DETTE GRECQUE Stiglitz : "C'est peut-être la fin de l'euro"
AFP
Le Prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz a prédit
mardi la fin possible de l'euro si l'Europe ne parvient pas à régler ses
"problèmes institutionnels fondamentaux", dans la foulée de la crise
grecque. Interrogé sur la radio BBC 4, il a estimé que le plan d'aide
UE-FMI, assorti d'un plan d'austérité dont il a critiqué la sévérité, ne
ralentirait pas l'ardeur des spéculateurs à miser sur un
affaiblissement de la zone euro : "les conditions apparemment
excessivement dures imposées à l'Espagne (a-t-il dit dans un lapsus)
seront en réalité contre-productives pour prévenir une contagion", selon
lui.
Les analystes signalent en général l'Espagne comme le prochain pays de
la zone euro à pouvoir connaître les mêmes difficultés que la Grèce.
"Quand on aura vu à quel point il a été difficile à l'Europe d'adopter
une position commune pour aider un des plus petits pays, on réalisera
que si un pays un peu plus grand a des difficultés, il est probable que
l'Europe aura encore plus de mal" à se mettre d'accord, a-t-il dit.
"Donc je pense que l'espoir que (cette aide) nuira aux pressions
spéculatives est probablement infondé : ça peut marcher pendant quelque
temps, mais à long terme, tant que les problèmes institutionnels
fondamentaux seront là, les spéculateurs sauront qu'ils existent, et au
fur et à mesure que les faiblesses de l'Europe s'aggraveront je pense
qu'ils s'en donneront à coeur joie".
Comme on lui demandait si cela signifiait la fin de l'euro,
l'économiste a répondu : C'est peut-être la fin de l'euro". Si l'Europe
"ne règle pas ses problèmes institutionnels fondamentaux, l'avenir de
l'euro sera peut-être très bref", a-t-il dit.
Le FMI a des références franchement pas convaincantes
Joseph Stiglitz indique "être inquiet de certains aspects" du plan
d'aide à la Grèce annoncé dimanche, et notamment "du degré d'austérité
budgétaire" qu'il contient. "Si vous taillez excessivement dans les
budgets, l'amélioration de la situation budgétaire sera bien moindre que
ce qu'on aurait espéré, et c'est particulièrement vrai dans la mesure
où d'autres pays d'Europe vont devoir faire des exercices similaires",
selon lui. Il a accusé le FMI d'avoir "des références franchement peu
convaincantes" en matière d'exigences de redressement. "Les programmes
du FMI, quand ils sont excessivement sévères, peuvent pousser un pays
dans une spirale d'endettement", a-t-il prévenu.
L'économiste a par ailleurs regretté l'attitude de l'Allemagne dans
cette affaire : "J'aurais espéré de sa part un sens plus aigu de la
solidarité envers la Grèce", a-t-il dit. Il a estimé en général que
l'Europe "n'avait pas le cadre budgétaire nécessaire pour faire de
l'union monétaire un succès". "En l'absence d'un tel cadre on avait
espéré voir une sorte de solidarité apparaître quand les circonstances
l'exigeaient, malheureusement cela n'est pas arrivé", a-t-il déploré.
Il a rappelé qu'au moment de la fondation de l'euro beaucoup
d'économistes, déjà, avaient estimé "que ça irait tant que tout irait
bien". "Mais en présence d'une crise comme celle-ci, ils n'ont pas les
structures institutionnelles nécessaires pour la résoudre", a-t-il
conclu. Joseph Stiglitz a déjà appelé à plusieurs reprises à la création
par l'Union européenne et la Banque centrale européenne d'un mécanisme
de crise commun pour aider les membres les plus fragiles.
Le Point