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9 mars 2010

Martine au pays du sourire

Par DANIEL SCHNEIDERMANN

 

Le nouveau coach de Martine Aubry est désormais dévoilé : il s’appelle Yann Barthès, et présente chaque soir le Petit Journal de Canal+, bêtisier hilarant et souvent très réussi, des bafouillements, bâillements, faux pas, effets de communication, des responsables politiques.

Depuis des mois, Yann Barthès adjurait Martine Aubry de sourire. Chaque soir, il se pourléchait avec les images des rebuffades infligées par Aubry aux reporters, porteurs de micros, de caméras, et de perches son. Car la première secrétaire, peu désireuse d’être enregistrée et écoutée dans chacune de ses confidences, n’avait pas de mots assez durs pour les reporters enquiquineurs. Et Barthès de conclure imperturbablement par une gentille admonestation : «Allez, Martine, un petit sourire !» Toujours lui-même avec le sourire. Car Barthès sourit toujours. Ses conseils sont souriants. Ses coups de griffes sont souriants. Au pays du sourire universel, il règne, mesurant avec équité bafouillements de droite et bâillements de gauche. Alors pourquoi l’éternelle revêche Martine ne voulait-elle pas rejoindre la chic bande de Canal+, au pays du sourire et des applaudissements ?

L’injonction de sourire est moins anecdotique qu’il n’y paraît. Le sourire est une frontière, entre les époques et entre les responsables politiques. Sourire, c’est tenter de séduire. Imagine-t-on Charles de Gaulle souriant dans ses conférences de presse ? Tutoyant les orages, le général pratiquait l’humour, mais à froid. Plus près de nous, Lionel Jospin Premier ministre refusa obstinément de déférer aux pressantes invitations de Michel Drucker, lequel estimait récemment avec modestie que ce refus avait coûté à Jospin son élection en 2002. Il eût fallu composer, émouvoir, sourire, et Jospin s’y refusait. Certainement troublé par le harcèlement de Drucker, Jospin estima nécessaire de faire savoir qu’il était «un austère qui se marre», mais sans succès. Trop peu et trop tard.

Aujourd’hui, la domination du souriant se confond avec celle de la télévision. Impossible de ne pas sourire, quand vous pénétrez dans le salon des Français. A ce titre, le «souris Martine» est un front secondaire, mais un front tout de même, du fameux «there is no alternative» thatchérien, dont la malédiction n’en finit pas de poursuivre la social-démocratie européenne. Sans doute la ligne de partage des sourires recoupe-t-elle largement la cartographie politique de la conversion du Parti socialiste au libéralisme. Les 35 heures peuvent être une perspective souriante. Mais les 35 heures imposées par la loi ne sourient pas du tout. S’il existait des zygomètres, il est probable que l’on découvrirait que Manuel Valls ou Pierre Moscovici sourient beaucoup plus que Jean-Luc Mélenchon ou Henri Emmanuelli. Il est scientifiquement attesté que Tony Blair souriait beaucoup plus que Gordon Brown.

Observant le harcèlement barthésien, on ne pouvait donc s’empêcher de se ranger aux côtés de la sommée. Résiste, Martine ! Tu as le droit, et même le devoir, de tirer la tronche. Tu as parfaitement le droit de ne pas vouloir être mise en boîte par Barthès, et les envoyés spéciaux de Barthès qui te collent aux basques, en guettant le moment où tu vas trébucher sur le quai de gare, ou échanger trois banalités avec le premier secrétaire fédéral de la Charente qui t’accueille au pied du TGV. Ne pas sourire, ne pas entrer dans le concours de séduction permanente, devrait être un droit imprescriptible du dirigeant politique. La gestion du réchauffement climatique, des crises monétaires, la résolution du problème des retraites, échéances qui t’attendent si tout se passe bien pour toi, tu as le droit, après tout, de ne pas les considérer comme forcément réjouissantes. C’est à ton osbtination, contre le diktat de l’époque, qu’on mesurera ta capacité de résistance. Las ! L’autre semaine, Yann Barthès cria enfin victoire, exhibant comme un trophée les images d’une nouvelle Martine Aubry : aux petits soins pour les reporters, les écartant maternellement de la bordure du quai quand le train arrive, taquinant les perches son, les maudites perches son, avec une joie surjouée de petite fille. Quelques soirs plus tard, presque au même instant, les 20 Heures de TF1 et de France 2 ratifièrent l’immense nouvelle : Martine Aubry sourit enfin. Les deux journaux télévisés rivalisaient en nombre de plans de sourires de la première secrétaire en campagne. Ils en conclurent avec sagacité que tous les obstacles ne pourraient que s’aplanir d’eux-mêmes, et que les portes de l’Elysée, en cas de victoire aux régionales, seraient grandes ouvertes devant la souriante. Mais cette conversion, si elle ravit les gens de télévision, est-elle forcément une bonne nouvelle pour l’intéressée ?

>>>>>>>> Libération

 

 

     

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