ont plus confiance dans le système bancaire, les banques qui n’ont plus confiance les unes envers les autres, se ruer dans des comportements de repli pour protéger un avenir qui est devenu très incertain.

Alors la seule chose que je vois se dessiner de positif dans cette crise, la seule bonne nouvelle finalement, c’est qu’à terme on peut espérer que chacun prendra davantage en compte, plutôt que la hausse ou la baisse des taux d’intérêts, l’intérêt de l’autre, l’intérêt de ceux qui nous entourent, de ceux dont nos décisions dépendent.

Il s’agit d’un changement radical de comportement. Cela ne s’improvise pas…
Cela ne peut pas être artificiel, mais quand on voit que dans le miroir de son narcissisme on ne rencontre finalement que la mort, l’effondrement que le réel nous signifie, on peut être amené à réfléchir. Il y a bien une butée à un moment donné. On peut jouer dans le virtuel, on peut jouer dans l’imaginaire, il y a bien un moment où le réel parle et le réel dit «
on ne fait pas de la richesse sans la produire».

Donc il est possible que nous comprenions que l’issue n’est pas là mais ailleurs, dans le fait de se soucier un peu plus des autres, des conséquences de ses actes, de se sentir un peu plus responsable et non pas omnipotent, omnipuissant dans son monde intérieur de Narcisse.

Faut-il aussi que la société retrouve globalement un sens en tant que collectivité
?
Je crois que seul l’État, la croyance en l’État, en ses vertus paternelles, régulatrices, donneur de lois, donneur de cadres, donneur de limites, peut compenser le manque que chacun ressent individuellement.

Sortir de «
big mother» !
La «
big mother», elle s’est dégonflée, elle a montré qu’elle ne donnait pas tout à tout le monde et qu’elle ne pouvait pas tout. Les gens qui attendaient une espèce de profusion de richesses, une bulle de richesses, sont maintenant confrontés concrètement à eux-mêmes et au fonctionnement d’une société juste.

La bulle financière évoque pour moi cette espèce de sein maternel dont les épargnants, entre autres, attendaient de façon illimitée, irrationnelle, qu’il distribue une richesse qui n’avait pas été produite. On s’est rendu compte tout d’un coup que ce bon sein maternel n’existe plus ou en tout cas ne produit plus.

C’était les 15
% de rentabilité…
Il fallait 15% de rentabilité… Les gens qui ont cru à Madoff ont cru à cette promesse d’un don illimité. Ils ont cru aussi que l’argent, la richesse matérielle assurerait ce que les psychanalystes appellent un «holding»… Pas au sens financier, où l’on dit d’ailleurs «une holding», je précise.

Ça veut dire quoi
?
«
Holding», selon le psychanalyste anglais Winnicott, consiste à porter l’enfant, à lui assurer la sécurité dont il a évi-demment besoin, mais sans l’étouffer. Winnicott affirme que la mère doit être là, qu’elle doit porter l’enfant mais qu’elle doit être suffisamment bonne. Ce qui veut dire pas trop bonne. Car sinon l’enfant ne pourra jamais se détacher, devenir autonome et avoir des désirs, des besoins qu’il puisse satisfaire avec ses propres ressources.

Voilà le point où nous en sommes. Nous constatons un effondrement de la croyance dans cette toute puissance du système financier. Tout à coup se manifeste une perte de crédibilité. La bonne mère s’est avérée pauvre, ne pouvant plus dispenser ce qu’on attendait d’elle.

Dans ce contexte-là effectivement, le retour ou le recours à l’État comme figure paternelle en tant qu’il met des limites, instaure des lois et règles de fonctionnement, notamment dans le monde financier, est une aspiration très forte. Je pense que c’est par là que passera sans doute le retour vers des valeurs réelles, au sens de valeurs boursières et de valeurs affectives. Il y a de la passion dans la politique, il n’y a pas que du rationnel.

Ce qui est vraiment irrationnel, c’est de croire comme les économistes, que tout est rationnel, que tout est ratio au sens du calcul, des ratios bancaires, des ratios boursiers. Il faut prendre en compte ce besoin irrationnel d’être effectivement aimé, protégé, par un système économique et social, mais aussi qu’un peu de raison, un peu d’ordre soient mis dans ces attentes.

 

Comment expliquez-vous que, «big mother» ait pu prendre le pouvoir et qu’on ait accepté cette infantilisation généralisée ?
C’est un phénomène lent, long, mais à mon avis inéluctable et qui n’est pas plus imputable à la gauche qu’à la droite. Tous les hommes politiques quand ils arrivent au pouvoir ont tendance à vouloir faire office d’airbag
 !

On sait qu’on va dans le mur, on va dans le mur de la dette, on va dans le mur de la non-réforme de l’État, on va dans le mur de la crise, mais au lieu de dire aux Français, comme à des adultes «
écoutez voilà où on va si on ne fait rien, il faut réformer les choses», on leur dit «ne vous inquiétez pas, il y a un airbag, un bon sein qui va vous empêcher de vous cogner dans le mur».

Or, ce qu’on attend d’un homme politique c’est qu’il gouverne, c’est qu’il donne des directions, des orientations à la voiture qu’il conduit. Il ne faut pas oublier que gouverner signifie tenir un gouvernail, ce qui implique donner une direction, piloter quelque chose, ce n’est pas satisfaire tous les besoins de tous à tous moments.

Le rôle de l’État consiste à fixer des orientations, des priorités… Alors quand on dit «
tout est priorité», on dit aussi qu’il n’y en a aucune. On part dans tous les sens et on n’arrive nulle part. Le rôle de l’État est de donner des orientations et de s’y tenir. Le vrai problème des Français c’est qu’ils ont le sentiment, à juste titre, de ne pas être reconnus, et que l’État ne les connaît pas, ne les reconnaît pas et se contente de coller sur les plaies sociales un cataplasme de fonds budgétaires en reportant tout cela sur la dette, c’est-à-dire sur les générations futures.

Mais, dans le même temps, ce besoin d’être reconnu garde quelque chose d’infantile. On a besoin que l’autre vous dise que vous existez pour exister. Il faudrait que les gens se sentent plus responsables de ce qu’il leur arrive. Je ne dis pas qu’on est responsable de ce qui nous arrive quand on est licencié pour raison économique, il y a des choses évidemment dont on n’est pas responsable. Mais dans ce qui nous arrive, il ne faut jamais perdre de vue qu’en tant que sujet, on demeure en partie responsable de la situation dans laquelle on se trouve.

Peut-être parce que la sensation d’être un sujet, au sens fort du terme a un peu disparu…
Aujourd’hui, on est des individus, des Narcisses qui cherchent- à affirmer leurs différences par rapport au voisin, qui sont souvent dans l’envie, dans la haine du groupe voisin ou du groupe supérieur et les conséquences de la crise c’est la régression infantile, c’est la dépression, ce sentiment de ne pas être reconnu, de ne pas exister, et c’est aussi l’agression.

Il y a une montée de la violence sociale pour régler les problèmes catégorie contre catégorie si bien qu’on n’a plus tout à fait le sentiment d’avoir affaire à une société dans laquelle les gens sont liés par la reconnaissance mutuelle de leur place, quelle qu’elle soit. Dans les sociétés anciennes et jusqu’au siècle dernier, le patron et l’ouvrier se reconnaissaient comme patron et ouvrier. Aujourd’hui, plus personne n’ose se dire patron et plus personne ne peut se dire ouvrier avec la fierté que ça comportait.

Y a-t-il encore suffisamment de sujets pour qu’on se ressaisisse en tant que sujet
?
Moi je l’espère, je l’espère… Je ne suis pas sûr que la France et les Français pourront avoir ce sursaut de se dire «
bon, qu’est-ce qu’il faut faire ?» et pas «qu’est-ce que j’attends qu’on fasse pour moi ?».

L’élection d’Obama constitue, en revanche, la magnifique réalisation du vœu de tout un peuple d’en sortir. «
Yes we can» c’est la croyance qu’on y peut quelque chose individuellement et collectivement. Et je crois que se considérer comme sujet de sa propre existence, même si on est assujetti aux liens sociaux, aux liens hiérarchiques, aux liens professionnels, ça reste la clé qui nous amènera à davantage d’autonomie.

Mais seul un État, pouvant dire «
je ne peux pas tout, je peux ça, et ça, et ça, et je le ferais avec vous», peut aider les gens à se ressaisir d’eux-mêmes si on peut dire, et à se responsabiliser en tant que sujets.
Comment percevez-vous cette question en tant que psychanalyste avec vos patients
 ?

Les pathologies ont profondément changé depuis Freud et ses cas d’hystériques, d’obsessionnels, disons de névrosés. Aujourd’hui, on a d’avantage affaire à des pathologies qu’on appelle des «
états limites», entre la psychose et la névrose ou à un narcissisme tellement fort qu’on ne peut plus parler de sujet, on est «je» et «je», pas «je» et «tu».

Être un sujet, c’est être «
je» en face d’un «tu». Or aujourd’hui on a des patients qui considèrent l’autre uniquement comme un prolongement d’eux-mêmes, un reflet, un miroir, un objet qu’ils peuvent manipuler, qu’ils essayent en tout cas de manipuler, et pas comme un sujet qui a ses droits, son existence, qui peut vous manquer, qui n’est pas tout puissant, pas plus que vous ne l’êtes.

Voilà une cause de la dilution du sens de l’altérité qu’on peut observer dans les nouvelles pathologies actuelles qui sont plus de l’ordre de l’addiction à l’autre que de la relation avec ce qu’elle doit comporte de distance.

L’autre fait peur…
Un autre est aussi un sujet, qui lui vous considère comme une personne et pas comme un objet manipulable. Je dois dire que de plus en plus, on voit effectivement – et c’est vrai dans toutes les catégories sociales, ce n’est pas du tout le propre des gens qui souffrent et qui viennent chez le psychanalyste – cette perte totale du sens de ce qu’on doit à l’autre. Levinas a donné en deux mots la formule du lien, du lien amoureux, du lien social aussi et du lien politique
 : «après vous».

Après vous Monsieur
Après vous Monsieur. L’intérêt général que constitue cet «
après vous» dans la sphère politique ce n’est pas «je», «moi», «mes avantages acquis» et «je vais les faire valoir au détriment des avantages des autres» parce qu’un avantage qu’on gagne, il est toujours payé par quelqu’un, soit les générations futures, soit d’autres catégories sociales à travers la fiscalité… mais c’est de dire «l’intérêt général doit guider les politiques». Or, malheureusement, on a de plus en plus affaire à des politiques qui se demandent non pas pourquoi ils sont au pouvoir et pour faire quoi, mais pour combien de temps… et pour durer…

C’est vrai aussi dans les entreprises…
Absolument. Les super-bonus, qu’on se sert de façon éhontée quand en même temps on fait des pertes ou on licencie. Il y a quelque chose de totalement immoral et qui est insupportable. Je pense que si les élites se comportaient mieux d’un point de vue moral, les dominés accepteraient mieux les sacrifices qu’on leur demande.

Autre observation
: la négation des conflits…
On nie le conflit quand on a perdu l’altérité. Il y a une sorte de déni chez les politiques, que la politique est faite de conflits, de conflits résolus si les uns et les autres se préoccupent de l’intérêt général et se reconnaissent comme des adversaires certes, mais aussi des partenaires en charge de l’intérêt commun.
Le conflit, la considération de l’autre, la reconnaissance de l’autre, me paraissent plus importants que l’amour au sens passif de ce terme.

Je ne dirais pas comme Ségolène Royal
 : «Aimez-vous les uns les autres» car je ne pense pas que ce soit le remède aux maux de la société. Mais je dirais : «regardez-vous les uns les autres, comme des autres, envers lesquels vous avez des droits et aussi des devoirs».

«
Devoir», le mot a quasiment disparu du vocabulaire contemporain. Il est probable que l’on trouvera une issue à la crise dans un certain ressaisissement du désintérêt, ou de l’intérêt général, ou de l’intérêt pour l’autre, et non pas dans la capitalisation de ses intérêts particuliers.

Le système libéral ne fonctionnait-il pas en partie en exploitant ce narcissisme que vous dénoncez?
Bien sûr, il l’a renforcé en introduisant des relations d’intérêt là où elles n’existaient pas. On peut dire aujourd’hui que le capitalisme est partout, dans les relations sociales, intellectuelles, affectives. Chacun se dit «
je vais capitaliser ma relation».

Je pense que reconnaître que ce système a failli, en tout cas a trouvé ses limites dans la crise, ce n’est pas renoncer à la grande tradition du libéralisme français qui n’a jamais impliqué l’absence d’État, l’absence de règle, l’absence de régulation. Le capitalisme ce n’est pas la jungle et comme dit Hobbes, «
la lutte de tous contre tous».


Biographie : Michel Schneider (né en 1944) est un psychanalyste et écrivain français. Directeur de la danse et de la musique au ministère de la Culture de 1988 à 1991, il a remporté le prix de l'essai Médicis en 2003 pour Morts imaginaires et le prix Interallié en 2006 pour Marilyn dernières séances

Regards sur la crise, réflexions pour comprendre la crise… et en sortir,
ouvrage collectif dirigé par Antoine Mercier avec Alain Badiou, Miguel Benasayag, Rémi Brague, Dany-Robert Dufour, Alain Finkielkraut…, Paris, Éditions Hermann, 2010.

 

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