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18 avril 2010

Expropriations Xynthia : sécurité ou ... futur scandale (d’Etat) ?

Jean-Louis Denier  |

 

Jean-Louis Denier, journaliste subodore, derrière les impératifs de préventions des risques et de protection des personnes, une véritable gabegie de l’argent public...

 

Dessin: Louison

Dessin: Louison

 

Tout a été très très vite, une véritable floraison printanière.

Qu’on en juge ... cinq semaines à peine après le passage de la tempête « Xynthia » que déjà percent et s’épanouissent les noires corolles des zones promises à la destruction et à la désertification.

Les données chiffrées indiquent que 1.510 parcelles de terrain - toutes bâties ou aménagées en vue d’une occupation humaine - seront concernées par ce qui prend les allures d’une décision politique et administrative sans précédent : une expropriation massive visant littéralement à rayer de la carte plusieurs pans du territoire français situés en Charente-Maritime et en Vendée, mesure que nos confrères de l’hebdomadaire « Le Point », peu suspects de gauchisme ou d’exagération anti-Sarkozy, décrivaient, il y a peu, comme le fait de raser des quartiers entiers, des lotissements, des campings et des villas.


 Emotion + précaution = expropriations à la hâte

Pourquoi cet empressement ?

La réponse tient en deux points : bilan des pertes et traitement/récupération politique de l’émotion. Avec sa cinquantaine de morts, Xynthia est passé de la catégorie « évènement météorologique » à celle de drame national et, à un drame de cette ampleur, il convenait d’apporter, selon la méthode d’action/communication de l’actuel locataire de l’Elysée, une réponse du même calibre. Bref ... à la force des éléments devait répondre celle du gouvernement, seul apte à dompter vents et eaux mais, surtout, à les laisser souffler et passer, à l’avenir, dans des endroits dépourvus de population en vertu du principe de précaution.

Mais justement, c’est là où le bât blesse.

C’est, en tout cas, ce que constate certains spécialistes de l’action administrative et du droit public, droit applicable en l’espèce compte-tenu des décisions préfectorales de classement en zones dites « noires » et des futures procédures d’expropriation à lancer.

Ainsi, Bruno Kern, Avocat spécialiste de la matière et ancien Chargé de mission « urbanisme » auprès du Médiateur de la République, constate qu’« Il y a quelque chose de violent sans aucune procédure de concertation. Les préfets interviennent dans l’urgence et dans l’émotion (...) ». Son confrère, Me Yves-Noël Gentil, lequel défend les intérêts d’habitants des villages vendéens de La Faute et de l’Aiguillon, n’est pas en reste lui qui remarque que « La délimitation des zones n’a pas été effectuée de façon pertinente et approfondie. ».


Propos partisans ?

Pas si sûr. Un élu UMP, Jean-Louis Léonard (député-maire de Châtelaillon-Plage en Charente-Maritime) répète à qui veut l’entendre que « Il faut une véritable analyse des risques, au cas par cas, avec, en parallèle pour chaque secteur, une évaluation de ce que coûteraient les moyens de protection nécessaires. ».

Comme d’autres, il argue, à cet égard, des dispositions du Code de l’Environnement, lequel, dans son article L. 561-1, rappelle que « Sans préjudice des dispositions prévues au 5° de l’article L. 2212-2 et à l’article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, lorsqu’un risque prévisible de mouvements de terrain, ou d’affaissements de terrain dus à une cavité souterraine ou à une marnière, d’avalanches ou de crues torrentielles menace gravement des vies humaines, l’Etat peut déclarer d’utilité publique l’expropriation par lui-même, les communes ou leurs groupements, des biens exposés à ce risque, dans les conditions prévues par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et sous réserve que les moyens de sauvegarde et de protection des populations s’avèrent plus coûteux que les indemnités d’expropriation. ».

En tenant ces propos, M. Léonard a sans doute en tête un certain nombre de détails fort intéressants.


Il y a d’abord des faits.

Pendants des décennies, les digues protégeant les secteurs inondables n’ont été ni entretenues ni renforcées alors que, pendant le même temps, bien des élus locaux, des promoteurs et des services administratifs chargés de contrôler la légalité (en droit + en fait) d’autorisations de lotir et/ou de construire en zone à risque ne trouvaient rien à redire lorsque maisons et aménagements divers se multipliaient là où le danger, connu de tous, existait. A cette époque, l’action et la réaction administratives et/ou politiques étaient beaucoup moins rapides qu’aujourd’hui, différence de tempo dans le souci de la précaution et de la prévention des risques qui, curieusement, ne donne lieu actuellement à aucun commentaire ni déclaration ou interrogation concernant, par exemple, la responsabilité passée de tel ou tel décideur ... .

Il y a ensuite les chiffres.

Personne, pour l’instant, ne s’intéresse au coût de la réfection ou à celui de la construction d’ouvrages de protection tels digues, canaux, bassins de rétention etc. Une seule solution est retenue : acquérir à l’« amiable » ou exproprier rapidement. L’on ne s’embarrasse pas d’étude ou de comparaison des coûts.

Or ... la FFSA (Fédération Française des Sociétés d’Assurance) estime, qu’en moyenne, l’acquisition, négociée ou forcée, du foncier et du bâti coûtera 250.000 € en moyenne par opération et, lorsque l’on sait que 1.510 opérations seront nécessaires, l’on arrive à la coquette somme de ... 377.500.000 €, ce qui n’est pas rien quand bien même l’intervention des compagnies d’assurance et du fonds dit « Barnier » - créé en 1995 et financé par une partie des primes d’assurance habitation – pour les procédures amiables.

Curieusement, depuis prés d’une décennie, à Charron, un des villages de Charente-Maritime les plus touchés par le zonage aux fins de destruction des maisons (destruction prévue de 180 maisons) un projet de reconstruction de 6 km de digues attendait toujours le déclenchement d’une enquête d’utilité publique par la Préfecture ... sans doute pour raison d’économies budgétaires.

 

 

Quand tout le monde n’est pas « administrativement » inondé de la même façon ...

Mais le plus délirant, dans tout cet ensemble, c’est la manière selon laquelle les Préfectures appréhendent et qualifient le risque.

L’île de Ré a été en partie submergée lors de la tempête, l’île se trouvant alors partagée en trois, reprenant ainsi sa géographie d’il y a quelques millions d’années. Aucune décision administrative ne concerne pourtant son habitat et ses habitants alors qu’il y a eu inondation et évacuation d’urgence de dizaines de Réais dans les heures qui ont suivi Xynthia.


A quelques kilomètres de là, et sur le continent, des maisons non inondées sont, elles, et d’autorité, promises à la destruction.

Tout se passe donc comme si certains avaient le droit de continuer à être inondés et à résider dans et sur un endroit prisé alors que d’autres sont considérés comme gens de peu et donc soumis à expropriation et expulsion, et ce, au mépris du principe d’égalité qui commande à l’Administration de traiter de la même façon les personnes se trouvant dans la même situation de droit et/ou de fait.

Ceci est grave : pareille discrimination nous éloigne un peu plus de ce que l’on peut attendre – et exiger - des choix d’un gouvernement dans une République qui se veut un Etat de Droit.

Marianne

                                 
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