Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Visiteurs
Depuis la création 1 378 953
Newsletter
30 mai 2010

QU’EST-CE QUE LE SEGOLENISME ?

  Par S P  sur LE POST             

QU’EST-CE QUE LE SEGOLENISME   ?

Sur un socialisme d’avenir pour le XXI ème siècle

Par Sandrine Piaskowski

 

Longtemps, et particulièrement depuis le congrès de Reims, nous fûmes taxés de supporters, adhérents idolâtres, ségolâtres, apôtres de la personnalisation. Or, rien n’est plus faux, je dirais plus inexact, car nous ne sommes pas dans l’échange d’imprécations ou la simplification des positions des uns et des autres. Nous ne sommes pas dans l’abrupte réduction à une nature, nous ne sommes ni dans la croyance, ni dans la consommation politique. En bref, nous pensons, il nous arrive aussi de réfléchir. En d’autres termes, la rue de Solférino n’a pas le monopole de la réflexion ! Nous sommes précisément dans la réflexion, l’argumentation, la démonstration, la proposition. Alors, quels sont les fondements de cette réflexion, que défendons-nous ?

Le terme « ségolénisme » peut lui-même susciter des interrogations. Il est clair qu’il offre tous les avantages de la commodité. Il permet en premier lieu d’évacuer l’appellation de « royalistes », qui somme toute poserait problème en République. Il permet en second lieu une identification rapide et a le mérite de la clarté. Ce terme commode est sujet à discussion et gagnerait sans doute à être « remplacé » ou du moins gagnerait-il plus à l’interchangeabilité. Pourquoi ?

Il est clair que le terme contient en lui-même le possible reproche de la « personnalisation ». Cependant, il n’est pas honteux de recourir à ce type de terme : gaullisme, mitterrandisme, etc … se sont succédés bien avant que l’on ne parlât de « sarkozysme ». La défiance possible vis-à-vis de ce genre d’appellation provient largement de la vacuité du « sarkozysme ». A nous de ne pas laisser comparer les modes d’expression de Ségolène Royal à l’agitation et à la communication désordonnée de l’actuel Président de la République. A nous de montrer que notre pensée est structurée, en bref de préciser nos principes directeurs - principes auxquels l’ensemble de nos propositions concrètes peuvent être rattachées.

Par ailleurs, l’aspect « bannière » de l’appellation n’est pas honteux. L’élection du Président de la République au suffrage universel direct induisit dès 1962 l’idée de la personnalisation, confirmée à partir de 1965. A moins d’y renoncer et de revenir à un système parlementaire strictement entendu, la référence à une personnalité charismatique est une donnée incontournable. Le charisme n’est pas synonyme de culte de la personnalité et de dépossession de notre faculté de jugement. Il serait intéressant de savoir pourquoi nous sommes présentés par nos adversaires comme membres ou fidèles d’une secte, et cela ferait l’objet d’un article spécifique ! Il semble dès à présent que ce charisme dont fait preuve Ségolène Royal, ce contact qu’elle établit avec le « peuple » inquiète les autres prétendants à la magistrature suprême. C’est pourquoi nous pouvons nous voir opposer l’appellation de « populiste » quand c’est l’adjectif « populaire » qui conviendrait. C’est pourquoi j’ai suggéré l’ « interchangeabilité » des termes. A côté de « ségolénisme » un autre terme peut être proposé qui en serait la substance même. Un long travail pourrait être engagé sur ce point. Ce que dans nos réunions, nous désignons comme le « fond », le « contenu ». L’un ne va pas sans l’autre.

Il est clair que nous sommes à un moment charnière de l’histoire de nos démocraties : outre la difficulté des gauches à se redéfinir après l’effondrement du communisme soviétique, la social-démocratie est exsangue. Crise financière, récession, remise en cause des acquis sociaux, mondialisation impersonnelle, montée des nationalismes, émergence de préoccupations écologiques globales, abandon des catégories populaires dans une société de plus en plus clivée, constituée en réseaux élitaires, morale de l’intérêt en progression, etc … l’appel à la libre expression doit être entendu ; la soif est immense de réfléchir et de reconstruire. La soif est intense, dans et pour ce XXIème siècle qui commence, de repenser « la » gauche, de refonder le socialisme.

Nous sommes dans un système médiatique de plus en plus développé. Dès aujourd’hui, présentons les axes majeurs qui caractérisent le « ségolénisme ». Des travaux considérables ont déjà été entrepris, avant même la Présidentielle de 2007, qui n’ont cessé d’être enrichis. Les universités participatives ont vu le jour, Ségolène Royal n’a cessé d’avancer des propositions. Tant avec le concours de spécialistes de renom qu’avec la participation citoyenne. Il nous faut exposer un « référentiel » clairement identifiable par tous. Je présente ici ce qui selon moi est au fondement même de cette démarche. Je précise aussitôt que les ouvrages, journaux, articles que je suis amenée à citer au fil de ces pages sont de tous horizons, que leurs auteurs ne sont pas étiquetés « ségolénistes », et ont même pu depuis l’élection présidentielle de 2007 ou le congrès de Reims de 2008, choisir une autre voie ou tracer la leur propre ! Il importe en effet de ne se couper d’aucun apport théorique, loin des engagements partisans. Je ne parle pas ici stratégies, alliances, trajectoires personnelles, etc …

Je propose trois axes majeurs : dans un premier temps, nous nous attacherons à réfléchir à ce qu’est cette nouvelle manière de faire de la politique que nous appelons de nos vœux ; démocratie participative, renouveau de la parole citoyenne et respect de l’individu sont en effet au coeur d’une volonté de reconstruction de la vie sociale et politique afin que chacun ait les moyens de maîtriser sa propre vie.

Ceci est évidemment indissociable des aspirations de justice sociale et de l’idée d’une citoyenneté économique, pour donner son plein sens à l’idée de « démocratie sociale ». Ceci est notre axe deuxième. Le fil conducteur est fondamentalement de retrouver le chemin de ces catégories populaires qui soit ne votent plus soit ne votent plus à gauche. C’est là que nous avons failli. Je crois que cette question est centrale dans la réflexion de Ségolène Royal.

Notre troisième axe traite des valeurs républicaines, qu’il faut revivifier à travers notamment cette fraternité, consubstantielle aux deux premiers points, qu’elle mit en avant malgré les quolibets. En bref, ne plus admettre de voir le « peuple de gauche » se déliter, voire disparaître, ne plus se satisfaire d’un parti sclérosé, et à travers ces trois axes, engager une nouvelle recomposition.

 

 


AXE PREMIER : DEMOCRATIE PARTICIPATIVE ou UN NOUVEAU FONCTIONNEMENT POLITIQUE

 

 

A ) Participer , ou l’émergence de nouvelle forces

Quand nous évoquons de NOUVELLES PRATIQUES POLITIQUES, nous pensons démocratie participative, rassemblement de forces  et mouvements syndicaux, associatifs, etc… ce qui n’est somme toute que décliner la fraternité vue comme  l’  « agir ensemble » ! Il va sans dire que cela ne correspond     pas  à l'actuelle "rénovation" du PS  , lequel prône un "vivre ensemble" qui en fait reste  dans la "verticalité" ! « Ah, écrit Stéphane Alliès, dans un article de Médiapart[1] cette fameuse «démo-part» raillée à longueurs de tribunes et de discours par les amis et ennemis politiques de Royal durant la présidentielle de 2007 ? Six ans durant, ( à savoir : en Poitou Charentes, dès 2004) elle s’est pourtant appliquée, et pas seulement de façon superficielle et communicationnelle ».

Les étapes de la démarche participative expérimentée notamment à Porto Alègre[2] sont connues  :

- identification des problèmes à régler, établissement de la hiérarchie des urgences et des investissements,

- examen de leur compatibilité avec les ressources disponibles, quitte à augmenter ces dernières par des mesures fiscales redistribuant la richesse des plus privilégiés vers les plus démunis,

- transparence dans les modes d’élection, etc …

Certes dans un Etat tel que la France, il ne s’agit pas de jeter la démocratie représentative aux oubliettes. Il s’agit en fait de conciliation, de faire en sorte qu’à un stade donné, chacun se sente réellement représenté, car il aura pu apporter sa pierre à l’édifice, aura été écouté et respecté.


1 ) Un élément de réponse à la crise démocratique, loin de tout discours démagogue

Ségolène Royal avait été particulièrement attaquée lors de la campagne présidentielle de 2007 sur sa proposition de « jury citoyens » , aussitôt assimilée aux tribunaux populaires de l’ère Mao ! Nous verrons que nous en sommes loin.

Il ne s’agit pas de développer la démagogie du « n’importe qui peut prendre une décision», qu’on nous opposera facilement, dès lors que nous parlons de démocratie participative (l’expression soulignée est de J.C. Milner, précisément ancien Maoïste [3]): La démocratie participative ne correspond pas à un tel discours idéologique lequel «  n’est en vérité que l’ombre portée du capitalisme financier » , pour reprendre les termes mêmes de Milner dans un entretien, accordé à Marianne[4], En bref, nous devons refuser de nous laisser ranger parmi certains de ces « idéologues actuels de la démocratie » qui prônent ce discours du « n’importe qui peut prendre une décision » . Il importe de dire que nous n’en sommes pas ! Milner ajoute en effet que la plupart des anglo-saxons en admettant l’horizon, du « n’importe qui » pensent qu’il faut revenir à un dispositif de multiplication de règles prises de manière autonome . Or, c’est l’esprit même du slogan de Nicolas Sarkozy avec son slogan du « tout est possible » ! Il convient de rappeler que Hannah Arendt voit le « tout est possible » comme la croyance fondamentale du totalitarisme. Et Ségolène Royal a eu raison, lors du débat télévisé du 2 mai 2007 de dire à N. Sarkozy : « avec vous, tout est possible, même le pire ». Car le slogan choisi laisse entrevoir la totalité des possibles, qui ne sont pas même imaginables en des « circonstances normales ».

Un autre point de vue, un autre « modèle », considère que nous ne reviendrons pas, après la crise, à la situation antérieure et qu’il faut repenser totalement le modèle de la régulation ; dès lors ce n’est pas « n’importe qui » qui édicte les règles. C’est ici que se pose la balance entre « limité » et « illimité ». La question de « qui décide, qui détermine les règles» est de nouveau posée ; or, Milner nous dit en fait que pendant la seconde guerre mondiale, non seulement il a été admis que cela pouvait être n’importe qui, mais également que ce « n’importe qui» a pu être Hitler [5]. L’écueil apparaît dès lors clairement  : puisque cela ne doit pas être « n’importe qui », comment arrive-t-on à faire que cela ne soit pas « n’importe qui » sans passer par des procédures d’exclusion, de mise à l’écart, d’enfermement, d’emprisonnement ? La pensée politique classique a posé comme énonciateur des règles le peuple constitué en instance légitime, par exemple en contrat social. La conclusion de Milner au regard de la crise actuelle est dès lors qu’il faut repenser non seulement la régulation, mais également la notion même d’institution. C’est là que peut se greffer une réflexion novatrice sur la démocratie participative, laquelle n’est pas la règle du tout est possible ou du tout est permis. Mais elle passe par le respect des libertés et la considération de l’être humain .


2) La démocratie participative entend donner la parole au citoyen , elle n’exclut pas pour autant le politique ou l’expertise

Se pose en fait la question du rôle du politique eu égard tant à l’expert qu’au citoyen. Le politique peut se reposer sur l’expertise, il peut aussi s’en affranchir. Milner, dans le même entretien[6] avance que la tendance de l’expert est de dire : telle situation est improbable, ou a pour le moins une probabilité très faible de se produire. Et ils s’adressent aux politiques en disant : puisque c’est peu probable, vous pouvez considérer cela comme marginal et n’en pas tenir compte. Or, c’est que précisément à ce moment que le politique aurait dû dire : mon rôle de politique est d’intégrer dans le champ du possible ce que vous dites être le plus improbable ».

En bref, le politique et le citoyen sont à un point d’évolution de notre société secouée par la crise financière, de vouloir remettre la main sur l’action politique. Les forts taux d’abstention , les votes en faveur de l’extrême droite , laissent penser que le peuple ne croit plus en l’action politique. Nicolas Sarkozy était parvenu à le séduire en arguant de son volontarisme politique. La déception de ces mêmes votants est grande aujourd’hui. La démocrate participative, la considération de ces personnes en tant que citoyens, êtres pensants et reconnus comme tels est le moyen de réintégrer les électeurs des catégories populaires dans l’action et le choix politique.

La démocratie participative suppose que le politique admette le partage du pouvoir , non qu’il l’abandonne ou se défausse. Les jurys citoyens proposés par Ségolène Royal dès la campagne présidentielle ont été caricaturés comme de nouveaux tribunaux révolutionnaires !

La région Poitou-Charentes a fait le choix, pour évaluer l'efficacité des politiques mises en œuvre, d'associer des citoyens tirés au sort, lors d'ateliers et jurys citoyens. Comme elle s'y est engagée, la Région indique les suites données aux propositions du Jury citoyen. Il faut bien garder à l’esprit que, dans ce cadre, les élus gardent leur pouvoir de décision. Le jury délibère et émet des recommandations, il remet un avis. Les élus doivent répondre avec précision aux recommandations et critiques. Si une proposition n’est pas suivie, les élus en expliqueront la raison[7]. L’idée est donc fondamentalement de permettre aux élus de mieux exercer leur pouvoir, sur des questions ayant un enjeu concret, bien loin des conseils de quartier de nos villes !

Stéphane Alliès dans son article du 8 mars 2010 pré-cité (Médiapart.fr) indique n’avoir pu s’empêcher de soumettre un cas d’école à Sophie Bouchet-Petersen, conseillère de Ségolène Royal, : «Si vous aviez soumis la décision d’entrée au capital d’Heuliez à l’évaluation du jury et qu’il avait voté massivement contre, la région se serait-elle désengagée ?» La réponse fut la suivante : «Je pense qu’on n’aurait pas reculé. D’abord parce que, contrairement aux budgets participatifs lycéens, nous ne sommes pas liés aux décisions des jurés, ensuite parce qu’il faut parfois assumer d’être minoritaire. Comme on assume un leadership avant-gardiste.»

La délibération des citoyens assemblés peut en fait compléter efficacement les institutions représentatives. William Keith[8] a montré qu’un « paradigme de la discussion » a émergé aux Etats-Unis au début du XXème siècle … sous l’influence notamment des écrits de philosophie pragmatique de John Dewey. Il a ensuite décrit comment les idéaux de la discussion en sont venus à prendre forme dans les années 1920 et 1930 dans diverses formes de « forums publics », lieux d’éducation civique.

On ne peut éluder cependant le fait que la nouvelle demande de participation qui émerge dans nos démocraties (cf. blogs, forums, journaux participatifs, concertations, etc … exprime une insatisfaction à l’égard de la démocratie représentative et de ses processus habituels de médiation . Il ne faut pas confondre toutefois « nouvel esprit de la démocratie»[9] et rhétorique de la proximité. A la tribune de l’Assemblée nationale, en novembre 2002[10], Ségolène Royal avait déjà critiqué la «démocratie de proximité» défendue par Jean-Pierre Raffarin, lors du débat sur la nouvelle loi de décentralisation. C’est pourquoi les conseils de quartier ne relèvent pas de la démocratie participative ; nous parlerons de démocratie participative dès lors qu’y aura un enjeu concret à la clef.


B) Le respect de la parole citoyenne ou « Reconstruire une vie sociale qui ait un certain contrôle de soi »


1) Vers l’ « empowerment » ?

L’empowerment se définit comme l’appropriation – ou la réapproriation – par chacun de son pouvoir ou d’un certain contrôle sur sa vie.

a) Respect de l’individu et renaissance de l’action sociale.

J’évoquerai d’abord ici les analyses d’Alain Touraine telles qu’il les a présentées lors d’une conférence tenue en février 2010[11]. La crise a mis en évidence le fait que nous sommes dans une situation où l’économie n’appartient plus à la société . Parler d’économico-social il y a 50 ou 100 ans apparaissait comme un progrès, or cet économico-social n’est plus et nous assistons à la séparation de l’économique et du social. Et si l’on admet que le social était fait pour contrôler, organiser, , orienter l’ action économique dans des buts choisis par la majorité de la société, nous pouvons dire avec Alain Touraine, que les institutions sociales n’étant plus capables d’orienter, de contrôler, de réguler la vie économique, ces institutions sont en décomposition. C’est pourquoi il est possible de parler de crises au pluriel : crise de la ville, crise de l’Etat, crise de la démocratie, crise de la famille, crise de l’école, crise de la justice

 

Nous en sommes au stade où il faut reconstruire une société, recomposer un système social. En bref, quelle est la valeur, la force ou l’objectif social qui peut s’opposer à un système financier axé sur la recherche du profit, auto-suffisant et  sans aucune fonction sociale? Ceci dans le double cadre défini par Touraine (séparation dorénavant complète de l’économie et du social, et un social en ruines). Pour lui, la sensibilité d’aujourd’hui est culturelle – en ce sens qu’elle porte sur les fondements mêmes des orientations culturelles de notre vie personnelle et collective.

Ainsi, les forces sociales aujourd’hui passent par des mouvements participatifs : les mouvements de femmes, les mouvements de l’écologie politique, les groupes de défense des minorités « intelligemment définis », etc … Dès lors Touraine fonde son raisonnement sur une nouvelle alternative : si nous avons d’un côté l’économie, de l’autre se trouve le SUJET, à savoir la volonté des individus et des groupes d’êtres maîtres de leur propre avenir, de se commander eux-mêmes en fonction de ce qui le mérite, à savoir de leurs droits. Le « droit d’avoir des droits » lui apparaît comme le facteur de mobilisation des individus. On pourra opposer ici un risque de dérive consumériste ; Touraine défend pour sa part une approche fondée sur le RESPECT. Les forces les plus profondes pour la renaissance d’une action sociale reposent en effet sur la volonté d’être respecté, de ne plus être humilié.

A. Touraine évoque deux montagnes qui entourent le vide social. Entre les deux, dans la plaine, se trouve ce qu’il appelle le bourbier – le marais dans lequel se débattent des individus désocialisés, dans lequel se développent la violence, la perte d’activité et d’énergie, etc… Toute la question est désormais de « recréer  un système d’irrigation de valeurs » ou de « forces économiques brutes » qui « redonnent de la vie, et réaniment ce qui a été la société ». Il s’agit dès lors d’être capable de dire ce que sont nos « orientations valoratives » (par exemple : ce que doit être l’école) . En bref réanimer le vide social actuel à partir de l’économie d’une part et du sujet humain d’autre part.

 

Il ne considère pas que le sociologue contredit l’économiste (lequel va simplement chercher à réparer la machine en panne), il avance simplement que le sociologue s’appuie sur les profondeurs de l’humain. C’est à partir du plus loin de l’économie, de la capacité de recréer des éléments qui orientent l’action sociale et la vie personnelle , donc à partir d’une nouvelle transformation qu’il faut agir. Pour lui, de la même façon que la société industrielle a succédé à la société politique –laquelle avait succédé à la société religieuse, nous avons besoins d’avoir une vision complètement novatrice – ce qui suppose des arrachements dont nous ne sommes pas toujours capables. Il appelle à mettre l’accent sur ce qui est le plus loin des pratiques ordinaires, sur ce qui est porteur de sens afin de finalement redonner de la vie aux pratiques,aux relations, aux institutions qui forment notre vie personnelle et collective.

 

b) L’empowerment peut d’abord se définir comme un sentiment de réel contrôle sur sa vie ; il s’agit de reconsidérer ici expérience individuelle et activité dans un groupe ou une organisation. D’une intention abstraite, il est possible de passer à un objectif explicite et concret.

L'empowerment comporte quatre composantes essentielles : la participation, la compétence, l'estime de soi et la conscience critique (conscience individuelle, collective, sociale et politique). Lorsque ces quatre composantes sont en interaction, un processus d'empowerment est alors enclenché. Ce processus est centré sur les forces, les droits et les compétences des individus et du groupe. Il faut interaction entre la coopération, la synergie, la transparence et la circulation de l'information. Le processus d’empowerment est alors le résultat de la participation à des actions politiques et collectives et suppose la participation active des personnes. Dans une perspective politique, l'empowerment est le résultat qui permet de changer les structures actuelles et les relations de pouvoir entre les diverses instances, les intervenants et les individus. L'expérience a démontré que les programmes qui associent la population à leur gestion ont souvent mieux réussi que d'autres.


2) Démocratie participative et conséquences sur la gestion régionale en Poitou-Charentes

Pour le sociologue Yves Sintomer[12], spécialiste de la démocratie participative, la principale innovation du Poitou-Charentes réside dans les moyens humains et financiers mis en œuvre[13] : «Une équipe de plusieurs personnes, convaincues, motivées et sérieuses intellectuellement, ça c’est original ! D’habitude, les politiques convaincus ne sont pas en position de pouvoir et, quand ils le sont, ils relèguent la démocratie participative à la marge de leur action, qui se résume généralement à des conseils de quartier sans grand pouvoir. Ici, c’est au centre de l’administration et il y a une pratique réelle sur l’action locale».

Ségolène Royal notait le 21mai 2010 que « pour vaincre le scepticisme de ceux à qui on ne demande jamais leur avis, de ceux qui ont plus l'habitude de subir que de peser, de ceux qui se méfient d'une demande émanant d'une institution, de ceux qui soupçonnent les politiques d'intentions toujours manipulatrices, il faut un enjeu réel qui justifie l'appel fait aux citoyens et le temps qui leur est demandé. L'enjeu[14], c'est soit un pouvoir de décision direct (comme dans les Budgets Participatifs) soit un vrai pouvoir d'inflexion de la décision publique (comme dans les Jurys Citoyens), ce qui suppose que les propositions retenues (pas forcément toutes) soient vraiment appliquées ».

a) Budgets participatifs lycéens

Le Budget participatif des lycées repose sur «deux principes intangibles de la démocratie participative, détaille Sophie Bouchet-Petersen, conseillère spéciale de Ségolène Royal : «1) S’engager à ce que le conseil régional soit lié par les décisions issues des votes, sinon ces votes n’ont aucun sens. 2) Débloquer un budget conséquent, … pour impliquer les gens et les convaincre que venir débattre a de l’intérêt.». C’est environ 10% du budget lycée de la région qui est délégué aux usagers (élèves, professeurs, personnel). soit un peu plus de 10 millions d’euros[15]. Les lycées font remonter des projets classés par ordre de priorité. Pour Yves Sintomer, il s’agit de la «première expérience digne de ce nom en Europe» … «cette expérience a démontré qu’en y mettant du budget et en réorganisant l’administration en fonction de la démocratie participative, elle peut influer sur le service de la vie lycéenne en profondeur».

b) Jurys citoyens

« Les s deux règles intangibles de départ sont[16] le tirage au sort et l’indemnisation de son travail d’expertise citoyenne. Le tirage au sort permet la participation de différentes catégories de citoyens. C’est un point fondamental ; nous avons dit déjà que la « proximité » n’était pas un critère suffisant ; les châtelains ne sont-ils pas souvent « proches » de leurs gens ? En général, ont tendance à l’investissement de proximité ceux qui ont le temps et ne craignent pas de parler en public. Le tirage au sort est réalisé en fonction de quotas (diversité sociale et géographique, parité jeunes/vieux et hommes/femmes), aboutissant à un listing de 500 noms issus des listes téléphoniques. Pour Sophie Bouchet-Petersen, « on est en train d’inventer un service public de la démocratie participative ».

Après avoir accepté de siéger, le juré reçoit de la documentation sur l’action régionale (rédigée par les services de la région) qu’il est chargé d’évaluer, moyennant une indemnité de 150 euros[17] . Parmi les outils mis à disposition : dossier pédagogique et audition d’experts à points de vue contradictoires. Une méthodologie d’animation permet que tout le monde prenne la parole. Le consensus n’est pas obligatoire. Mais les représentants de l’institution ne participent pas aux délibérations.

A titre d’exemple, un Jury citoyen sur les politiques régionales de lutte contre le changement climatique a remis son avis au Conseil régional. « Parmi les évaluations …, les réorientations … et les préconisations … permises : le cap fixé vers «l’autonomie énergétique des petites communes» , la suppression d’un critère d’âge pour les bourses Désirs d’entreprendre ou la mise en place d’une carte famille nombreuse pour les TER. En bref, le processus est enclenché. Pour Sophie Bouchet-Pétersen, «les élus réagissent comme si cela allait affaiblir leur leadership … (mais) les jurys doivent être vus comme un outil de correction permanente de nos politiques.»

3) Importance de la mobilisation des classes populaires

Nous avons déjà abordé cette question à propos du tirage au sort mis en place pour les jurys citoyens. Le thème des 6èmes rencontres Europe-Amériques organisées le 21 mai 2010 à la Maison de la région Poitou-Charentes portaient justement sur le thème « Démocratie participative  : Raisons et conditions de la mobilisation », autour de la question « Qui participe ? Qui ne participe pas ? Et pourquoi ? ». Dans son discours d’ouverture, Ségolène Royal revenait sur cette question[18] des conditions à réunir pour tenir la «  promesse d'un égal accès de tous à la parole, à la délibération et à la décision  », afin « qu'un Budget Participatif ou un Jury Citoyen ne reproduisent pas ce « biais sociologique » abondamment décrit par les chercheurs, qui relègue aux marges de l'espace public ceux qui ne s'y sentent pas à leur place et ne possèdent pas les codes habituellement exigés pour y être reconnus ? ». Elle faisait bien le constat d’une carence de la démocratie électorale[19] :Il s’agit, en bref, de parvenir à «  d'une démocratie authentiquement participative et non de ce que, trop souvent, on baptise du même nom : une fade « démocratie de proximité » sans enjeux ou ce que les chercheurs appellent « écoute sélective », simples consultations sans règles du jeu claires, frustrantes, décevantes et lassantes pour ceux qui y prennent part ».

 

Elle note la décision, lors de la création des budgets participatifs lycéens, de « mobiliser à égalité les lycéens de toutes les filières d'enseignement (générale, technologique, professionnelle, agricole). Y compris l'enseignement adapté qu'on … conseillait (à la région) de laisser de côté parce que ce sont souvent des enfants en grande souffrance et qui se vivent comme en marge du système scolaire ». Nous rappellerons l’extension du dispositif « aux Maisons Familiales et Rurales qui forment des jeunes souvent issus de familles d'agriculteurs, aux ressources généralement modestes » -l’idée étant de « toucher les élèves de tous les milieux et de garantir à tous une même égalité de traitement ».

Pour les Jurys Citoyens, l’objectif est de « garantir la diversité du recrutement et l'égalité devant la parole » et de veiller à « refléter aussi bien que possible la diversité sociale, générationnelle et territoriale de la région ». L'indemnisation de la participation de chacun a sans doute, pour les plus démunis, facilité la décision de participer. Les 3 Jurys réunis en 2008 et 2009 avec, chacun, sa trentaine de participants, présentaient des profils très divers[20]. Une réelle attention a été « portée à cette égalité d'expression (l'animation a été évaluée par les jurés en fin de session). L’objectif restait bien celui d’une participation populaire[21].

 

C ) La fraternité ou l’ agir ensemble

L’expérience des jurys citoyens n’entend pas opposer démocratie participative et démocratie associative. Selon le candidat d’Europe-Ecologie, Serge Morin, «la mise à l’écart de la sphère associative dans le procédé de consultation constitue une limite inhérente à la démarche. Un point de vue que partage mais nuance Yves Sintomer : «C’est vrai que démocraties associative et participative peuvent entrer en tension, mais il ne faut pas se mentir non plus : la « crise du représentatif » actuelle touche aussi les associations qui sont en partenariat privilégié avec les collectivités locales, qui se sont souvent perdues dans la cooptation clientéliste » Selon lui, «l’intérêt essentiel des jurys citoyens est qu’ils permettent de toucher des gens qui ne seraient pas concernés sinon».

Nous pouvons avancer l’idée d’une nécessaire humanisation de la politique et de la vie sociale. La liberté et l’égalité se trouvent grandies de la référence à la fraternité. La fraternité est ainsi selon Jean Daniel, « un thème camusien »  : « Camus a critiqué très puissamment le capitalisme, la déshumanisation de toute politique à droite comme à gauche. La justice sans la liberté, c'est la dictature ; la liberté sans la justice, c'est la loi du plus fort : il voulait la justice et la liberté ».

Il se trouve que Régis Debray a remercié Ségolène Royal (Assemblée générale désirs d’avenir , 28 mars 2009) pour avoir remis au goût du jour le mot « fraternité » , insistant sur le fait que les trois notions de liberté, d’égalité et de fraternité doivent se pondérer l’une l’autre pour faire « République » ! Il voit trois choses dans toute fraternité vivante  : un refus de l’ordre existant (le combat) ; un projet (le programme) ; et enfin une organisation et un réseau (l’agir ensemble) - sa conclusion étant que Désirs d’avenir a pris de l’avance !!!

Selon Rémi Lefebvre[22], le PS est un parti d’élus ou d’aspirants à l’élection, où le militantisme (…) adopte un fonctionnement autocentré ». C’est ce qu’il appelle « l’entre soi socialiste », un parti replié sur lui- même, et qui n’est pas cette liaison avec la société et les groupes sociaux qu’il est supposé défendre ». C’est précisément ce que Ségolène Royal entend développer : la liaison avec les groupes sociaux et la société ! Rémi Lefebvre avait avancé l’idée [23] que les dirigeants socialistes en pensant la société comme individualiste, contribuent eux-mêmes à la dévaluation de l’idée de classe. Selon lui, en parlant d’individualisation du militantisme, le PS ne fait qu’entériner une réalité à laquelle il participe. La stratégie d’alliance engagée par Ségolène Royal à l’occasion des élections régionales en Poitou-Charentes de mars 2010 passe par un large rassemblement qui dépasse tant le PS que la gauche plurielle des années Jospin. Elle a su réunir auprès d’elle dès le premier tour plusieurs élus sortants écologistes, un ex- communiste, des centristes humanistes ex-Modem, des dirigeants syndicaux s'étant illustrés lors de conflits sociaux ( Heuliez , New Fabris, à Châtellerault). Réunir des syndicalistes ou des militants associatifs suppose le dépassement des clivages traditionnels. A l’image de ce que Europe Ecologie a pu apporter aux Verts alors auto-repliés … Ce que Julien Dray a appelé une « dialectique du rassemblement »[24].

Ségolène Royal a pris acte, par la création de Désirs d’avenir, de cette attente d’engagement collectif que le PS n’assure plus. L’innovation la plus profonde dans cette démarche est de considérer tant le respect de l’individu et de sa parole de citoyen que l’action collective et l’agir ensemble  - toutes choses que le PS a négligées dans son triste accueil fait aux adhérents dits «  à 20 euros » !

 

AXE DEUXIEME - CITOYENNETE ECONOMIQUE ET DEMOCRATIE SOCIALE

 

Le « social » apparaît souvent comme un mot magique, incantation superbe et magnifique, qui seule peut rassembler les socialistes et/ou la gauche à l’image de la « rénovation » du PS, toujours invoquée, peu réalisée. Or, la crise financière aura mis en évidence les dérives d’un marché qui était devenu illimité[25] et, partant, incontrôlable. Cela devient en quelque sorte le discours obligé du moment. En effet, le keynésianisme semble revenu au goût du jour, quand on le donnait pour moribond voici peu. A nous de déterminer ce qui relève du discours rhétorique et d’un réel volontarisme politique.

Si l’on admet que la France a un rôle majeur à jouer car elle seule parmi les pays occidentaux porte en elle l'exigence d'égalité[26], si l’on admet également[27] que la question que doit se poser le PS , est celle de l’égalité, seule thématique qui pourra rassembler à gauche 30 à 35% des inscrits alors qu’actuellement les partis de gouvernement s’appuient sur des bases électorales de 10 à 15% des inscrits, on pose la seule question qui vaille : la reconquête des catégories populaires passe par une véritable égalité qui ne soit pas de façade et un discours qui ne soit pas seulement incantatoire. Insécurité sociale[28], souffrances sociales liées à l’injustice sociale du système actuel , etc… C’est en fait la question de la justice sociale qui est de plus en plus prégnante. Justice sociale et égalité peuvent se concevoir chez Ségolène Royal comme une véritable « démocratie sociale »[29]. Il nous faudra réfléchir sur la «  racine de cette faiblesse intellectuelle de la gauche face à la puissance des thèses ultra-libérales[30] » qui a pu amener Lionel Jospin et son ministre Dominique Strauss-Kahn au ministère des finances, à très fortement défiscaliser les stock-options… Comme nous avons vu que la démocratie participative supposait une appropriation ou une réappropriation de son propre devenir, en d’autres termes recouvrait l’aspiration de chacun à exercer un contrôle sur sa vie (empowerment ), il s’agit également de replacer la répartition des richesses dans le processus démocratique [31].

I) REDEFINIR UNE GAUCHE DE GOUVERNEMENT APTE A PORTER UNE VERITABLE « DEMOCRATIE SOCIALE »

A) Du « divorce » de 2002 à l’abstention de 2010 : ne plus se satisfaire d’élections « sans le peuple »

Les chiffres de l’élection présidentielle de 2002 sont connus[32] : seuls 12% des ouvriers ont voté Lionel Jospin contre 14% pour Jacques.Chirac et 26% pour Jean-Marie Le Pen. 24 % des cadres ont voté pour L. Jospin au premier tour contre 13 % pour J.Chirac et 8% pour JM Le Pen. Si entre 1995 et 2002, L.Jospin a maintenu son score chez les cadres, il l’a divisé par deux chez les ouvriers.

Ainsi, Rémi Lefebvre note-t-il que « les socialistes apparaissent à la fois déconnectés des fractions déclinantes de la vieille classe ouvrière, des usines frappées de plein fouet par les restructurations et les délocalisations, et des fractions montantes du nouveau prolétariat précaire des services …». Le PS a du mal à comprendre «  l’insécurité sociale grandissante, la montée de la précarité qui n’est pas seulement sociale mais aussi existentielle, le sentiment d’abandon de pans entiers de la société » . Rémi Lefebvre évoque même le cas d’un militant d’origine populaire à Lille lors d’une assemblée générale post électorale : “ Un atelier sans ouvrier, cela ne peut rien produire de bon. ”

Le PS de 2010 n’a que peu évolué face à la « deshérence » des catégories populaires et ouvrières dans la société française et leur  « retrait de l’espace public ». La forte abstention des ouvriers présentée en 2002 comme renforçant ce phénomène n’ a pas cessé. Le projet socialiste de 2002 rédigé sous l’égide de Martine Aubry se situait dans la lignée des mesures dites « sociétales » (parité, PACS, etc … ) fort louables, mais se trouvait méconnaître les inégalités sociales « devant le processus d’individuation et l’aspiration de nombreuses catégories populaires à plus de protection alors que la stabilité des statuts professionnels et les structures d’encadrement traditionnelles » s’affaiblissaient .

Comment ne pas relier ce refus de la conflictualité sociale par un parti de notables et l’accroissement de la distance sociale et symbolique ! C’est ici que se noue la spécificité de Ségolène Royal  : réduire cette distance sociale devenue insoutenable et dévastatrice ; elle seule en effet a ce lien particulier avec les catégories populaires. Si nous considérons le premier tour des régionales et ses 53,5 % d’abstention, il apparaît que cette élection « s’est faite sans le peuple » : 23,5 millions d’électeurs ne se sont pas déplacés. Si nous y ajoutons 49 % d’abstention au second tour et surtout plus de 70 % dans les quartiers populaires, le constat n’est guère réjouissant. Dans certaines banlieues sensibles, on observe des taux de participation qui tournent autour des 25 %, comme à Vaulx-en-Velin, Sarcelles, ou Clichy-sous- Bois. Ainsi, en banlieue parisienne, comme dans certaines zones très marquées par la crise telles que la Lorraine sidérurgique, les banlieues du Rhône ou de Seine-Saint-Denis, les votes exprimés n’ont représenté que 5 % de la population[33]. Comme pour les élections européennes, , les territoires qui n’ont pas voté sont ceux où vivent les classes populaires. « Tant que les partis de gouvernement ne sont pas prêts à remettre en question cette donne qui leur est absolument défavorable, les élections sans le peuple sont en passe de devenir le modèle [34] ».

La donne reste la même, que nous parlions de l’échec le plus douloureux de l’histoire de la gauche (2002) ou du retour en grâce de mars 2010. La gauche atteint des résultats exceptionnels dans les centres urbains aisés : il nous incombe d’éviter que l’avenir de la gauche passe par l’abstention. Le retour au pouvoir du PS ne peut être le fruit d’une démocratie quasi-censitaire à laquelle plus de la moitié de la population ne participe plus. On notera que Georges Frêche et Ségolène Royal réussissent, mieux que tous les autres socialistes, à mobiliser l'électorat populaire, « épuisé par le système Sarkozy [35]» . En Poitou-Charentes, c’est clairement sur cette catégorie de population que Royal creuse l’écart par rapport à ses concurrents du premier tour : 46% de vote chez les employés (84% pour l’ensemble de la gauche) et 37% chez les ouvriers (65%). Au second tour, la performance est encore plus remarquable. Le score est sans appel : 58% chez les ouvriers et 85% chez les employés. Que dire des 61% de Ségolène Royal en Poitou-Charentes face aux 51% atteints dans le Nord ?

Certes, la question de la participation dans les zones urbaines sensibles reste une tendance lourde : le taux de participation dans les ZUS de Poitou-Charentes est encore trop faible, mais y est largement supérieur à la moyenne nationale ; on y dénote en outre un vote FN plus bas. La question est de savoir comment amplifier ce mouvement et inverser la tendance générale ; il s’agit en fait d’éviter, pour reprendre les mots de Gaël Brustier[36], que l’alternance de gauche envisageable pour 2012 ne contienne aucune alternative politique réelle. Pour lui, il s’agit d’une « abstention volontariste », qui contiendrait des éléments de l’« insurrection civique » évoquée par JL Mélenchon, sans avoir cependant une dimension d’ordre historique.

A noter la superposition d’un second phénomène, analysé par Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin [37] : au delà de la fameuse crise des banlieues, dont la visibilité est plus aisée, se cache en réalité une crise beaucoup plus grave et profonde[38] . Ainsi, une bonne partie de l’électorat de gauche, classes populaires et classes moyennes déclassées, ne vit ni dans les centre-ville boboïsés ni dans les quartiers. Du fait de la hausse des prix de l’immobilier, ils vivent dans le monde rural et les zones pavillonnaires péri-urbaines. Les deux auteurs insistent sur le fait que cette population prolétaire fixée à la campagne est de plus en plus abandonnée, voire méprisée par la gauche et par les médias[39]. Or, le pavillon périurrbain vécu selon Emmanuel Todd comme un « abri-antiglobalisation » peut devenir un piège social en exposant à la fragilité financière des populations qui étaient déjà en situation de fragilité économique (emploi précaire, surendettement...). Celles-ci vivent alors en situation de relégation territoriale et sociale. Lequel du désintérêt vis à vis de la chose politique ou de la colère populaire interpellera le plus la gauche et le PS ?

C’est ici que se greffe l’originalité de la démarche de Ségolène Royal. Sa prise de position – alors conspuée, nous y reviendrons – contre la taxe carbone gouvernementale, relève de cette prise de conscience. La dite taxe carbone eût atteint à titre principal ces ouvriers et employés qui, ayant dû s’éloigner des villes pour payer moins cher leur logement, consacrent un budget fort élevé à leurs déplacements. «  De quel droit, dit-elle, un gouvernement va-t-il assommer d’impôts des familles alors qu’elles n’auront même pas le libre choix de rouler propre » ? De même quand elle soutient les familles déjà touchées par la tempête Xynthia face à l’impéritie des fameuses zones noires . C’est encore cette ligne directrice qui caractérise son action quand elle souhaite allouer des chèques-contraception aux lycéennes qui disposent pas de planning familial près de chez elles.

Ségolène Royal a déjà emporté en Poitou-Charentes le vote d’un électorat de zones rurales qui initialement ne votait pas à gauche. Evoquer la « politique par la preuve » n’est pas un vain mot ; la région Poitou-Charentes est un « laboratoire d’idées » qui s’efforce de créer des dynamiques que d’aucuns ont voulu faire passer pour mineures. Elles relèvent bien plutôt d’une analyse précise de la situation de populations reléguées qui s’étaient aussi éloignées de la chose politique.

B) Reconstruire après la crise financière suppose de repenser une vision d’ensemble, au delà d’un constat partagé

Jacques Julliard[40] , chantre de la « deuxième gauche », reconnaît qu’elle représente une voie désormais dépassée[41] ; Elle a échoué, et plus précisément failli , du fait de ses compromissions et de ses renoncements. Selon le rapport sur le nouveau modèle de développement présenté par le PS le 19 avril 2010[42] , la gauche de gouvernement « n'a pas suffisamment engagé le changement profond de modèle de société qui était nécessaire ». Ainsi a-t-elle « même parfois faibli sur ses valeurs[43]», ou encore la social-démocratie européenne a-t-elle « parfois cédé du terrain à l’idéologie de ses adversaires (dans le texte du 27 avril)[44] ». Il apparaît que le constat de Jacques Julliard serait largement partagé : «  domination du secteur financier sur le secteur industriel, et du secteur économique sur le secteur politique et diplomatique », « financiarisation de l’économie … accompagnée d’une désindustrialisation délibérée et de la destruction d’emplois par millions » - Guillaume Bachelay[45] , secrétaire national du PS à l’industrialisation appelant , à la construction d’un « socialisme post-libéral [46]» et à la reconnaissance par les « sociaux-libéraux » de leur responsabilité dans la désindustrialisation[47].

L’heure est désormais aux "écluses sociales ou environnementales" aux frontières de l'Europe, « une entorse à sa tradition libre-échangiste, qui le rapproche à la fois de Nicolas Sarkozy, devenu le héraut d'une taxe carbone aux frontières de l'Europe, mais aussi du Front de gauche » selon Le Monde[48]. De la même manière que, face à Luc Ferry [49] évoquant un « néo-keynésianisme social, vert et continental  devenu depuis l’effondrement du libéralisme économique le nouveau paradigme dominant », Henri Weber[50] oppose une confusion entre rhétorique et politique - car seule «  la gauche … entend se donner les moyens financiers et politiques de son nouveau cours » - nous devons nous (re)définir face à l’urgence sociale et écologique. Il nous faut réfléchir à ce qui fait notre spécificité non seulement vis-à-vis de la droite, mais également au sein de la gauche, afin que demain, la gauche de gouvernement ne puisse plus être accusée d’avoir « trahi ».

C) QUELLES ETAPES POUR CETTE RECONSTRUCTION ?

1) La consécration de nombre d’idées émises par Ségolène Royal

Comme l’a écrit J.L. Bianco sur son blog à propos du rapport du PS sur le nouveau modèle de développement « Certaines mesures qui étaient déjà présentes dans le pacte présidentiel de Ségolène Royal en 2007 ou dans le projet des socialistes sont justifiées [51]: … « Il manque encore une véritable vision d’ensemble pour laquelle l’appel lancé par Martine Aubry sur une société du «  care » ne saurait suffire ».

Le projet de Nouveau modèle économique, social et écologique reprend nombre d’idées du projet écologique et social inauguré par Ségolène Royal. Ségolène Royal, dans sa contribution « Combattre et Proposer » déposée en vue du Congrès de Reims évoquait déjà une «révolution fiscale», avec prélèvement à la source et fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG, sans oublier la suppression des niches fiscales. A noter les "quatre révolutions du texte": "mettre l'économie au service de l'homme, faire la révolution écologique, mettre en place un Etat préventif et la révolution démocratique jusqu'au bout". Quant on songe au point 2 du projet présenté par le PS en avril 2010 «  Comment produire ? Valoriser le travail et préserver l’environnement », il est très clair que l’on retrouve des thèmes chers à Ségolène Royal. Ainsi l’évocation des  « vertus de la fiscalité pour accélérer les indispensables changements de comportement environnementaux… laquelle ne peut être « acceptable que si elle tient compte …. des facultés contributives des ménages ». L’exemple de la fameuse "social-écologie" est particulièrement parlant ; il évoquera à tous le débat qui opposa Ségolène Royal à Daniel Cohn-Bendit lors de l’émission « A vous de juger » , sur France 2 le jeudi 25 mars 2010, et plus largement des prises de position bien antérieures.

En bref, si les idées de Ségolène Royal ont irrigué le PS (et au-delà) - l’objectif n’est pas ici d’en dresser le complet catalogue - elle les applique d’ores et déjà en région Poitou-Charentes, fidèle à sa pratique de «  la politique par la preuve », nous y reviendrons.

2 ) Cependant, Ségolène Royal est porteuse d’un projet d’engagement plus radical

Pour Malek Boutih, le texte du PS sur le nouveau modèle de développement « a pour objectif la préservation des équilibres … Pour lui, au vu de la situation économique et sociale,la « gauche du parti qui  «  aurait eu intérêt à amender le texte … ne l’a pas fait (et) … s’est dissoute dans la majorité... » . Selon Marianne.fr[52] , la « gauche du parti », elle, préfère expliquer qu’elle a obtenu satisfaction sur de nombreux points dont, notamment, la notion de « care » et de « société du bien-être » chère à Martine Aubry qui en aurait été largement expurgée... or, la dite notion est encore bien présente.

Quelques points sont à soulever : Le mot« nationalisation », lui, n’apparaît qu’une seule fois. Tout au plus sommes –nous , pour reprendre les mots de Laurent Mauduit,[53]. face à « une forme de social-libéralisme mâtiné, comme le disait (DSK) lui-même, d’une forme de «socialisme de la production ». En octobre 2008, Ségolène Royal avait indiqué lors du "Grand Jury" RTL/"Le Figaro"/LCI. [...] qu’il fallait « procéder à des nationalisations partielles (...) pour contraindre les banques à revenir dans leur coeur de métier: l'aide économique aux entreprises ». Elle avait ironisé sur le plan de l’époque : « C'est un plan d'urgence et l'on a découvert qu'il y avait finalement beaucoup, beaucoup d'argent pour venir en aide aux coupables de la crise et très, très peu d'argent pour venir en aide aux victimes de la crise ». Il se trouve que Jacques Julliard, entré en dissidence selon le mot de Médiapart[54], appelait, dans ses fameuses « thèses pour repartir du pied gauche »[55] à recouvrer la maîtrise du crédit, au moyen de la nationalisation, au moins partielle, du système bancaire[56].

Et le mot « ouvrier » n’ a tout simplement pas sa place dans le texte d’avril 2010 relatif au nouveau modèle de développement. Si nous retenons cette idée de venir en aide prioritairement aux victimes de la crise, le texte de Jacques Julliard précité garde tout son intérêt : «  la gauche ne pouvant être représentée, lors de l’élection présidentielle, par un représentant de l’establishment financier, l’avenir est à un grand rassemblement populaire, ouvert à toutes les forces hostiles au néocapitalisme, du centrisme à l’extrême gauche, décidé à installer un nouveau rapport de forces au sein de la société ».

Nous avons évoqué déjà cette question du grand rassemblement populaire. Elle nous semble centrale, elle l’est dans la stratégie de Ségolène Royal qui depuis longtemps déjà a appelé à dépasser les anciens clivages (en accueillant sur sa liste un ex- communiste, des dirigeants syndicaux d’ Heuliez ou New Fabris ). Ainsi s’exprimait-elle à l’occasion du 1er mai 2010 : « En Poitou-Charentes, avec mes équipes, je ne me résigne jamais aux destructions d'activités et d'emplois, aux délocalisations et à la disparition de savoir-faire précieux[57] : de la défense d'Heuliez à la reconversion écologique du site de New Fabris en passant par le soutien apporté aux coopératives de production. Ce combat pour la dignité des salariés se traduit, des paroles aux actes, par la présence de trois ouvriers sur ma liste qui sont aujourd’hui élus Conseillers régionaux et qui apportent une expérience précieuse dans notre combat quotidien pour l’emploi et pour la dignité du travail ».

Nous l’avons vue mettre en œuvre un laboratoire des nouvelles pratiques politiques en Poitou-Charentes. Dans cet ordre d’idées, la critique de Bernard Maris[58] prend tout son sens : « dans le programme de Martine Aubry, dit-il, il manque le mot...« associatif», nous y reviendrons également.

II) ETRE AU PLUS PRES DES ASPIRATIONS POPULAIRES DE JUSTICE SOCIALE

Nous sommes parvenus à un stade où l’accroissement de l’injustice sociale et la persistance des inégalités, quand ce n’est pas leur ostentatoire accentuation, atteignent un point insupportable. Les rémunérations faramineuses, les bonus immérités, et autres stock options sont d’autant plus insupportables aux yeux de la population qu’elle est touchée par le chômage, les délocalisations . L’insécurité sociale semble la donne.

Dès la campagne de 2007, Ségolène Royal avait défendu une autre vision de la fameuse « valeur travail[59] » et la réorientation de la gauche vers la question du travail, de façon à retrouver le « social » et non plus seulement gérer le « sociétal ». Si l’on admet avec Alain Supiot que « le capitalisme repose sur trois fictions : … traiter les hommes, donc le travail , la nature …. comme des marchandises - comme si c’étaient des produits, alors qu’ils n’en sont pas » et que «  ces fictions ne sont tenables que si l’on a des dispositifs juridiques qui protègent les hommes (et) qui protègent la nature …  », l’on comprend mieux le discours de Ségolène Royal qui entend remettre l’homme au centre de l’économie et permettre la dignité du travail. Nous commencerons par donner quelques exemples en ce sens , avant de mieux cerner une vision d’ensemble applicable.

A) QUELQUES EXEMPLES ou la politique par la preuve : ECOLOGIE SOCIALE, ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE

Comment donner vie aux aspirations populaires de justice sociale ? C’est donc cela, mais aussi des mesures visant à lutter contre les inégalités entre hommes et femmes et contre les discriminations, que Ségolène Royal entreprend de mettre en place lorsqu’elle propose d’instaurer de l’ordre juste dans l’économie. Comment vivifier toutes ces idées ?

1) Ecologie sociale

Nous désignons ici la volonté de défendre une écologie à dimension sociale : fiscalité écologique juste, qui encourage en priorité les transports propres plutôt qu’une fiscalité punitive qui décourage les consommateurs ; un plaidoyer pour la « croissance verte »[60] que Ségolène Royal met en œuvre dans sa région depuis 6 ans, que ce soit à travers la voiture électrique Heuliez, le plan photovoltaïque ou encore le lycée Kyoto , etc ... La « social-écologie » figure désormais dans le projet de développement présenté par le PS en avril 2010 ; Que de termes et de notions portés par Ségolène Royal dans le débat public et aujourd’hui repris de part et d’autre ! Le recul marqué par le processus du « Grenelle »[61] amène tout autant à marquer l’intérêt d’une politique « par la preuve », au-delà de la « mode verte ». Car à travers la croissance verte, l’ambition de Ségolène Royal est de faire de la France une véritable « puissance écologique ».

a) Taxe carbone

Nous reviendrons sur le cas -emblématique - de la taxe carbone . Ségolène Royal seule avait osé – la première - mettre en exergue, dès l’été 2009, l’injustice de la taxe-carbone conçue par le gouvernement, avant d’être suivie ensuite par tout le PS . Lequel PS se trouvait tétanisé face aux Verts du fait de l’échec enregistré aux élections européennes, craignant plus que tout de se voir taxé d’inconscience verte ! Laurence Rossignol, qui y est chargée de l’environnement, avait bien précisé que les positions de Ségolène Royal n’engageaient en rien le PS … Il fut donc amusant, après l’invalidation de la taxe carbone par le Conseil constitutionnel, d’entendre Marine Aubry dire que « les motifs de cette annulation confirment la position prise par le Parti socialiste » !!!

Il est vrai que le PS avait bien fini par mettre en avant le thème de l’injustice et de l’inefficacité écologique, mais seulement ENSUITE, après notamment l’invective de Jack Lang accusant Ségolène Royal de se livrer à une opération «  populiste et opportuniste ». Sans parler de la diabolisation engagée alors par les Verts, Cécile Duflot, entonnant à La Rochelle – à propos de la critique émise par Ségolène Royal - l’air du on est avec nous ou contre nous ou encore insinuant la démagogie[62].

Ségolène Royal a su dire que nombre de Français se sentaient injustement touchés ; elle s’est souvenue que l’égalité fiscale était - au-delà du principe d’égalité devant les charges publiques - un principe de gauche. Je rappellerai que la ligne de clivage artificiellement créée à Reims portait sur la volonté d’alliance au centre et sur le reproche fait à Ségolène de n’être pas assez à gauche ! La démarche de Ségolène Royal a porté ses fruits et démontré a-contrario et a-posteriori sa validité.

J’ajouterai quelques mots sur la question des thématiques écologiques. Nous sommes à un moment charnière ; la majorité des scientifiques s’accordent à dire que nous sommes sans doute la dernière génération à pouvoir sauvegarder un équilibre climatique minimal, la dernière qui, sans inverser la hausse des températures, peut encore la limiter.

Il importe cependant de ne pas bâtir la défense de l’environnement de façon tabouisée ou quasiment religieuse. Les concepts qui ont été développés en vue de protéger l’environnement peuvent être discutés (et donc améliorés).

Le fameux concept de « développement durable » participe d’une recherche d’équilibre entre les 3 dimensions : environnementale/économique/sociale - ce pourquoi Ségolène Royal a eu raison de mettre en avant la question de l’injustice sociale engendrée par la taxe carbone[63].

Mais 2 lectures du développement durable s’affrontent (puisque la dimension écologique n’en est qu’un des 3 aspects ) :

- faisons-nous en réalité face à la prédominance, au sein du développement durable, des impératifs du développement par rapport à ceux de la protection de l’environnement

- ou disposons-nous là d’un un principe parfaitement équilibré, dont la substance même est la conciliation ?

Ainsi la confusion sémantique au sein du « développement durable » entre les concepts de politique de l’environnement et de politiques économiques et commerciales, etc… est savamment entretenue par le gouvernement actuel - les politiques environnementales restant subordonnées aux intérêts industriels et économiques.

b) Ségolène Royal a posé les bases de ce que devrait être une fiscalité verte. Dans sa Tribune, publiée dans Le Monde du 8 janvier 2010, elle appelle à ne pas envisager l’écologie comme une écologie punitive[64]. Après avoir évoqué la connivence consistant à exonérer de l'impôt les grandes firmes à l'origine des principales pollutions industrielles , elle y présentait la taxe carbone comme « un impôt injuste pour toutes celles et tous ceux qui n'ont ni le choix ni les moyens de prendre les transports en commun, d'acquérir un véhicule électrique ou de changer de chaudière ». Pour elle, l’écologie doit se défendre par l'impulsion, par l'orientation et l'envie de participer à un projet de civilisation.

Il est possible, nous dit-elle, d'opposer une conviction : la révolution verte ne se fera pas contre le peuple, mais avec lui et pour lui. La révolution verte, c'est le développement des éco- industries, d'une agriculture biologique, l'extension des énergies propres, la recherche d'une plus grande sobriété, l'investissement dans les éco-industries mais aussi la création de principes budgétaires justes et efficaces appliquant réellement le principe pollueur-payeur.

Elle pose trois principes intangibles devant présider à la création d'une fiscalité verte.

- Elle doit d'abord être efficace. Et doit pour cela non seulement s'appuyer sur le libre choix laissé au contribuable, mais aussi intervenir postérieurement à une offre de qualité en transports en commun et voitures propres.

- Elle doit ensuite être juste. Non à un impôt sur les déplacements du périurbain et des zones rurales. Non à un impôt sur les plus modestes[65].

- Elle doit enfin être accompagnée d'actions concrètes, concernant l'isolation des logements et plus largement la réduction de la consommation d'énergie.

c) Croissance verte : une politique applicable au territoire national

La « révolution fiscale » et la « révolution écologique » qui prendrait en compte l’ensemble des aspects environnementaux ne sont pas une nouveauté pour Ségolène Royal ! En bref, à l’heure où le PS entend redevenir « social  » et se découvre « vert », il importe de savoir comment opérer la dite jonction . Pour la première fois en France, une Région, Poitou-Charentes en l’occurrence, participe au capital d'une société (Heuliez) – société qui s'engage dans la production de véhicules électriques et la croissance verte et pour la survie de laquelle elle s’est fortement investie. Ceux qui n’y voient qu’activisme devraient consulter le résultat des élections régionales à Cerizay, ville d’implantation d’Heuliez : 50,68% des voix , en présence de huit listes au total.

La Région Poitou-Charentes s'est en effet engagée depuis 2004 dans une politique forte de développement de la croissance verte. La croissance verte dépasse le simple cadre des emplois dans les filières environnementales, qui en sont toutefois une partie ; elle est une nouvelle façon de concevoir le développement économique, respectueuse des hommes et des milieux naturels. Ainsi souhaite –t-elle faire émerger une autre vision, un autre chemin que notre pays peut prendre, … avec la construction de la social-écologie pour allier croissance, respect de l’environnement, et progrès humain. Ce ne sont pas des mots. Elle a mis en place cette politique dans sa région, en Poitou-Charentes », avec déjà des milliers d’emplois dans la croissance verte[66].

2) Economie sociale et solidaire

Ségolène Royal a depuis longtemps déjà entrepris de lutter dans sa région contre la désindustrialisation, pour la protection des plus faibles et la défense des services publics, etc ...   : de même l’appel à un Etat préventif qui mettrait en place la fameuse « sécurité sociale professionnelle », idée déjà ancienne et fort partagée, n’est pas pour elle un pieux appel de plus. La région Poitou-Charentes a ainsi mis en place la sécurité sociale professionnelle à destination d’ouvriers licenciés en assurant le paiement de 90% du salaire pendant dix-huit mois - ceci tout en donnant une formation professionnelle non seulement pour ne pas abandonner les salariés mais aussi pour anticiper les mutations industrielles de demain. Son projet pour le Poitou-Charentes comporte 10 000 contrats de sécurité sociale professionnelle pour accéder à la formation sans rupture du contrat de travail, 8 000 bourses régionales pour les créateurs d'entreprise d'ici quatre ans, le doublement du nombre de sociétés coopératives et le triplement du nombre d'entreprises innovantes.

Nous développerons plus avant la question de l’économie sociale et solidaire, que Ségolène Royal pratique depuis longtemps déjà. Pour elle, « l'économie solidaire, autour des sociétés coopératives de production (SCOP) et des sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC) notamment, répond à un besoin croissant des salariés : celui de prendre en main leur destinée et de s'impliquer pour la réussite d'un projet. La Région s'est engagée, ces dernières années, aux côtés de l’Union Régionale des SCOP pour développer le statut coopératif de production.

Très concrètement, il s'agit d'accompagner la création de SCOP , de développer le tutorat, de promouvoir les SCOP auprès des jeunes et de soutenir certains projets de création ou de reprise d'entreprises ».

Ainsi, « l'économie solidaire et le statut coopératif permettent de redonner de l'élan et du souffle à des entreprises. Ce secteur a plus que jamais sa place, à chaque fois que les outils traditionnels ne permettent pas d'avancer et que les salariés veulent reprendre en main leur avenir. » Ainsi l’ambition de Ségolène Royal et de son équipe sont bien d’ amplifier le développement de l’économie sociale et solidaire en région Poitou-Charentes et d’en promouvoir les valeurs dans l’ensemble de l’économie régionale[67]. L’idée de recréer une économie dont le profit ne peut être la finalité unique passe ici par « un triangle vertueux entre l’emploi, la cohésion sociale et la démocratie participative »[68].

B) REPENSER JUSTICE SOCIALE ET LUTTE CONTRE LES INEGALITES

1) Egalité, dignité et solidarité [69]

Philippe CHANIAL dans son intervention aux journées de réflexion organisées par l’Institut Edgar Quinet[70], présente une conception de l’égalité qui « est plus que l’égalité, c’est avant tout ce qui définit une société bonne – et pas seulement juste - , une société qui rend possible une certaine qualité de la vie personnelle, une certaine qualité des liens sociaux, à la fois d’un point de vue politique et moral[71]. Il propose une « conception exigeante de l’individu  … comme personne autonome ; comme citoyen ; comme associé solidaire » .

Philippe Chanial prend l’exemple du plaidoyer de Jean Jaurès pour les assurances sociales. Jaurès ne défend pas seulement le principe de la cotisation ouvrière mais celui de la cotisation obligatoire. C’est le principe même de la mutualité (« assurance de tous par tous, de chacun pour tous ») qu’il s’agit, par l’obligation (l’obligation de donner, de contribuer), de rendre universel. Et c'est justement par la cotisation que le travailleur - indissociablement donateur et donataire - pourra affirmer son égale dignité, échapper à l'humiliation … Ainsi, pour Jaurès, « l’assuré n’est pas seulement un cotisant ou un ayant-droit, il est aussi et indissociablement …. un individu dont l’autonomie est garantie par cette protection collective qui résulte en partie de sa propre contribution (« la vieillesse sera fière ») ; un citoyen, participant à l’administration et au gouvernement de ces caisses ; et enfin un associé solidaire qui s’oblige à verser dans la caisse commune pour peut-être n’y jamais puiser ». P.Chanial voit ici une mise en application de toute une conception de l’égalité.

Cet exemple démontre selon P.Chanial que, quand Jaurès, en s’appuyant sur Proudhon, affirme que « l’égalité et la justice c’est « l’universelle fierté humaine dans l’universelle solidarité humaine »[72] , nous ne sommes pas dans ce qui serait un « catéchisme socialiste ».

L’analyse de P.Chanial nous ouvre un large horizon : pour Jaurès, nous dit-il, « l’assurance sociale n’est pas seulement au principe de la solidarité de tous envers chacun ou de l’égale dignité ou fierté de chacun. Elle est aussi au principe de l’égale citoyenneté de tous ». En citant la loi sur les retraites ouvrières, l’assurance, nous ne sommes pas dans la réforme philanthropique ou la simple technique de protection sociale. Il s’agit de « l'avènement de la citoyenneté économique et de la démocratie sociale »

2) Justice sociale et dynamique d’action

Ségolène Royal ayant elle-même participé aux journées de réflexion organisées par l’Institut Edgar Quinet en janvier 2008[73], nous livrons ici les grandes lignes de son intervention. Elle insiste sur le fait que nommer l’exigence de lutte contre les inégalités sociales ne suffit pas. Alors que la droite a parlé d’obsession du nivellement, la lutte contre les inégalités est à repenser dans une dynamique d’action.

En premier lieu, la lutte contre les inégalités n’est pas seulement la lutte contre les exclusions ; elle doit aussi intégrer les classes moyennes. Et de citer à l’appui les électeurs des communes périphériques des villes. Il s’agit de lutter contre ce que la Fondation Jean Jaurès a appelé le « descenseur social »

En deuxième lieu, il ne faut pas voir ici de remise en cause du droit à la réussite individuelle. La gauche entend rendre ce droit à la réussite personnelle universel. L’objectif n’est pas le nivellement mais l’ épanouissement de la personne. Elle cite Jean Jaurès dont elle ne peut que constater la très grande modernité – non sans noter que tous les socialistes le citent aujourd’hui ! : « la valeur de toute institution est relative à l’individu humain » : c’est l’individu humain (les deux mots accolés) affirmant sa volonté de se libérer, de vivre , de grandir qui donne vertu et vie aux institutions – voilà le socialisme ! L’objectif principal est de rechercher l’émancipation de cet « individu humain » , face à l’aliénation, face au manque d’éducation , de travail, de qualité de vie, de salaire, de culture.

L’action politique doit permettre de compenser ces carences pour réaliser l’émancipation de chacun et donner à ceux qui n’ont pas le capital de départ - épargne , patrimoine , capital culturel , etc … Ces personnes n’ont que leur famille (d’où l’importance des politiques familiales), l’école (gratuite ) qui garantit la réussite individuelle des élèves – l’école étant le lieu où se transmet le capital de ceux qui n’ont rien. Ils ont aussi la sécurité sociale ( capital de ceux qui n’en ont pas - que la droite laisse filer ! ) , l’accès au service public de la petite enfance (d’où l’importance de la politique de la petite enfance , etc … L’idée est d’EGALISER autant que faire se peut le patrimoine de départ. Nous faisons face aujourd’hui au rétrécissement du champ des possibilités ( montée des précarités , risque de chômage qui ne recule pas, cadres pressurés, jeunesse pessimiste …) . Or, le rôle des réseaux, des relations est devenu trop important pour que deux jeunes ayant le même diplôme puissent s’insérer dans la société et aient les mêmes chances d’accéder au même emploi.

 

Troisième point : la justice sociale n’est pas un frein à la création de richesses mais au contraire un facteur de croissance. Etre motivé au travail permet de créer des perspectives. Avoir des perspectives réduit la violence, la criminalité, permet de rebondir, de progresser. La justice suppose de s’assurer que tous les talents puissent s’épanouir. Une femme qui gagne 30% de moins dans son travail n’est pas motivée, un jeune qui verra l’emploi fermé à cause à cause de son nom ou de son quartier ne sera pas motivé.

La justice sociale et la lutte contre les inégalités n’inhibent pas la croissance ; la justice, aux antipodes de la politique fiscale de la droite, permet plutôt de se projeter dans l’avenir, et justement d’avoir l’ esprit d’entreprendre et le goût du risque (avoir envie de se former, de pouvoir accéder au crédit, de créer , etc … )

En conclusion, Ségolène Royal appelait à revenir aux sources de ce qui fait notre engagement. Elle mettait même en exergue les inégalités auxquelles la gauche ne s’était pas attaquée : les inégalités entre universités et grandes écoles, les inégalités subsistant aux dépens des jeunes issus des catégories populaires, les inégalités entre ceux qui prennent les décisions et ceux qui les subissent (d’où l’urgence de repenser le lien politique et la façon de faire de la politique), les inégalités entre les grandes entreprises et les petites, là ou le dialogue social est quasi inexistant.

Le chantier de ces luttes pour la justice sociale et contre ces inégalités trouve, selon elle, son creuset dans la façon d’exercer les mandats locaux. Les maires, présidents de conseils généraux, de région etc … ont montré sur le terrain que la lutte contre les inégalités est facteur de croissance économique. Et de donner l’exemple du Poitou-Charentes avec le micro-crédit et les bourses tremplin : en trois ans ce sont 5000 petites entreprises qui ont été créées.

« Ainsi la gauche peut devenir et va devenir la force motrice de la croissance française en s’attaquant aux inégalités qui rongent notre pays ». Pour Ségolène Royal, « l’injustice sociale freine et pervertit le développement (étroitesse du marché intérieur, corruption endémique, boulevard ouvert aux trafics et aux mafias, instabilité politique et, si la démocratie déçoit socialement, tentation autoritaire). Un ordre économique injuste n’est qu’un chaos et une poudrière. Enivré de cupidité à court terme, le système néolibéral n’a pas seulement trébuché sur ses propres vices : il a semé dans le vaste monde des désespoirs et des ressentiments qui menacent la sécurité collective[74]».

3) Urgence d’une alternative de gauche à la mondialisation ultralibérale

Ségolène Royal a prononcé le 8 avril 2010 une allocution publique à l'université Candido Mendes de Rio de Janeiro[75] sur le thème de la « mondialisation et son alternative de gauche. » devant un parterre d’étudiants et de professeurs[76]. Elle revient sur les deux événements que sont l’investiture de Barack Obama et le Forum social mondial de Bélem qui ont soulevé une « immense mobilisation populaire et l’espérance », d’ « un autre monde possible, une alternative à gauche pour imposer le respect de l’être humain et de son environnement ». Face à la « la crise globale qui ébranle la planète, disqualifie les donneurs de leçons, qui moquaient les mises en garde des altermondialistes et nous vantaient les charmes de l’Etat minimal, de l’abaissement des protections sociales, du productivisme prédateur et des prouesses des traders », elle dénonce un système qui conduit aux « émeutes de la faim, dans les rues de Bombay, de Dakar ou du Caire », un système dans lequel les salariés sont  « broyés par les mâchoires de fer du capitalisme financier ».

Dans le même esprit, elle propose dans son ouvrage Obama, Lula, Forum Social, dix leçons convergentes[77], des pistes novatrices et des parti-pris volontaires qui dessinent d'autres possibles et ébauchent un modèle alternatif de développement. En effet, la crise globale qui ébranle la planète disqualifie les dogmes de la révolution néo-conservatrice. Elle nous fait connaître un diagnostic partagé dans les deux Amériques quant à « la nocivité et la dangerosité d’un système fondé, comme l’a souligné Barack Obama, sur « une conception étriquée de l’intérêt individuel et du profit à court terme ».

Elle propose de faire de l’efficacité économique et de la justice sociale un couple inséparable ; de retrouver une puissance publique assumant la plénitude de ses responsabilités (un « Etat anticipateur, porteur d’une vision à long terme de l’intérêt général ») ; d’accélérer la croissance verte, « gisement d’emplois et de qualité de vie de demain » ; de définir les domaines vitaux à soustraire aux diktats exclusifs du profit à courte vue , à savoir définir et protéger les biens publics mondiaux (il apparaît en effet que « la privatisation effrénée des services publics et la marchandisation croissante de tous les domaines de l’existence n’ont eu nulle part les effets vertueux que promettaient leurs partisans.» ). Elle pose enfin la démocratie participative comme une condition de l’efficacité politique, en entendant s’appuyer « sur la plus belle des forces : la force citoyenne[78]. Qui émerge partout sur la planète, interpelle, questionne, revendique, propose ».

4) Les enseignements de la crise grecque : Union européenne , FMI et justice sociale

Nous eussions pu tout autant évoquer en titre la « crise européenne » de ce printemps 2010. « Après bien des atermoiements », note Ségolène Royal[79], l'Europe s'est dotée d'un vaste plan de secours de 750 milliards . Elle évoque « un rempart érigé à la dernière minute pour protéger l'Union des prédateurs financiers » ….par un accord final qui ne contient « pas un mot, pas une ligne sur la lutte contre les spéculateurs, et aucune mesure coercitive contre les banques ». Il est bon de rappeler qu’après la Crise de 1929, le Président Roosevelt avait imposé une séparation étanche entre banques d’investissement et banques de dépôt[80]. Elle appelle à une profonde réforme du système financier[81]..

Les prêts consentis par les pays européens le sont à des taux élevés. Charmante solidarité européenne ! Le Fonds Monétaire international applique un taux plus bas mais « n'a pas changé, après les cures d'austérité imposées en Afrique et en Amérique Latine : en Grèce comme ailleurs, il applique la même méthode …  : abaissement des salaires, démantèlement de la protection sociale, augmentation des taxes... ». Petit tour d’horizon de la « purge » imposée aux Grecs (30 milliards d'économies sur 3 ans) : baisse des salaires, augmentation des taxes, notamment de 21 à 23% sur l'alcool, le tabac et les carburants, allongement de la durée du travail et de la durée des cotisations ; suppression du 13ème et du 14ème mois, les indemnités chômage devant aussi être revues à la baisse ; diminution des investissements dans le secteur public ( santé, éducation ). A noter que le salaire minimum brut est de 727 euros en Grèce et de 1343 en France.

Laurent Mauduit pose, sur Mediapart.fr, la question suivante : DSK s’est-il disqualifié pour représenter les socialistes ?[82]. Et d’ajouter que « l’interpellation est aujourd’hui taboue dans les rangs socialistes, mais (que) le PS prendrait un gros risque à l’éluder, lui qui cherche à convaincre l’opinion de son nouvel ancrage à gauche ». Il serait difficile de ne pas admettre que c’est là « un plan très violent que le FMI [83] et la Commission européenne ont mis au point», dont nombre d’économistes craignent en outre l’effet récessif[84]. Des économistes grecs[85] ont appelé récemment à un autre plan qui passerait par la relance de l'économie réelle et la restauration de l'État et non par une option néolibérale qui défend une redistribution dramatique du revenu aux dépens des salariés et des catégories les plus pauvres de la population. Comment éluder la question posée, simplissime et pourtant douloureuse : «  Où est le socialisme dans tout cela ? C’est le grand retour des «Chicago boys». Et de mettre en relation avec une interview donnée au Monde le 4 mai 2010 [86] dans laquelle DSK se dit «admiratif de l’extrême rigueur choisie par le gouvernement Papandréou » . Plus que la terminologie barriste, c’est la référence au « choix » qui est encore la plus belle !

Comment éluder une seconde question, peut-être pire encore : un homme de droite à la tête du FMI aurait-il pris d’autres mesures , aurait-il fait d’autres choix ? La réponse est sans aucun doute négative, il importe de réfléchir à nos fondamentaux. Les collaborateurs de DSK, selon Marianne2.fr[87], s’efforcent de ménager toutes les pistes et portes (de sortie), le présentant tantôt comme un simple « accompagnateur » du plan grec, tantôt comme un véritable décideur « à la tête du FMI [88]» . A noter également que Martine Aubry et DSK, d’après une source Public Sénat (article du Post.fr du 6 mai 2010 ), ont d’ores et déjà une stratégie commune : «  DSK ne pourra pas gagner sans le travail que fait Aubry pour le parti. Et Aubry ne pourra pas gagner sans la crédibilité de DSK. … Et (ce partisan de la première secrétaire) de croire à la possibilité d’un « ticket à l’américaine » Aubry-DSK, … « A un moment il faudra se répartir les rôles. Aubry Présidente et Strauss-Kahn président de l’Europe par exemple ». Nous sommes bien loin d’une politique de participation citoyenne ! Jean-François Kahn notait sur son bloc-notes du 6 mai 2010 : l’extrême rigueur que l’Europe et le FMI ont imposée à la Grèce est applaudie par ceux-là même, en particulier les sociaux-démocrates français et les amis de DSK, qui proclament, en même temps, qu’une semblable politique de rigueur appliquée en France serait totalement inadéquate, car elle casserait dangereusement toute possibilité de reprise économique. Pourquoi ce qui est vrai ici serait faux là-bas ? J’ajouterais, et inversement !

Alain Touraine a fort bien résumé le dilemme dans un entretien paru dans La Croix[89] : « Les gens ont le sentiment qu’ils vont devoir payer pour des erreurs dont ils ne sont pas responsables. En outre, il est difficile de demander des efforts à une population avant d’avoir demandé des efforts à ceux qui sont encore privilégiés, les plus riches, voire à ceux qui sont responsables de la situation[90]. Et seulement après cela, il sera possible de demander des efforts au peuple. … . La justice, dans le cas de la crise financière et des efforts qui vont suivre, c’est …. qu’on ne laisse pas les plus riches s’enrichir encore, exporter leur argent à l’étranger, etc…. » En bref, la question est de savoir si les citoyens « ont un contrôle réel sur les politiques appliquées ».

Ségolène Royal a appelé depuis longtemps déjà aux Etats-Unis d’Europe[91] : « Pour résister aux attaques spéculatives, pour que l'Europe soit autre chose qu'un marché soumis à toutes les tempêtes, économiques, sociales, politiques, elle doit aller plus que jamais dans le sens de son destin. Et plus que jamais, son destin, ce sont les Etats Unis d'Europe que j'ai appelés déjà de mes vœux ». Je précise que l’on peut partager cette idée et avoir voté non au référendum de 2005, ce qui est mon cas. Car il y a là un discours cohérent - les souverainistes font également preuve de cohérence, je le reconnais , mais qui est en outre conforme à la tradition internationaliste de la gauche et réaliste économiquement en prévision du monde multipolaire qui s’annonce (dans lequel nous devons constituer un grand ensemble).

Jean-Claude Barbier dans une Tribune au Monde[92] présente une vision d’ensemble extrêmement juste : « La "crise grecque", nous dit-il, est l'autre nom de la crise de ce qu'il est convenu d'appeler "l'Europe sociale". Elle présente un avantage paradoxal : elle politise, à l'échelle de l'Europe, les questions de la justice sociale, en les faisant sortir de leur cadre purement national ». Et d’ajouter que « plutôt que de continuer d'entonner un discours creux sur la "solidarité européenne, c’est «  au premier chef parmi nos concitoyens européens, (vers) ceux et celles qui sont trop pauvres, ou trop peu dotés de ressources diverses, comme l'éducation, la culture, pour avoir pu profiter de la construction européenne » qu’il faut se tourner. Il évoque une urgence de culture commune, j’y verrais l’urgence d’un aggiornamento culturel. «  Ces concitoyens, condamnés à l'immobilité par l'inégalité criante de leurs ressources n'ont pas profité de l'euro : ils ne voyagent pas » et   souffrent « du classement comme "populistes", par les élites, de toutes les manifestations d'inquiétude et de frustrations des citoyens européens qui n'ont profité d'aucune de ces quatre fameuses "libertés fondamentales de circulation" : la circulation des marchandises, des personnes, des capitaux et des services ».

Il semble clair que le fil conducteur de toute une pensée applicable à la justice sociale est le respect du peuple. Bien au-delà d’une « société du care », Ségolène Royal s’oppose, nous le savons, à la taxe carbone (voir plus haut), et aux décisions de l’Etat en matière de zonage suite à la tempête Xynthia. Elle lance alors : «  Nous avons subi une catastrophe terrible. Un deuxième coup nous arrive sur la tête, en apprenant le zonage qui avait été décidé de façon unilatérale et autoritaire par l’Etat ! ». Après la suppression de la prime aux familles les plus modestes, elle met en exergue ce point névralgique et interroge : «  Aujourd’hui, il y a 12 millions de familles qui n’arrivent pas à boucler les fins de mois. Est-ce que c’est vraiment le moment de leur supprimer 150 euros ? ».

A noter encore cette compréhension des préoccupations populaires quand, face à une réforme déjà biaisée des retraites[93], elle tient, bien avant les prises de position des officiels du PS[94], un discours ferme. Ainsi, sur France Inter, le 16 avril 2010 : « Tant que tous les paramètres ne seront pas mis sur la table, il est hors de question de toucher à ce qui est une sécurité fondamentale de millions de Français. (…) Ma conviction profonde est qu’il y a d’autres solutions que de remettre en cause la retraite à 60 ans[95]. (…) Une société a besoin de repères et l’on n’a pas de raison de toucher aux acquis sociaux dès lors que l’on n’a pas fait l’effort de rechercher la justice dans les prélèvements et de relancer la croissance économique ». Ainsi a-t-elle lancé une consultation populaire sur les retraites et la fiscalité, consultation ouverte par Désirs d'avenir. « Les Français doivent prendre la parole sur ce qui les concerne, écrit-elle le 17 mai 2010, il n’est pas acceptable que cette parole soit confisquée par le gouvernement . Désirs d’avenir veut être la voix des sans-voix. Venez participer, prenez la parole ! Et plus nous serons nombreux, plus cette parole sera entendue [96]».

En bref, tous les procès d’ « ancrage à gauche » que l’on nous fit semblent bien dérisoires ! Ségolène Royal présente à la fois un projet de gauche réaliste et un idéal d’émancipation populaire (et non « démagogue-populiste » ) [97]

C) QUELLE VISION D’ENSEMBLE ?

Nous nous souvenons que, selon Jean-Louis Bianco, le projet de modèle de développement présenté par le PS à la presse, tout en reprenant nombre de propositions antérieures de Ségolène Royal, manque d’une vision d’ensemble, à laquelle la société du « care » ne pourrait suffire.

1) Au-delà du « care »

Le « care », qui puise ses racines dans la théorie féministe nord-américaine[98], et notamment dans les travaux de Joan Tronto[99], peut se traduire par « soin » ou « sollicitude » - même si, le plus souvent, le choix a été fait de conserver le terme anglais. L’idée serait de séparer le « care » de sa nature (prétendûment) féminine pour le porter dans le champ politique. Le care peut être défini [100] «  comme une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer, et réparer notre « monde », de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible ».

Il s’agit de « déconstruire les frontières morales qui contribuent à exclure les femmes, les noirs, les immigrés, les domestiques, les pauvres, les handicapés, de la pleine appartenance aux sociétés contemporaines : toutes personnes ou groupes déclarés inaptes parce que prodiguant des soins ou dépendant des soins »[101]. Quand bien même on nous dira que Joan Tronto propose une morale non pas féministe, mais universaliste[102], il apparaît clairement ici que le fondement de la théorie du care relève du féminisme différentialiste et non universaliste[103], et plus généralement, procède d’un raisonnement d’ordre différentialiste[104]. Certes, Fabienne Brugère[105], semble-t-il inspiratrice[106] de Martine Aubry et de Christian Paul, Président du laboratoire des idées du PS, insiste sur l’idée que le souci des vies vulnérables doit devenir l’affaire de chacun et que les hommes ont à sortir du marquage sexué de la sollicitude. Aussi louable que soit l’intention, et aussi pertinent que soit l’appel à l’égalité réelle qu’elle y voit, il faut être conscient du choix qui est fait de raisonner sur un fondement sexué et une « nature » féminine.

Alors que la logique du care, semblait permettre de réintroduire le sentiment, la pitié et la compassion dans les débats sur la justice, il s’agit de la débarrasser du sentiment et de la pitié pour la politiser pleinement. On ne saurait aller trop loin dans cette direction, sous peine de tomber dans la « compassion catholique cathodique » ou cette solution schizophrène de « ce que le président Bush appelle le capitalisme compassionnel [107]»[108].

En effet, la vie civique dépend plus du respect mutuel que de la compassion. Il est en effet plus facile d’éprouver de la pitié et d’apporter du soin que d’ appliquer à ses concitoyens des normes impersonnelles qui leur donnent le droit d’être respectés[109]. En bref, cette « compassion », pour jouer un rôle politique, doit d’abord être « débarrassée de son dolorisme d’inspiration chrétienne ». Mieux vaut parler alors, comme dans le cas brésilien de l’engagement associatif[110] , d’actions solidaires inconditionnelles qui manifestent cette capacité des militants et des habitants à instituer au quotidien un monde commun. Nous revenons en fait à la problématique d’une « une culture démocratique participative ». Or, il est bon de rappeler[111] qu’ « une telle culture solidaire et participative fut au coeur du mouvement ouvrier  «  et que les sociétés de secours mutuel ont voulu opposer à la concurrence libérale « une culture de la compassion fraternelle ».

Que n’aurait-on dit si Ségolène Royal s’était de la même façon réclamée de la société du « care », de la logique du « soin » ! Elle eût assurément, elle, été accusée de « dolorisme chrétien » ou de folie à la fois mystique et libérale-compatible  ! Personne ne se moque de Martine Aubry comme bonne dame charitable anglo-saxonne … Peut-on pour le moins avancer que la vision politique française serait quelque peu hermétique à l’inspiration anglo-saxonne du « care » ? Il est vrai que nous y voyons facilement un appel à l’entraide interpersonnelle qui évacuerait le rôle normatif et protecteur de l’Etat.

Société du « care », que Martine Aubry tente de traduire par « soin mutuel » ou même société du « bien-être et du respect » nous dit-elle encore. Que de références calculées et entremêlées en un gigantesque maelström ! Mais le mélange des concepts ne fait pas une politique. Quand bien même s’agit-il de faire selon Marianne2.fr[112] du « marketing catégoriel » à destination des séniors[113] , qu’on imagine sensibles à l’accolement des notions de bien-être et de respect strictement entendu ! Ou encore d’opposer le « bien-être » au « tout avoir » pour ne plus apparaître aux yeux des écologistes comme des consommateurs productivistes forcenés …

Ségolène Royal avait très tôt mis en avant la notion de respect et le concept de fraternité. Marianne 2 cite François Kalfon, le secrétaire national délégué général aux études d'opinion de la rue de Solférino :« L’idée, c’est de trouver le bon équilibre entre protection collective et responsabilité individuelle. Ce qu’avait réussi à faire Ségolène Royal, avec les défauts qu’on lui connaît... » . S’agirait-il d’évoquer le concept de « fraternité » en le personnalisant à l’aune du vocabulaire de la Première Secrétaire ? Nous ne reprocherons pas à Martine Aubry de chercher de nouveaux principes fondateurs , ce qui est indispensable. Nous noterons simplement que, si des éléments méritent assurément d’être retenus, ils ne sauraient suffire.

En effet, qui voudrait s’opposer à la volonté de « se focaliser sur la fragilité des vies réelles  et un monde de plus en plus interdépendant[114]» ? Qui ne veut s’adresser aux « plus vulnérables ? ». Qui rejetterait le concept d’altruisme , dont nous sommes ici très proches, hors de tout féminisme différentialiste ? Quoi qu’il en soit, nous sommes loin de voir « redynamiser la pensée sociale progressiste » , pour reprendre le titre d’un article du Monde généreusement appliqué à Martine Aubry  ! Ce dynamisme peut bien plus se trouver aux sources du socialisme républicain. En effet, un altruisme républicain, au sens de la synthèse jauressienne, évite à la fois dérive compassionnelle et dérive utilitariste[115].

2) Le socialisme républicain[116]

Nous nous souvenons que Manuel Valls appelait la gauche à couper les ponts avec le « vieux socialisme »[117]. Philippe Chanial nous propose au contraire[118] de relire le socialisme des origines, le « socialisme républicain », à l’aune de notre temps. Non pas seulement pour penser en socialiste, mais pour pouvoir vivre tout de suite la vie socialiste et « célébrer les noces de l’individualisme bien compris et de la République sociale »[119]. Ce sont ses textes auxquels nous faisons ici référence. Il évoque ainsi « le fil rompu du socialisme républicain français », en vue de réhabiliter, contre le seul matérialisme issu de Marx, et au-delà de la définition du socialisme à travers les seuls modes de production, un certain « idéalisme historique ». Il revivifie dès lors le « socialisme intégral » de Benoît Malon (1841-1893)[120], ou « l’individualisme intégral » d’Eugène Fournière (1857-1914). Ainsi " la délicate essence du socialisme ", tel que le défendaient notamment Proudhon, Fourier, Leroux puis Benoît Malon, Jean Jaurès, Marcel Mauss ou Eugène Fournière nous intéresse aujourd’hui par sa critique morale du capitalisme, son refus de réduire l'homme à un animal économique[121] et l'économie au marché[122]. Nous pouvons en effet refuser l’alternative entre synthèse « libérale et sociale » et menace « nationale-populiste », même si, par exemple, Aain Bergounioux[123] tient à ne pas «  limiter (le débat) au fait « de savoir si le socialisme ne s’est pas trop compromis avec le libéralisme économique ».

Pour Philippe Chanial, au delà de ce que d’aucuns verraient comme « moralisme, sentimentalisme, ou irénisme »  cette délicate essence du socialisme se manifeste également par sa valorisation des formes de coopération et de solidarité les plus concrètes évoquées plus haut  . … ce socialisme établit en effet une articulation étroite entre (une) morale anti- utilitariste et une politique de l’association qui … prétend inscrire dans la sphère économique elle-même … (une) morale de la solidarité et l’exigence républicaine d’auto-gouvernement ».

L’économie solidaire et la démocratie participative apparaissent comme les héritières de ce socialisme de l'association, résolument pluraliste et expérimental, pour qui la démocratie s'identifiait à l' « autogouvernement des citoyens associés ». Ce socialisme est moral, associationniste, mais aussi individualiste. Philippe Chanial s’appuie sur Eugène Fournière, pour repenser ce que serait un individualisme social où se dessine un socialisme résolument relationnel, alternatif à l’atomisme libéral. Une liberté vue comme refus de toute forme de domination et de servitude (plutôt qu’une liberté absolue de choix personnel) correspond à l’ idéal républicain qu’il nous faut redécouvrir, à travers l’idéal d’autonomie politique et d’auto- gouvernement, à travers une pluralité d’espaces d’engagement civique et de solidarité mutuelle, fondement d’une République sociale.En bref, refonder le lien social, concilier universelle solidarité humaine et libre épanouissement de l’individu, redécouvrir l’individualisme socialiste de Jaurès[124] et Fournière, redéfinir l’idéal républicain[125]. Le « socialisme républicain » appellerait dès lors à lutter pour un idéal d’égalité[126] - égalité qui ne se limiterait pas à simplement donner à chacun les moyens de tirer son épingle du jeu dans un environnement concurrentiel ! C’est nous inviter à faire tout autrement République… une République de la fraternité ?

 

AXE TROISIEME : LA DEFENSE DES VALEURS REPUBLICAINES ou LA REPUBLIQUE DE LA FRATERNITE

 

Laurent Joffrin, qui n’est pas connu pour être particulièrement ségoléniste ( !), écrit ainsi, le 16 mars 2010, au lendemain du premier tour des élections régionales que « Le problème de la gauche… c’est le peuple. (…) il existe, hors les murs, une masse de citoyens qui, sous des formes diverses, disparates, confuses, sont entrés en dissidence. Ces citoyens se recrutent pour l’essentiel dans les classes populaires. (…) Ainsi la démocratie française, qui présente toutes les apparences de la solidité, vote en fait sur un volcan (…) Le problème se pose à Nicolas Sarkozy, qui avait réussi à rétablir, à droite en tout cas, une certaine confiance dans l’action politique. Mais il heurte tout autant la gauche, qui a trop souvent cru conjurer cette désaffection populaire en la qualifiant de «populiste», mot creux qui a surtout pour fonction de rassurer le bobo. La clé de la présidentielle prochaine se trouve dans la reconquête des classes populaires. Pour la réussir, il faudra trouver, en matière sociale, bien sûr - c’est la priorité - mais aussi dans le domaine de la sécurité et de l’immigration, des projets justes et efficaces. Même sans le dire, le peuple vient de l’exiger ». Merci à Laurent Joffrin, d’avaliser la démarche de Ségolène Royal, près de trois ans après ! Fait-il du « ségolénisme » sans Ségolène ?

Ségolène Royal avait provoqué des sarcasmes en évoquant en 2007, l’« ordre juste » ou la Nation (intégratrice) ! Quand c’est Laurent Joffrin qui évoque (article ci-dessus) des projets justes et efficaces dans le domaine de la sécurité et de l’immigration, les commentateurs « bien pensants » ne rient plus ! La campagne de 2007 a été l’occasion pour Ségolène Royal de mettre en avant un certain nombre de thèmes jusque là délaissés par la gauche. La question centrale est bien celle de la reconquête de ces « classes populaires abandonnées par les élites » selon les mots de Julien Dray, alors porte-parole de la candidate en 2007. Nous avons déjà détaillé (dans la partie précédente) le divorce intervenu entre la gauche – et notamment le PS – et ces catégories populaires. En bref, il ne s’agit pas de refaire « la même erreur qu’en 2002 avec la sécurité [127]». Dans le contexte des délocalisations, d’une « mondialisation » impersonnelle, la question de l’identité (nationale) prend une importance particulière, dès lors que des populations fragilisées cherchent « dans l’Etat, une réassurance face aux risques de la globalisation[128]». Ceci n’exclut pas la question sociale, nous espérons l’avoir montré dans la partie précédente - c’est même «  parce qu'elle a d'abord «parlé du social et de la France métissée» que la candidate peut se permettre aujourd'hui de contrecarrer l'offensive de Sarkozy, qui a, lui, établi un lien entre «la crise de l'identité et l'immigration» (à travers sa proposition, puis la création ) d’un «ministère de l'immigration et de l'identité nationale … Son discours sur la nation est adossé à ce qu'elle dit sur la valeur travail, la lutte contre la précarité [129]» . Pour Julien Dray, «les classes populaires ont l'impression que la France fout le camp. Il y a une inquiétude. On ne peut pas regarder ce qui s'est passé le 29 mai 2005 lors du référendum sur l'Europe et éluder cette question». Reconquérir la « Nation », concept révolutionnaire, s’il en est, ne pas l’abandonner à la droite et à l’extrême droite, est une oeuvre absolument nécessaire, indispensable à la gauche ! Car la nation que nous défendons est une toute autre nation, une Nation « héritée des Lumières ».

A) L’ordre juste

1) L'ordre juste n’est pas l’ordre moral

A Privas , en mars 2006 , Ségolène Royal estime qu’il : « faut rétablir un ordre juste par le retour à la confiance, par le retour de repères clairs, par le bon fonctionnement des services publics, par des règles d'honnêteté (...) valables pour tous ». L’ordre juste a pu faire frémir alors dans les rangs du PS ; il évoque aujourd’hui, après la crise, bien plus un monde de stabilité, ordonné et juste. Le PS évoque la notion de « juste échange » ; l’ordre juste peut en effet se décliner dans nombre de domaines, aussi bien ordre juste économique qu’environnemental, à travers la « social-écologie » également reprise par l’ensemble du PS aujourd’hui.

Sophie Bouchet-Pétersen, conseillère de Ségolène Royal, a tenu précisément à poser « l’ordre juste » comme antinomique à l’ « ordre moral »[130] Ainsi, nous dit-elle, Ségolène Royal n'a jamais prôné un ordre moral d'un autre âge mais « un ordre juste où la libéralisation des moeurs et l'heureux affranchissement des carcans d'antan, hâté par les combats des féministes (….) ne saurait être [131] … la pure et simple soumission à un rapport de forces structurellement déséquilibré ». Et de citer Michel Onfray, qui note que « la morale n'est pas une affaire de moralisme benêt mais de justice sociale », ce qui nous ramène à notre partie précédente !

Ainsi peut-on donner un « fondement résolument moral «  au socialisme »[132], et le faire reposer sur le sentiment social qui lie l’homme à l’homme. S. Bouchet-Pétersen relève l’amalgame qui consiste à … assimiler toute la génération soixante-huitarde (dont elle est sans remords ) «  au crétinisme du « il est interdit d'interdire » ».Ségolène Royal a d’emblée relié l’injustice et le désordre : « Jaurès le disait déjà quand il appelait à en finir avec l'injustice qui, du père au fils, passe avec le sang. Et François Mitterrand aussi, pour qui le premier scandale était dans l'injustice fauteuse de désordre ».

Cependant, c’est « la simple utilisation du mot « ordre » (qui est apparue) suspecte, au mieux conservatrice, au pis réactionnaire » aux yeux de certains « camarades » socialistes , notait Michel Noblecourt dans un article du Monde[133]. Il faut en effet préciser que le concept d' « ordre juste » trouve sa racine dans la Somme théologique de Saint-Thomas d'Aquin et re-situer l’utilisation du terme historiquement, utilisé par le catholicisme social - mais aussi par la droite pour faire pièce au « mouvement » incarné par les progressistes et les révolutionnaires - avant la transformation par Mac Mahon en « ordre moral ». Cependant, le concept d’ordre n’appartient pas à la droite ou au catholicisme.

La question qui se pose est de savoir si l’ordre est ou non « antinomique » du socialisme. Michel Noblecourt se réfère à un article publié en 2004 par Les Notes de la Fondation Jean-Jaurès [134] sur "la question des libertés dans le socialisme" et à un tout autre éclairage apporté par Monique Canto-Sperber : « Le socialisme est né d'un intense sentiment de désordre social. Saint-Simon, Fourier, Proudhon tournent en dérision l'optimisme libéral selon lequel la liberté totale des échanges, du travail et des contrats finira par produire l'abondance, condition optimale pour la réalisation du meilleur état social ». Face à l' « anarchie industrielle », Mme Canto-Sperber souligne que "les premiers penseurs socialistes avaient pour ambition de recréer une société de cohésion, d'esprit commun, au moyen de réformes concrètes. Le remède qu'ils recommandaient était d'insérer l'initiative individuelle, surtout économique, dans des cadres collectifs, de la "socialiser" au sens strict et de traduire éventuellement cette socialisation dans une organisation de l'ensemble de la société ». En bref, sont ici opposés ordre socialiste et désordre libéral … Ceci est à replacer dans l’appel de Ségolène Royal à un   « ordre économique juste », à savoir «  un ordre économique qui cesse de voir la France tirée vers le bas, qui la remet vers le haut, qui refuse la société du "précariat", qui refuse l'insécurité salariale et qui fait en sorte que chacun puisse vivre dignement de son travail." En fait, « sa conception d'un ordre juste s'oppose aux désordres civiques et sociaux que sèment les politiques d'une droite dont le masque compassionnel ne cache pas la vraie brutalité ».

Michel Noblecourt relève encore qu’en septembre 1996, dans sa résolution finale, le 20ème congrès de l'Internationale socialiste, réuni à New York, appelait de ses voeux « l'apparition d'un ordre mondial juste et paisible ». De même, si dans son projet pour 2007, le PS s'abstenait de reprendre le concept d' « ordre juste » , on en retrouve trace dans une synthèse de la commission du projet sur la sécurité, publiée le 15 mars. 2006. « Le Parti socialiste, est-il indiqué, se fixera comme un de ses objectifs prioritaires l'instauration d'un "ordre juste" et d'une "sécurité durable" ». Mieux encore, Lionel Jospin, dans un livre publié en 2005[135] – que n’eût-il proclamé cela avec clarté avant le 21 avril 2002 ! - analysant "l'exigence de la sécurité" émanant des couches populaires, écrit : « Il faut donc assumer la valeur de l'ordre, c'est-à-dire du respect des règles » ; en effet,  « il n'y a pas de liberté sans ordre, c'est-à-dire sans normes, sans coutumes, sans lois. L'ordre est consubstantiel à la liberté, et la République, soucieuse de l'intérêt général, s'attache à concilier l'ordre public et la liberté du citoyen». En bref, Ségolène Royal est soucieuse de voir la gauche ne s’interdire aucun champ d’action. Elle est donc bien dans le mouvement et non dans « la religion comme éternelle répétition du même [136]» !

2) La sécurité

Ségolène Royal a eu le courage de mettre le thème de la sécurité au cœur de sa campagne de 2007. Elle a su comprendre que les premières victimes de l’insécurité étaient les habitants des banlieues défavorisées eux-mêmes ! Ségolène Royal n’a pas renoncé. Pour elle, « le droit à la vie, à la liberté, à la sûreté de la personne humaine, comme c'est inscrit dans la déclaration universelle des droits de l'Homme, est un rôle fondamental que l'Etat doit assurer »

Certes, ici comme ailleurs, elle est rejointe par d’autres. Claude Bartolone, à la tête du Conseil général de la Seine Saint-Denis, tient aujourd’hui sur ce thème des propos qu’il eût qualifiés de réactionnaires dans la bouche de Ségolène Royal Elle s’est par exemple exprimée sur le thème de la sécurité le 20 avril 2010 sur France Info. Comme le note le blogueur Juan (les coulisses de Sarkofrance) : « si Valls avait parlé, il aurait dit qu’il faut être ferme contre les jeunes délinquants et que l’absentéisme scolaire en banlieue est un vrai problème. Si Hollande avait parlé, il aurait dit que Nicolas Sarkozy agite la sécurité comme un vacarme … Si Moscovici avait parlé, il aurait pointé vers le projet socialiste et ses grandes valeurs ». Il est vrai que la spécificité de Ségolène Royal est de proposer une politique concrète. Et de dire d’emblée : « on a besoin, non pas d’un vocabulaire de combat, mais d’une action de combat ». Elle entend distinguer trois types d’insécurité : les actes d’incivilité, la délinquance et la grande criminalité, qui supposent trois types de réponses, alliant prévention, répression et réinsertion. Il s’agit de garantir la dimension humaine et volontaire d’une politique de sécurité résolument tournée vers l’avenir - en permettant à chacun de trouver sa place dans la société.

- Pour les actes d’incivilité causés par « souvent de très jeunes enfants, de plus en plus jeunes aujourd'hui », Ségolène Royal veut instaurer « une articulation plus forte entre les adultes des quartiers, les adultes de l’école et les parents » et prône une réponse immédiate afin de prévenir ces actes.

- Quant à la délinquance, elle met en exergue les promesses non tenues de Nicolas Sarkozy : les centres d'éducation renforcés ne sont toujours pas construits. En effet, « ni la police, ni la justice n’ont les moyens d’agir ». Elle insiste à nouveau sur la prévention : « renforcer l'éducation, l'encadrement des jeunes, aider les parents et notamment les mères seules à éduquer les adolescents, et lutter contre une des causes majeures de la délinquance des jeunes qui est le chômage » Il est essentiel de leur « redonner le sens de leur utilité dans la société, parce que c'est vrai que sur la délinquance, la prison n'est pas la solution »

- S’agissant de la grande criminalité, Ségolène Royal insiste sur le manque de moyens : « Il y a eu sur trois ans, sur les années budgétaires 2008, 2009, 2010, 9000 suppressions d'emplois de policiers et de gendarmes. Sur le seul département de la Seine-St-Denis où le Président de la République vient de se rendre, il y a une demande réitérée de 400 policiers qui manquent dans ce département. ». En bref, il nous faut un Etat qui ne se gargarise pas seulement de mots mais soit à la hauteur dans l’action !

Dans le débat sur l’absentéisme scolaire, elle a par exemple suggéré de retirer les allocations aux familles et d’en confier la gestion aux écoles dans lesquelles sont les élèves concernés. Ainsi , « face à la montée de la violence et à la dégradation continue de la sécurité qui mine l’Ecole », Ségolène Royal a-t-elle, sur le site désirs d’avenir, « souhaité donner en priorité la parole aux enseignants et recueillir leurs témoignages, eux qui quotidiennement sont confrontés à ces problèmes : agressivité, incivilité, dégradations, perturbations et jusqu’aux agressions physiques ». Dominique Bertinotti, maire du 4ème arrondissement de Paris, notait sur son blog que si la diminution drastique des moyens financiers accordés à l’Education Nationale était bien un problème majeur, on ne pouvait se contenter d’un discours fondé uniquement sur les moyens . Elle ajoutait que Ségolène Royal nous appelait à une lucidité radicale. C’est bien au désir d’un nouveau discours de gauche sur l’école qu’il faut répondre.

Ségolène Royal refuse de laisser de côté ces questions majeures dans le cadre de l’élaboration d’un projet socialiste. En effet, la question de la sécurité de tous est fondamentale, il n’est plus possible d’éluder ce qui est une des fonctions de l’Etat.

B) Sur la Nation : identité nationale et République

Une Nation « héritée des Lumières » se situe  tout à l'opposé du triste débat sur l'identité nationale qui opposa Nation et immigration. Ainsi, le philosophe Michel Onfray[137] eût souhaité que l’on se réappropriât le fameux débat sur l’identité nationale. Pourquoi ne pas dire en effet, que «  la France c'est la Révolution française, … une certaine conception de la République qui fait preuve d'ouverture, de solidarité et de fraternité » ? C’est précisément , ajoute-t-il, parce que nous avons laissé cette question à la droite et à l'extrême-droite que l’identité nationale ainsi définie est mal en point. Il appelle à ne pas laisser le monopole de la définition de l’identité nationale à l’extrême droite, qui, elle, retient une définition raciale. Bien plus qu’à l’Etat, c’eût été aux partis politiques, aux citoyens, aux philosophes, aux sociologues de faire un grand débat … En fait, la France ne se situe pas dans la vision d’une Nation ethnique, de la filiation par le sang (jus sanguinis), mais dans une conception de la Nation qui a pu reconnaître l’affiliation nationale du fait de la naissance sur le territoire (jus soli). La Nation telle qu’elle est conçue en France, malgré des tensions et des résistances (historiques ?) s’est abreuvée aux sources de la philosophie des Lumières, reposant sur la reconnaissance des droits de l’individu et de la liberté politique, développant un aspect volontariste plutôt que figé et des valeurs partagées.

Nicolas Sarkozy , en manipulant les concepts, a ouvert une boîte de Pandore. J’ai précisé déjà, dans la première partie de ce texte, que dès sa campagne de 2007, ce caractère dangereux m ‘était apparu à travers le slogan « ensemble, tout devient possible » ; en effet Hannah Arendt , dans son ouvrage sur les « origines du totalitarisme », voit le « tout est possible » comme la croyance fondamentale du totalitarisme. Car le slogan choisi laisse entrevoir la totalité des possibles : à force de faire feu de tout bois, la porte est grande ouverte aux dérives … idéologiques . La manipulation du débat sur l’identité nationale est le dernier avatar de la politique sarkozyste. En bref, avec Nicolas Sarkozy, les concepts fondateurs de notre système politique sont tordus, mélangés, malaxés, touillés. Maniés, remaniés, qu’importe, puisque seul l’objectif compte. Et aussi la réception par les électeurs de base que nous sommes, supposés malléables … A nous de nous réapproprier les concepts fondateurs ! La notion d’identité elle-même appelle réflexion. L’identité peut renvoyer à des appartenances éventuelles, à quelque chose qui préexiste ; or la Nation au sens républicain n’est pas une dispersion, elle transcende la société civile. Catherine Kintzler[138] verrait même comme paradigme du citoyen, un être « singulier ». Je dirais qui, tel l’apprenti philosophe, aurait fait table rase de ses préjugés antérieurs pour construire sa propre pensée.

Avoir lié l’ « identité nationale » et l’ « immigration » était une erreur, que dis-je, une faute , oui, une faute morale, et cela dès la création du dit ministère . Eric Besson a beau jeu de publier un livre sur le concept de « nation » et de dire que la France ne connaît qu’une « communauté nationale » ! C’est là même un concept à valeur constitutionnelle , la Constitution, prônant l’unicité du peuple français, «  … ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d'origine, de race ou de religion » [139] et par conséquent M.Besson et M. Sarkozy ne nous apprennent rien !

1) Une Nation « héritée des Lumières »

a) L’approche de Ségolène Royal à travers ses textes

La gauche ne doit pas craindre de discuter de la Nation. La Nation telle que nous l’entendons est un concept issu de la Révolution française ; Ségolène Royal a entrepris dès sa campagne ce travail de réappropriation. Ségolène Royal porte de longue date une vision de la France, de la Nation et de l'identité nationale, notait sur le site Désirs d’avenir, sa conseillère Sophie Bouchet-Pétersen : « son mérite n'est pas seulement d'avoir été la première à en parler, pas seulement d'avoir reconquis un terrain abandonné à tort à la droite, pas seulement d'avoir assumé cette cohérence au fil des ans, mais aussi d'avoir dit avec constance des choses profondes et fortes en phase avec les interrogations légitimes des Français confrontés à une mondialisation anarchique, à une Europe souvent décevante et aux mutations accélérées de la société française ». Elle refuse de confondre Péguy et Pétain, erreur trop souvent entretenue … C’est en effet toute une conception « fraternelle » de la Nation qu’elle développe, « à rebours des conformismes d'une certaine gauche ». Les extraits suivants des discours de Ségolène Royal figurent intégralement sur le site Désirs d’avenir[140].

La Nation, parce que ni la Nation ni l’amour de la France ne sont le nationalisme

Le 30 avril 2006[141], à Cambrin , elle présente «  l'idée de nation (comme) une idée neuve qu'il va falloir redéfinir en la tournant vers le monde et en la tournant vers l'avenir. Le patriotisme est un mot qui a ici un sens vrai, parce qu'on se rappelle les hommes et les femmes qui ont perdu leur vie pour assurer notre liberté[142] ». Il est bon de toujours garder à l’esprit la distinction de Romain Gary entre le patriotisme entendu comme l’amour des siens et le nationalisme comme la haine des autres - au sens peut-être aussi où Sophie Bouchet-Pétersen appelle à ne pas confondre patriotisme populaire et nationalisme obtus. Le 6 avril 2007, à Carmaux, dans le Tarn, Ségolène Royal, à l’occasion d’un discours sur Jean Jaurès, évoque notamment sa conception de la Nation : « Jaurès avait l'amour de la France, de la République et de la Nation. Il croyait, et je crois avec lui, qu'un peu d'internationalisme éloigne de la patrie et que beaucoup y ramène. Il vibrait de ce patriotisme bien compris qui est l'ennemi du chauvinisme et le contraire du nationalisme (...). Il croyait profondément que le pays de France ne saurait se passer longtemps d'idéal ».

Ainsi, évoquant le 27 juin 2006, la mémoire de Louis Jaurès, fils de Jean, tombé au combat durant la guerre de 1914-1918 , « juste avant sa mort, Jaurès notait avec tristesse : « on nous a dénoncés comme de mauvais Français et c'est nous qui avions le souci de la France ! ». De Jean s'attachant de toutes ses forces à empêcher la guerre qui vient à Louis (Jaurès) s'y engageant de son propre chef, je tiens à souligner ici plus que la filiation : la cohérence. Car la haine de la guerre et l'amour de la patrie étaient, pour le père, indissociables. De même que l'esprit de défense et l'esprit de fraternité. Eviter les massacres de masse et le choc meurtrier des nationalismes égoïstes, oui. Se dérober à son devoir et capituler devant la loi du plus fort, jamais ».

Dès le 9 mai 2006, à Villeurbanne, Ségolène Royal donnait sa vision de l'action politique et des raisons … de nous interroger « sur ce qui fait France » de nos jours, sur ce que signifie notre «commune appartenance à la même nation »,

La N ation, parce que la France est une Nation solidaire qui a la passion de l’égalité

Le 27 juin 2006, Ségolène Royal, à Soissons, évoque, à propos de la mémoire de Louis Jaurès mort au front durant la guerre de 1914-1918, « le fil jamais interrompu d'une histoire qui – de Jaurès à Blum et aux combats d'aujourd'hui – nous oblige et nous porte. Cette histoire est indissociable des plus grandes pages de l'histoire de France et de conquêtes sociales pour lesquelles il fallut durement batailler ». C’est là toute la fierté d’un héritage. Le 20 août 2006 Ségolène Royal développe « deux visions de la France et deux conceptions opposées de l'exercice du pouvoir … enjeu de l'élection présidentielle ». Elle y affirme qu'une « autre France est possible » et s'en prend en particulier aux destructeurs de la valeur travail et des solidarités nationales. Quand le lien social se délite, c'est la Nation qui se fragilise ».

Le 29 septembre 2006, à Vitrolles, lors de l’annonce officielle de sa candidature à la candidature : « Ce désir de France que nous gardons au coeur n'est pas condamné à dépérir : il constitue un atout pour les combats d'aujourd'hui. Et cette «  passion de l'égalité », constitutive de notre identité, reste de nos jours le meilleur guide pour l'action. Quand on demande aux Français ce qui, pour eux, symbolise le mieux la France, ce qui vient en premier, ce ne sont ni les frontières ni la langue, c'est le drapeau tricolore et la Sécurité sociale. L'emblème de la République et les outils de la solidarité : voilà ce qui cimente en premier l'appartenance commune. Mais plus les insécurités sociales quotidiennes et la précarité gagnent du terrain, plus les Français ont mal à la France. Et plus ils s'inquiètent de la pérennité de la nation, moins ils sont portés à la vouloir généreuse avec les siens et hospitalière aux autres. « Je crois, dit aussi Ségolène Royal ce jour-là, que la nation dans le monde d'aujourd'hui est protectrice des individus et doit apporter à chacun le renfort dont il a besoin pour maîtriser sa vie. Cette nation remplissant son devoir à l’égard de tous ses membres, je ne la veux pas frileuse, apeurée, défensive, doutant d’elle-même, mais au contraire porteuse d’un projet collectif et solidaire, d’un devoir d’invention qui lui donne tout son sens et tout son allant ! ». « Imaginer la France, poursuit-elle, c’est vrai, ne va plus de soi et nous devrons le faire ensemble[143]. Le 11 février 2007, lors du rassemblement de Villepinte, elle déclare refuser « cette société toujours plus violente (...), cette société du tous contre tous, de cette société du chacun pour soi. » Elle veut que la France aime sa jeunesse et exerce sur elle une juste autorité qui lui permette de grandir. Le 23 mars 2007, lors du meeting de Marseille où elle revient sur les axes majeurs de son pacte présidentiel, Ségolène Royal, développe sa conception d'une « identité nationale » qui exprime le peuple rassemblé et repose sur « la certitude que les règles du jeu sont les mêmes pour tous, quels que soient l'origine, le quartier, la naissance, la famille». Cette « garantie d'une égalité réelle», dit- elle, « c'est le premier fondement de notre identité nationale (…) l'identité nationale, ce n'est pas de demander des comptes sur d'où l'on vient mais de savoir vers où on veut aller ensemble ».

La Nation , parce que la France est Une Nation intégratrice et universaliste

Ainsi à Vitrolles en septembre 2006 : «  Imaginer la France ne va plus de soi parce qu’elle s’est beaucoup transformée, pluralisée, diversifiée et colorée sans encore admettre totalement ce qu’elle est devenue. Pour en tirer parti et fierté, la France, je vous le dis, doit achever de reconnaître comme ses enfants légitimes ceux dont les familles sont venues d’ailleurs et qui sont aujourd’hui des Français à part entière quoique toujours exposés aux discriminations. Elle sera très tôt amenée à dénoncer « l’ insupportable amalgame » entre l'immigration et l'identité nationale. La Nation telle qu’elle la conçoit ne demande pas aux gens – aux citoyens - d'où ils viennent mais où ils veulent aller ensemble.

« L’honneur de la République, la fidélité de la France à ses idéaux, c’est aussi la lucidité d’une histoire partagée, dans une France respectueuse de toutes les mémoires, et accueillante à tous les siens, nés ici ou ailleurs[144]. Ce n’est jamais quand elle oublie ses valeurs mais, au contraire, quand elle les prend au mot et reste fidèle à elle-même que la France peut aussi, au-delà de ses frontières, parler du monde et au monde. Car la Nation, pour la gauche, est indissociable d’une perspective plus large. Car nous sommes de ce pays, la France, où l’on « vota la liberté du monde » et où l’on fit une Constitution en pensant à l’univers entier. Car «c’est en donnant aux peuples l’exemple et le signal de la justice » que la France se ressemble et se rassemble ». Le 17 novembre 2006, après avoir été choisie comme candidate à l'élection présidentielle par les militants socialistes, elle prend la parole à Melle, dans les Deux Sèvres : « Regardez, dit-elle, l'histoire de France : c'est toujours quand le peuple s'y met que la France avance et bâtit un nouvel avenir ». « Car la France, dit aussi Ségolène Royal, , à Villepinte le 11 février 2007, c'est plus que la France. La France, c'est ce drôle de pays qui, comme disait André Malraux, n'est jamais aussi grand que lorsqu'il l'est pour tous les hommes. La France, ce sont des valeurs exigeantes et belles proclamées par la Révolution française. La France, ce sont des valeurs universelles qui nous obligent et que nous devons porter haut pour ne pas décevoir ceux qui ont foi en nous. L'histoire de France est une histoire vivante. C'est une histoire qui, parce qu'elle est vivante, doit continuer de parler au monde ».

La Nation, car la France doit être fière de sa République et de sa laïcité

Le 17 janvier 2007, Ségolène Royal se réfère, à Toulon à une France fière de sa République et de sa laïcité, qui ne dresse pas les Français les uns contre les autres, parce que ses valeurs correspondent aux valeurs universelles qui nous permettent de dialoguer avec le monde sans que de vieux relents de « mission civilisatrice » fassent retour dans nos mots et dans nos attitudes. « Ni amnésie, ni repentance : je veux une France capable de porter un regard apaisé et de poser des mots justes sur son histoire ». Le 6 février 2007, au meeting parisien de la Halle Carpentier, Ségolène Royal revient, une fois encore, sur l'histoire de France et l'actualité de ses valeurs. « La France, dit-elle, n'est pas la synthèse impossible de l'Ancien Régime et de la Révolution » française. (…) « Pour nous, le droit divin et la souveraineté du peuple, ce n'est pas la même chose. Le règne de l'arbitraire et celui de la loi, non plus. Le privilège s'oppose à l'égalité et le sujet au citoyen. Bien sûr, ajoute-t-elle, il y a de la continuité dans notre histoire mais c'est la rupture opérée par la Révolution qui explique encore la France d'aujourd'hui. Car la Révolution a voulu fonder une communauté de citoyens.. La nation, ce n'est pas seulement une histoire partagée et assumée : c'est le désir de faire encore de grandes choses ensemble.

… La République ne demande à personne de renier ses origines, ses racines, ses attachements, sa culture, ses croyances : elle invite chacun à s'asseoir à sa table, à égalité de droits et de devoirs. La France de demain comme celle d'hier se nommera diversité. Et son unité se forgera dans un projet partagé. La France est diverse, multiple, colorée, métissée et pourtant très française si elle sait être fidèle à ses valeurs, protectrice de tous les siens et ouverte sur le monde. Je ne la laisserai pas se défaire. Je veux une France accueillante à toutes les mémoires mais je ne veux pas que notre espace public soit le champ de rivalités mémorielles, de confrontations sous le prétexte de l'origine, de la couleur ou de la croyance. Pour vivre ensemble à égalité de droits et de devoirs, nous avons besoin de règles. La première d'entre elles, c'est la laïcité, respectueuse de la liberté de pensée, de conscience et de culte ».

Le 28 mars 2007, Ségolène Royal dans une interview à Libération souligne que la Nation a un autre nom qui est la République. « Elle n'est pas fondée sur les racines, l'ethnie… mais sur une idée. Elle est une idée et c'est qui la distingue de ce qu'en ont fait nos adversaires ». Partisane d'une France ouverte au monde, internationaliste et généreuse, Européenne résolue, elle considère que l’affirmation de la Nation est éminemment compatible avec l'internationalisme de gauche. Elle estime simplement nécessaire de «réassurer », « consolider » l'identité nationale au moment où les Français s'inquiètent de la dilution de la Nation dans la mondialisation. Et de noter que Jaurès lui-même a réconcilié l'idée de Nation et celle d'internationalisme , au point, d'ailleurs, d'en mourir. Pour elle, la Nation n'est pas incompatible avec l'ouverture ni du point de vue local et régional ni du point de vue du fait européen. Elle insiste sur le caractère crucial de cet enjeu dans un moment où l'on observe une confusion des valeurs.

b) Reconquérir les symboles de la Nation

La Marseillaise : Le 17 janvier 2007, à Toulon, Ségolène Royal évoque la liberté, l'égalité et la fraternité malmenées par ces inégalités qui défont la France en planètes de plus en plus étrangères les unes aux autres. Elle rappelle aussi la mémoire du bataillon de Provence qui, en 1792, se porta au secours de la patrie en danger : « son chant devint notre hymne et bien des peuples de par le monde s'emparèrent à leur tour de notre Marseillaise pour clamer, chacun dans sa langue, leur volonté d'émancipation ».

En mars 2007, dans un livre d’entretiens[145], Ségolène Royal re-situe le texte de la Marseillaise dans son contexte historique : «  Ce n'est pas un chant sanguinaire et xénophobe mais un hymne révolutionnaire et patriotique. C'est celui de la levée en masse, d'un peuple en armes accourant aux frontières pour protéger la France de l'invasion étrangère et défendre la République contre les troupes coalisées de l'Ancien Régime. C'est un message universel contre la tyrannie. D'autres révolutions, après la nôtre, ne s'y sont pas trompées et ont chanté La Marseillaise dans leur langue. Quand elle la chantait chaque jour avec ses élèves, avant le cours du matin et après l'étude du soir, Louise Michel en avait les larmes aux yeux. Pour elle aussi, tant de fois emprisonnée, c'était un chant de liberté et de fraternité. On ne réécrit pas à froid, simplement pour le mettre au goût du jour, un hymne qui nous rattache directement à l'épopée fondatrice de la République[146]. (…) Mais ce legs de ceux de 1789 et de Valmy mérite mieux qu'un contre-sens : que nous en assumions la transmission. Et plutôt que d'en changer les mots, que nous en fassions vivre le message.

Lors d’un meeting à Marseille, dans lequel elle fait chanter La Marseillaise, elle tient de la même façon à lever les malentendus, « c'est le chant des Républicains, … que je vous propose, ici, à Marseille, de chanter tous ensemble pour ne jamais oublier que le message universel de la France à travers le monde est plus que jamais d'actualité : la liberté, l'égalité et la fraternité.». Il s’agissait bien, déjà, de se réapproprier un chant de lutte et d'émancipation. Est en jeu la reconquête par la gauche d'un chant patriotique et porteur d'un message universel de liberté.

Le drapeau tricolore : Quelle levée de boucliers quand, en mars 2007, elle évoque  «  les autres pays (dans lesquels) on met le drapeau aux fenêtres le jour de la fête nationale » . Il ne s’est jamais agi de contraindre les Français à « avoir chez eux le drapeau tricolore » ! mais simplement de « reconquérir les symboles de la nation » ! En effet, la France est entraînée dans un sentiment décliniste, par une droite qui n’a cessé de vilipender le modèle français ; c’est là tout une tournure d’esprit que l’estime de soi : «  en bref, porter un regard neuf sur les valeurs de la Nation et ne pas se laisser entraîner dans un dévoiement de l'identité nationale » auquel se livre (…) l'UMP. « Ce sont des éléments de rassemblement. L'identité nationale, c'est d'abord tout le peuple français » »

Ariane Mnouchkine expliquait alors dans la presse[147] pourquoi, au fronton de la Cartoucherie de Vincennes, au Théâtre du Soleil, un drapeau tricolore voisinait avec la devise «Liberté- égalité-fraternité». Elle expliquait l’avoir mis en 1995, lors du mouvement des sans-papiers. « Ils avaient une telle attente de la France, celle des idéaux de la Révolution.. Nous avons aussi alors inscrit «Liberté-égalité-fraternité» sur notre façade[148]. Pour elle, le drapeau est une métaphore : « une métaphore sert à remettre de la poésie, du sentiment dans la vie quotidienne. Voyez les petits drapeaux brandis le 14 juillet. On traduit une lutte violente par un bal. C'est évidemment aussi un signe d'union, de ralliement. D'ailleurs, «réunion» est une des significations du mot symbole »[149].


2) Une Nation qui a pour nom « République »

a) L’idée républicaine, quelques éléments

L’idée républicaine, héritée de la Révolution, « n’est pas seulement l’idée de la République », écrit Vincent Peillon[150], en évoquant « l’idéalisme républicain », elle est autant une force qu’une idée. Il note que l’heure n’est plus à la « bipartition de l’histoire » ou aux comptabilités à double colonne ordonnées autour des couples libéralisme/socialisme, individu/Etat, liberté/égalité, etc … ; ainsi l’apport de la pensée républicaine - et sa modernité - est-elle de chercher à construire un dépassement de ces oppositions binaires à travers un troisième terme, une nouvelle synthèse – un liant ? – que seraient les notions d’association, d’humanité, de fraternité ou de solidarité[151]. De nombreux chercheurs travaillent aujourd’hui à ces « études républicaines » ; en est témoin la collection « Bibliothèque républicaine » qu’il dirige, aux éditions du Bord de l’eau. Joseph Macé-Scaron ; directeur-adjoint de l’hebdomadaire Marianne, résume ainsi cette démarche : « ll est urgent de dépasser les travaux de François Furet … Non, la Révolution Française ne peut se réduire à la caricature qui en a été faite. Non, elle n'est pas la matrice du totalitarisme et le tombeau du progressisme. En fait, Peillon propose non pas d'oublier la Révolution française mais, au contraire, de la mener jusqu'à son terme ». La pensée de Ségolène Royal se situe dans cet espace républicain, avant comme après les événements, incidents, etc… ayant conduit à l’ éloignement de son ancien porte-parole de la campagne de 2007.

Jean-Fabien Spitz[152] s’efforce de montrer que la conception de la République née au début du XXème siècle a entendu concilier liberté et égalité en admettant que l’État puisse intervenir, bien loin de la caricature d’un archaïsme jacobin[153] qui aurait sacrifié la liberté, première conquête de la Révolution, à l’égalité. Il s’oppose également aux analyses de François Furet qui impute à Jean-Jacques Rousseau la faute fondamentale d’avoir sacrifié la liberté de chacun à la liberté civile, liberté de tous, volonté générale, etc … . En fait François Furet considère « la société des individus » comme incompatible avec l’égalité. JF Spitz, à travers l’étude de plusieurs philosophes républicains, nous ramène à l’idée d’une compatibilité de l’individualisme avec la souveraineté de la loi. A noter le néokantien Henry Michel, qui postule la catégorie de personne comme fondement de la citoyenneté sous le vocable de l’autonomie[154].

Selon les mots de V. Peillon, c’est un républicanisme offensif qui est présenté par JF Spitz[155], notamment à travers une théorie aboutie de la liberté individuelle qui n’est pas seulement « non-interférence » mais « non-domination ». La liberté « n’est pas l’affirmation abstraite d’un droit attaché à l’individu … mais la garantie juridique et matérielle d’une possibilité de développement et d’accès à l’autonomie, donc une forme de défense contre toutes les dominations arbitraires ». L’Etat républicain est au service de l’individu et de la promotion de ses droits. Le projet républicain se définit par l’émancipation, la liberté et « non seulement le droit, mais le pouvoir donné à chacun de développer ses facultés ». L’individualisme véritable, en tant qu’émancipation de l’individu, est le but de la République, et ne peut se concevoir que grâce à une puissance publique forte [156]. Autonomie citoyenne des individus et égalité entre tous se trouvent inséparables aux yeux de l’Etat républicain. Nous revenons peu ou prou au « socialisme républicain » déjà abordé dans notre deuxième partie à travers le livre de Philippe Chanial[157]. Celui-ci voit dans « la révolution de l’association » (1848), la seconde matrice bien oubliée (après 1789, révolution des droits de l’homme) de notre modernité démocratique. Ainsi « la République des associés », célèbre les noces de la République et du socialisme[158]. Nous pouvons retrouver le socialisme de Jean Jaurès, et son « individualisme logique et complet », ancré dans l’idée républicaine.

b) Une République indivisible, laïque et sociale.

Au-delà du cercle des chercheurs et philosophes, Ségolène Royal a entrepris, seule au sein de la sphère des dirigeants politiques d’envergure nationale, la reconquête républicaine du socialisme, à travers la réappropriation ses symboles républicains, nous l’avons dit, la défense de l’émancipation individuelle, etc … Ceci s’est fait parfois malgré l’opposition ou les sarcasmes de nombreux ténors du PS ; le processus semble enclenché cependant aujourd’hui même si les réticences ne manquent pas au sein de la Direction du PS.

Catherine Kintzler, sur Rue89[159], évoquait la gauche de Jaurès, comme République démocratique en tant qu'elle est indivisible, laïque et sociale : trois caractéristiques que le PS lui semblait avoir abandonnées, et tout particulièrement « la politique du PS telle que Lionel Jospin l'a marquée » . C’est bien là que, selon nous, se situe la rupture opérée par Ségolène Royal, qui a dû pour ce faire, se dégager de la prégnance des années Jospin. C’est également le fondement de l’hostilité à l’égard de Ségolène Royal, qui a voulu entamer la refonte idéologique de la gauche . Souvenons-nous de l’extrême dureté de l’ancien premier ministre à son égard, voire les remarques méprisantes de son épouse, philosophe réputée !

La République une et indivisible - et pourquoi pas,  universelle[160] - selon les mots de Robert Badinter, n’est supposée reconnaître des citoyens qu’ « à raison des qualités qui leur sont communes et non à raison de celles qui les différencient ». Il s’agit dès lors d’opposer le «citoyen » à l’ «homme situé»[161]. Nous avons en effet hérité de la Révolution française, une conception égalitaire et universaliste du concept de citoyenneté. La division en « catégories » est antinomique à la conception républicaine de la citoyenneté. La République suppose que chacun quitte «  l’ancestrale situation de dépendance personnelle envers sa communauté, sa religion, ses maîtres ».

Pour Catherine Kinzler, la notion de "parité Jospin", même si elle est issue d'un « bon sentiment » a consisté à inscrire une différence dans la constitution au prétexte de lutter contre une inégalité, sans obtenir de résultat tangible, alors que certains pays ont obtenu les résultats escomptés (avoir des élus à peu près également répartis entre hommes et femmes) « en frappant les partis au portefeuille sans prendre le risque de sacraliser une différence ».

Même si nous sommes heureux aujourd’hui de voir des listes de candidats et de candidates parfaitement alternés, il est difficile de ne pas admettre qu’en matière de représentation politique, faire produire des conséquences juridiques à des différences biologiques revient à emprunter une « fausse route », selon l’expression d’Elisabeth Badinter. Bien évidemment, être égaux ne revient pas à être identiques. La citoyenneté ne rejette pas la différence, la diversité ou la pluralité – elle les accueille pour les transcender  en affirmant l’unité de l’espèce humaine.

Même si, à l’époque l’argument fut de considérer les femmes non comme une catégorie, mais comme la reconnaissance de la dualité des sexes dans l’universel républicain, je pense pour ma part à propos de la parité qu’il eût été important de ne pas considérer les femmes dans leur différence naturelle, mais comme subissant des discriminations. C’est le sens que, en 1999, voulait accorder Mme Evelyne Pisier à une modification de l’article 4 de la Constitution qui eût responsabilisé les partis aussi en matière de lutte contre la xénophobie. C’est peut-être là une divergence d’appréciation que j’aurai (rétrospectivement) avec Ségolène Royal ; j’admettrai toutefois que la rédaction finalement choisie à l’occasion de la réforme «constitutionnelle : « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » est le fruit d’un compromis qui laisse encore les choses ouvertes : seul le choix final du verbe « favoriser », qualifié de peu « engageant » par Mme Guigou, accolé au terme « égal accès » limite la remise en cause de l’universalisme.

Je pense néanmoins que le combat pour l’égalité que mène Ségolène Royal a pris acte de la grande erreur de Lionel Jospin : la confusion entre le « sociétal » et le «social », qui obscurcit le bilan de la réforme. C’est sur un contexte social peu favorable à l’accès des femmes aux responsabilités politiques qu’il eût fallu agir. Ce qui nous permet de faire le lien avec la République laïque. Pendant la campagne de 2007 , Ségolène Royal a fait à propos des femmes un discours fort remarqué : « femmes violées, femmes mutilées, femmes excisées, femmes violées, femmes infériorisées, femmes écrasées, inégalités salariales, violences faites aux femmes, mariages forcés, inégalités dans la formation professionnelle, inégalités dans l’emploi. Mon combat pour la laïcité et pour l’égalité, c’est pour vous ! » . Je pense que combattre l’universalisme, « dont l’abstraction même recèle un potentiel indispensable [162]» est un faux combat, plus précisément un combat qui se trompe de cible.Le lien avec la République sociale évoquée par Catherine Kintzler apparaît ici également : à travers, encore une fois, le renoncement à s’attaquer à la racine des inégalités (sociales) et aux discriminations ! Dès lors que l’on met en avant le fait que « la « doctrine de la citoyenneté … n’a dit mot de la nature humaine et de ses normes »[163], la remise en cause de la notion abstraite de citoyenneté porte en elle-même les germes de la représentation des seuls intérêts et en filigrane le risque de différentialisme. C’est ici que se greffe en outre la perméabilité aux théories telles que le « care » qui ont pour fondement le féminisme différentialiste américain, sans parler des créneaux horaires réservés aux femmes dans les piscines ! La République doit rester un rempart contre un « essentialisme » mâtiné de relativisme culturel, dont les femmes sont les premières victimes.

 

- A propos de la République laïque, Catherine Kintzler met en évidence la « légitimation (en 1989) du port du voile islamique (et donc de tout signe religieux) à l'école publique par le ministre de l'éducation de l'époque L. Jospin » ! Le débat public en aura été biaisé pour de nombreuses années.

- Quant à la République sociale, « alors là, les exemples d'abandon sont légion. », nous dit-elle. « Sans relever des exemples particuliers comme celui de Wilworde (qui est devenu un classique à droite pour justifier les délocalisations), je m'en tiendrai au nombre de privatisations effectuées par une certaine "gauche" au pouvoir, à la bénédiction d'une politique néo-libérale qui s'est poursuivie ensuite … » . Elle ajoute « l’abandon, la ghettoïsation qui fait de certains lieux des "zones de non-droit" n'ont pas été seulement le fait de la droite... ». Elle appelle ainsi à « une urgente réurbanisation de ce qu'on appelle "les quartiers" - de façon à « en priorité rétablir et multiplier les services publics en les renforçant dans ces "quartiers" qui sont abandonnés par l'Etat … »

3) Quelques mots sur la laïcité

a) Le principe de laïcité indissociable de l’égalité et la fraternité républicaines

Nous reprenons ici l’analyse de Jean-Marie Kintzler, lequel propose une analyse des différences entre démocratie communautaire et République laïque[164]. Tout comme la démocratie communautaire, nous rappelle-t--il, la République laïque a résolument tourné le dos à l'État totalitaire … comme elle, la République laïque pratique la séparation des pouvoirs, les mandats électifs, etc… Elle veille à la constitution d'un espace critique en garantissant les multiples libertés démocratiques ; bref, comme la démocratie communautaire, elle est Etat de droit (ceci pour éviter d’opposer démocratie et République ! ).

Mais la république laïque se caractérise par une seconde rupture, la rupture avec le théologico-politique. Alors que la démocratie communautaire conserve la consubstantialité entre lien religieux et lien politique, la république laïque les distingue - en séparant les Églises et l'État. La loi de 1905, modèle – fondamentalement- notre République. Pour JM Kinztler, la démocratie communautaire est fille d'une seule révolution - la révolution démocratique - qui donne naissance à l'État de droit ; La République laïque ajoute une seconde révolution, la révolution laïque proprement dite. Le principe de laïcité va bien plus loin que le simple principe de tolérance. Elle n’est pas simplement exigence de neutralité entre les religions, ajouterions-nous. C’est ce que voudraient en faire aujourd’hui les boute-feu appelant à « moderniser », « actualiser », notre conception de la laïcité. Il s’agirait tout simplement d’un changement de régime ! C’est ainsi que par l’artifice de la laïcité « positive », Nicolas Sarkozy entendait s’en tenir à la seule démocratie communautaire.

La révolution laïque a un second effet : si la démocratie communautaire, parce qu'elle institue les libertés civiles et juridiques, permet le développement de la société sous l'arbitrage de l'État, , le principe de laïcité a, pour JM Kintzler , un effet mécanique : la constitution d’un troisième pilier  (tout en conservant la dualité État / société civile), le corps politique. La séparation du lien politique et du lien religieux a pour effet de rejeter ce dernier vers la société civile. Le lien politique unit les citoyens en un seul corps, le corps politique ou corps du souverain[165].

Il conclut sur la devise de notre République : « Liberté - Égalité - Fraternité ». Les libertés publiques ne sont pas l'apanage de la seule république laïque. Au-delà de leurs régions, de leurs liens communautaires, de leurs ethnies et de leurs diverses appartenances, tous les citoyens français font partie d'un même corps politique. Parce qu'il transcende la société civile, ce corps politique suscite une passion pour l'égalité. Et cette passion pour l'égalité suscite à son tour une passion pour un service public égal à la fois en qualité et en extension. Le principe de laïcité est donc consusbstantiel à cet intérêt et cette passion pour toutes les formes de solidarité républicaine. Ainsi, le développement de la fraternité et de l'égalité républicaines au travers du développement des services publics est une des spécificités de la République française.

La laïcité a permis à la République de se constituer en un régime spécifique et original, patiemment, et parfois convulsivement , construit. Elle n’est pas la négation de l’aspiration humaine à l’absolu [166]. V.Peillon se référait en 2008[167], plus qu’à une religion de la Révolution (Michelet) , à une « République humanitaire » qui « doit reposer sur une foi commune en l’humanité de chaque personne, par delà toutes les différences, créant une véritable « religion de l’humanité » opposée aux religions d’autorité et aux dogmes ». Ceci n’est pas sans rappeler la philosophie de Kant qui montre la tension entre l’individualité et l’humanité[168]. La religion de l’humanité «  est une religion pour l’humanité toute entière dans le respect de tous ses individus, elle conjugue universalité et différence ». Mettre à bas la religion de l’individu  est facteur de désordre (dissolution sociale). Elle est ce qui nous demeure commun. En défendant l’individu, ce n’est pas l’individu que l’on défend , mais la Nation[169]. Où l’on voit qu’il existe une conception républicaine de l’ordre et de la nation ! En fait, le « républicanisme » estime que la nation permet l’individualité, et vice-versa. Quoi qu’il en soit, nous rejoignons à nouveau ici la notion de fraternité républicaine énoncée dans notre devise.

b) Promouvoir tous les « registres d'émancipation »[170]

Pour Henri Pena-Ruiz, la laïcité, (du grec laos, "peuple"), «est la présence à soi de la totalité du peuple[171]". La république laïque est faite pour le peuple tout entier. « La laïcité permet de concilier la diversité des croyances et des patrimoines culturels avec l'égalité des droits … . Et l'ouverture à l'universel est préservée par l'espace civique ». Pour lui, la laïcité est cette force d'âme fraternelle où se transcendent les «différences». Liberté, égalité et fraternité trouvent en elle leur sens plein et    généreux , loin des identités exclusives. En fait, la laïcité permet également la jonction avec la république sociale ; Nous revenons dès lors à Jean Jaurès qui voyait dans le socialisme républicain une exigence de « spiritualité réelle et concrète » : la justice permettant la liberté de la personne, la question religieuse ne se peut résoudre sans la question sociale .

Henri Pena- Ruiz dans son livre Dieu et Marianne, n’apprécie guère un retour du cléricalisme qui se dissimulerait derrière une « quête de sens ». Conscient cependant que les peuples ont besoin de symboles pour se réunir, il est favorable au fait de chanter La Marseillaise, au lever des couleurs nationales et souhaite ranimer le souvenir des grands « ancêtres » pour mettre « l’Humanité en mémoire ». Il plaide en faveur de l’autonomie intellectuelle et éthique d’un citoyen résistant aux sirènes de l’argent. Nous pensons à la laïcité intériorisée, à la République intérieure de Claude Nicolet . « La laïcité républicaine est donc bien à la fois une institution collective … et une conquête de soi sur soi-même. C’est à ce prix qu’on est républicain »[172]. « Le respect de soi-même peut seul enseigner le respect des autres ».

Ségolène Royal avait signé, le 14 février 2008, "l'Appel pour une vigilance républicaine" lancé par l'hebdomadaire Marianne, Lors d’un débat organisé par Marianne sur le thème « La laïcité à la française est-elle en danger ? », à Rennes en 2008, elle avait évoqué la situation délicate des agents de la fonction publique dans ce domaine et plus particulièrement des situations « inadmissibles » dans les hôpitaux, où certains hommes, invoquant des motifs religieux, refusent que leurs épouses soient soignées par des hommes. De même les piscines municipales où des horaires sont aménagés pour éviter la mixité : « Quand il y a des horaires aménagés dans les piscines, ça ne doit jamais être pour des critères religieux, a martelé Ségolène Royal en dénonçant les municipalités […] y compris socialistes, qui ont cédé. » A Lille ou à Sarcelles, ajouterons-nous ! En 2002, Martine Aubry avait expliqué à « Maire info », le quotidien d'informations en ligne destiné aux élus locaux, que ces horaires aménagés (je dirais « réservés » aux femmes ) donnait «l'occasion pour certaines d'entre elles de s'émanciper». Ces femmes ont besoin d'un lieu pour se retrouver, pour discuter, avait-elle argué. «Faisons un petit détour (de nos principes républicains) pour que ces femmes gagnent et acquièrent leur émancipation[173]!

Ah, le merveilleux petit détour ! Je reviens ici au texte d’Henri Pena-Ruiz, paru dans le Monde en février 2010[174] : Dans le contexte actuel d'une crise dont les milieux populaires sont les seuls à faire les frais, une solidarité de résistance peut se construire. Elle doit s'attaquer à tous les types d'aliénation, qui d'ailleurs vont de pair, et promouvoir tous les registres d'émancipation. L'émancipation sociale et économique, par la justice sociale, n'est pas opposable à l'émancipation laïque, précieuse pour l'émancipation des femmes comme pour l'instruction publique aujourd'hui menacée de privatisation. Et de noter qu’ il serait erroné de considérer l'aliénation économique comme la seule qui compte et, partant, la seule qui doive être combattue. Il rappelle que Jaurès militait pour une République à la fois laïque et sociale : il refusait, à juste titre, de disjoindre les deux exigences, leviers complémentaires d'émancipation. L'idéologie que nous combattons, dit-il, substitue la charité à la justice sociale, et cherche à rétablir les privilèges publics de la religion.C’est pourquoi, dans le discours de Ségolène Royal que nous reproduisions précédemment, le combat pour la laïcité qu’elle invoquait, recouvrait tant la question des femmes voilées que celle de la lutte contre les inégalités.

Il est clair qu’aujourd’hui Nicolas Sarkozy utilise ces questions comme instrument de diversion ou « tapage électoraliste » qui ne règle pas même correctement la question , dirait Ségolène Royal. Nous avons indiqué dès le début de cette partie que Nicolas Sarkozy (et Eric Besson) manipulaient parfaitement les concepts ( de Nation, de peuple, de république) et qu’il nous fallait surtout combattre ce jeu d’ appropriation intéressée, malmenant les principes républicains dans des actes anti-républicains. Ainsi, écrivait Jean-François Kahn[175] : « ll suffi(sait) d’une décision … en arguant d’un principe de sécurité publique : pas de visage masqué ! (…pour… ) interdire – au sens d’effectivement empêcher - le port de la burqa dans l’espace public. Alors, pourquoi Nicolas Sarkozy n’a-t-il pas pris cette décision ? Tout simplement pour le plaisir de créer un trouble public et de l’instrumentaliser politiquement. ». Henri Pena-Ruiz rappelait pour sa part que le détournement d’une cause juste ( vers un nationalisme d'exclusion qui joue un rôle évident de diversion par rapport à la gravité humaine et sociale de la crise en cours )[176] n’invalide pas la cause en question. Il appelait donc à contrer cette tentative de diversion, et mener le combat laïque en termes justes, aux antipodes d'une territorialisation nationaliste[177].

Tel est le sens de cette lutte de la république laïque et sociale : combattre contre l’ensemble des aliénations et pour toutes les formes d’émancipation . La fraternité est ce « liant » qui fait que l’émancipation de chacun devient l’intérêt général. En elle se trouve la capacité de transcendance de la République[178].

C) Fraternité

1) Utopie, exigence morale et droits de l’individu

Au printemps 1848, dans presque toute l'Europe, les peuples se révoltent contre les monarchies[179]. Les premières mesures de la Deuxième République s’inspirent de la Révolution de 1789, mais cherchent à aller plus loin. La liberté individuelle devient un droit pour tous : rétablissement de la liberté de réunion et de la presse, abolition de l’esclavage – tous les habitants des colonies devenant des citoyens français à part entière. Le décret relatif à l’abolition de l’esclavage dans les colonies et possessions françaises du 27 avril 1848, préparé par Victor Schoelcher, membre du gouvernement provisoire, proclame que " l'esclavage est un attentat contre la dignité humaine ; [...] qu'il est une violation flagrante du dogme républicain : « Liberté, Égalité, Fraternité ».

 

Le principe d’égalité politique fait, quant à lui, un grand pas en avant avec l’instauration du suffrage universel [180]. La Deuxième République a le souci de créer une démocratie sociale et de militer pour l’avènement d’une fraternité universelle. L’esprit nouveau qui souffle permet en effet l'adoption d'importantes réformes[181] telles que la scolarisation obligatoire jusqu’à 14 ans, la création des ateliers nationaux destinés à offrir des emplois aux chômeurs, abaissement de la durée quotidienne du travail des ouvriers à 11 heures (10 heures à Paris).

Cependant, «  La Deuxième République n’a été la république du peuple que durant le court printemps de l’année 1848 » [182] . La répression sanglante de juin « consomme l’échec du socialisme fraternitaire et même républicain [183]». La Révolution de 1848 a fait depuis l’objet d’une critique marxiste virulente : « pour le prolétariat, « la moindre amélioration de son sort reste une utopie au sein de la République bourgeoise ». Aucune prise sur le réel sans lutte des classes et adieu socialisme fraternitaire, dénué de tout sens historique ! On peut dire même que c’est notamment la prégnance du marxisme qui longtemps amènera à ne plus accorder de crédit aux auteurs du « socialisme républicain ». La fraternité n’est plus vue que comme « naïveté romantique » ou « réminiscence catholique [184]».

C’est ici que nous retrouvons la thèse de Philippe Chanial, qui occupa une large place dans notre deuxième partie. On verra également que la « fraternité » traverse l’ensemble de ces pages, à des titres différents, puisque nous avions en première partie abordé la « fraternité » comme l’ « agir ensemble », selon les termes de Régis Debray. « Ne serions-nous donc que les fils et les filles de 1789 ? L’hypothèse que nous proposons est tout autre . Si 1789 fut la révolution des droits de l’homme, première matrice de l’invention démocratique moderne, suggérons que 1848 fut la révolution de l’association, seconde matrice, oubliée, de notre modernité démocratique[185] ». Ainsi, 1848 serait le moment de rencontre, de réconciliation et de synthèse entre l’esprit démocratique et républicain et l’esprit associationiste[186]. Des associations ouvrières aux syndicats jusqu’aux lois sociales, c’est là la réalité d’une république dans laquelle la justice sociale naît de la coopération de tous[187]. Dès lors, du socialisme ce sont les fins qu’il faut retenir et de l’individualisme les moyens[188].

Autant l’affaire Dreyfus, pour J.F. Spitz[189], cristallise-t-elle « le moment républicain », autant cette assertion peut-elle être étendue à la « République fraternelle »[190] qui[191] « construit l’articulation de la liberté et de l’égalité à partir d’une exigence morale qu’elle prétend, par l’éducation, la réflexion, l’action, inscrire au fondement même du politique et au cœur de la cité. C’est ce qui a sauvé Dreyfus, la Justice, et au passage l’honneur de la France », note V. Peillon. En effet, au moment de l’affaire Dreyfus, les droits de l’individu sont devenus la question centrale. La fraternité permet de mettre en exergue les droits de l’individu à une époque où la droite défend le collectif entendu comme Etat, patrie, armée et où la gauche défend l’individu[192].

La solidarité est souvent confondue ou tout simplement plus facilement appréhendable que la fraternité. Vient dès lors la question « République solidaire ou république fraternelle »[193] ? L’une ne peut pas et ne doit pas être substituée à l’autre. Selon Ferdinand Buisson, l’idée que l’individu puisse devoir quelque chose à la société, comme l’a formulé Léon Bourgeois [194] , serait une « régression en deçà de l’idéal républicain ». En effet, « si la fraternité vaut mieux que la solidarité, c’est que cette dernière relève d’une dette à l’égard de la société, qu’il revient à la société d’estimer, alors que la fraternité renvoie à un devoir librement reconnu , à une obligation que reconnaît l’individu par lui-même et de lui-même [195]». Dire qu’il ne faut accepter que la solidarité fondée sur « l’accord volontaire des volontés personnelles »., présente celle-ci comme une composante de la fraternité, laquelle permet la pleine réalisation de la liberté e t de l’égalité.

2) Utopie et action fraternelles

FRATERNITE ! Liberté, égalité, fraternité : « Les trois marches du perron suprême » disait Victor Hugo. Il ne s’agit pas que d’un mot. La fraternité était plutôt le parent pauvre de notre devise républicaine. Naïveté, irréalisme ou religiosité surfaite, nous dira-t-on ! Ségolène Royal a compris qu’il fallait revivifier nos principes républicains et sans doute trouver un nouvel angle d’attaque. On trouve couramment exprimée l’idée selon laquelle faire prédominer la liberté sur l’égalité, engendre l’injustice sociale. Et inversement, faire prédominer l’égalité sur la liberté engendrerait des tendances oppressives. L’idée dominante est de parvenir à l’équilibre entre ces 2 principes, avec des appréciations différentes et des dosages modulables en fonction des politiques préconisées , des textes considérés, etc … C’est notamment l’oeuvre du Conseil constitutionnel de veiller au respect de nos principes fondamentaux et de garantir la nécessaire conciliation entre les différents principes et objectifs. La fraternité peut être l’élément conciliateur - de jonction - qui fait défaut, si l’on parvient à dépasser son caractère flou souvent décrié. Elle permet en fait « l’articulation » de ces deux tendances, nous l’avons dit.

Plus largement, il faut se référer à la classification assez généralement admise des droits de l’homme : les droits de la première génération sont les droits civils et politiques, la deuxième génération recouvrant les droits économiques et sociaux ; la troisième génération serait celle des droits de solidarité, répondant à l’idéal de fraternité (ainsi, le « droit à l’environnement »). La fraternité pourrait-elle dès lors (cf. l’ouvrage de Jacques Attali[196] ) être l’utopie de notre XXIème siècle ? Une utopie (du grec u-topos, qui n’existe en aucun lieu) étant toujours un idéal à poursuivre et une réalité à construire - l’objectif est bien de construire une société juste et fraternelle. La distinction avec la solidarité est fondamentale, celle-ci pouvant vraisemblablement être comprise comme un outil de concrétisation. Ségolène Royal a choisi cette voie, en tant que politique : il s’agit pour elle d’en faire un principe d’action.

 

Ségolène Royal a été présentée par la propagande gouvernementale ( et aussi par certains de ses « amis » socialistes ) comme peu compétente, légère conceptuellement. Cela est faux. Le discours du Zénith ne se limite pas à un mot. Ainsi, la première université populaire et participative a eu lieu sur le thème de la fraternité, autour de Régis Debray et a eu un vif succès. Il fut l'invité d'honneur de l'Assemblée générale de Désirs d'avenir en Mars 2009. «  Comment, au royaume morcelé du moi-je, retrouver le sens et la force du nous, un nous durable faisant toujours référence à une sacralité, séculière ou révélée ? » s’interroge-t-il dans son livre, Le Moment fraternité[197]. Il cherche à dégager les voies d'accès à une fraternité sans phrases - qui peut-être serait une fraternité « en action »  ? – « un labeur de chaque jour, dans la conviction que l'économie seule ne fera jamais une société ». Assistons- nous à l'émergence d'une socialité postmoderne avec le retour de termes tel que celui de «fraternité» ?

Jean Daniel écrit notamment que quand il ouvre le livre de Régis Debray sur la fraternité, c'est un thème camusien qu’il y trouve. Il se trouve que Régis Debray a remercié Ségolène Royal (Assemblée générale désirs d’avenir , 28 mars 2009) pour avoir remis au goût du jour le mot « fraternité »[198] ! Régis Debray insiste sur le fait que les trois notions de liberté, d’égalité et de fraternité doivent se pondérer l’une l’autre pour faire « République » ! Et d’ajouter : « Ceux qui pouffent en entendant le mot fraternité, ceux qui pensent que la fraternité relève seulement des bons sentiments, ceux qui raillent la posture mystique quand ils entendent le mot fraternité, se croient des réalistes, des gens sérieux, mais oublient que la fraternité , c’est l’irréalisme même, autrement dit, les phraseurs , ce sont eux … » . Pour Régis Debray, la fraternité est le remède à la «  fratrie étouffoir, consanguine, » non choisie , et « il y a fraternité à partir du moment où on se donne une famille élective, adoptive,  qui est une famille « transnaturée » sans que l’une soit exclusive de l’autreOr cette «  fraternité élective », fondée sur des valeurs partagées, qui fait que « l’on s’élève au-dessus des pesanteurs généalogiques », « cette fraternité politique » serait un idéal, je dirais une utopie ; Debray évoque un imaginaire qui nous dépasse et qui ferait que l’on se rassemble ( en vue de sa réalisation, ajouterais-je pour ma part).

Ségolène Royal s’appuie sur des travaux divers en vue de bâtir tout un appareil conceptuel, soubassement de son programme. Le lien avec la pensée de Camus apparaît clairement ici. Voyons-y un atout. Ce lien est étayé, solide. La gauche, en effet, a besoin de références nouvelles. Ne laissons pas Camus à Nicolas Sarkozy qui ose se prétendre anti-conformiste, quand il est le dernier avatar d’une droite décomplexée  ! Camus était un homme et un « penseur libre », non « inféodé ». La gauche des années 2010 doit retrouver cette liberté, au delà des carcans et des ricanements. Dès lors, au-delà des positions idéologiques, et de visions très diverses de Camus, pouvons-nous déceler une réelle continuité : l’idée d’une nécessaire humanisation de la politique et de la vie sociale. La liberté et l’égalité se trouvent grandies de la référence à la fraternité.   L’humanité au coeur de la « République fraternelle », comme substrat.

 

On a pu évoquer à propos d’Edgar Morin le « courage de l’intelligence fraternelle » . Lorsque Nicolas Sarkozy reprend le terme de « politique de civilisation », il en fait un slogan, vide, l’étendard de sa suffisance et de sa politique de communication, fidèle à sa constante : une « ouverture » qui rime avec « vampirisation » ! L’Institut international de recherche, politique de civilisation que préside Edgar Morin est installé à Poitiers et soutenu activement par la Région Poitou-Charentes. Ségolène Royal et Edgar Morin ont présenté l'Université Européenne Internationale d’Eté de Poitiers 2009 qui s’est tenue autour de la thématique «Sept défis pour une politique de civilisation» . L’Université internationale annuelle de septembre 2010 propose, comme thème de discussion (  sous le titre général « Au-delà du développement IV » ) : « Changer de voie » ; ceci à partir de cinq « défis » : défi  politique, pour une politique de l’humanité ; défi  éthique, relations éthique / politique ; défi  écologique : eau, biodiversité ; défi de la pensée : penser autrement, pensées d’ailleurs ; défi de la connaissance, de la complexité.

Edgar Morin, dans un article du Monde du 23 mai 2010[199], notait que « face à la récession et à la régression en Europe, il est urgent d’inventer « une nouvelle voie » pour l’émancipation politique. La voie qui aujourd’hui semble indépassable peut être dépassée. La voie nouvelle conduirait à une métamorphose de l’humanité : l’accession à une société-monde de type absolument nouveau. Elle permettrait d’associer la progressivité du réformisme et la radicalité de la révolution. Rien n’a apparemment commencé. Mais dans tous lieux,pays et continents, y compris en France, il y a multiplicité d’initiatives de tous ordres[200]. Elles méritent d’être connues et que leur conjonction permette d’entrevoir les voies réformatrices ».Ségolène Royal propose ce type d’initiatives, et tente de décliner la fraternité en action.

Le 19 Septembre 2009, à Montpellier, elle renchérit, lors de la Fête de la Fraternité : « Oui, ce qui compte, c'est la constance, et le chemin dans lequel nous avançons. Ce qui compte, c'est notre fraternité, qui est plus grande que nous et qui va encore nous faire grandir et donner envie de nous rejoindre ! (… ) J'y vois là une clé essentielle pour permettre une nouvelle conscience mondiale, ce nouveau siècle citoyen. La fraternité, c'est ce sentiment qui dépasse toutes les différences pour nous permettre de vivre ensemble. Dans un monde frappé par une crise morale sans précédent, un pessimisme latent, un « aquoibonisme » quotidien, tant la vie est difficile, tant l'horizon semble bouché, tant les rapports familiaux, sociaux, se dégradent, dans un monde au cœur glacé, où l'individualisme est la seule réponse que l'on peut trouver pour se protéger des coups qui pleuvent, liés à une politique injuste qui accorde tout à ceux qui ont tout et n'accorde rien à ceux qui n'ont déjà pas grand-chose. Liés aussi à une dégradation du lien républicain... dans ce monde qui ressemble de plus en plus à une jungle, où la loi du plus fort remplace peu a peu le progrès social, oui dans ce monde qui s'empoisonne, la fraternité doit agir comme un puissant contre-poison » .

En résumé, la fraternité peut englober nombre de concepts comme la solidarité – ainsi Jean Daniel (Débats de l’Obs)  trouve-t-il pour sa part dans la fraternité, les notions de solidarité et de responsabilité et donc de protection du groupe. Elle peut encore englober le fameux « care » , la sollicitude transférée à l’échelle politique et universelle, ou encore ce qu’Edgar Morin appelle une sorte de «conception néoconfucéenne », visant à promouvoir ( à l échelle du recrutement dans les carrières d’administration publique et les professions comportant une mission civique (enseignants, médecins) … « les valeurs morales (…) , les aptitudes à la «bienveillance » (attention à autrui), à la compassion  mais aussi le «  dévouement au bien public » et le «  souci de justice et d’équité ». Pour Jacques Attali[201] , la fraternité est un « altruisme universel qui s’adresse à l’autre et à tous les autres ». Pour lui, la fraternité réconcilie liberté et égalité, et mieux, alors que ces trois utopies ne sont pas compatibles deux à deux, chacune rend les deux autres compatibles. En bref, la fraternité est un principe suffisamment riche pour faire la jonction entre républicanisme, humanisme et participation civique.

 

Pouvons-nous voir la fraternité et la participation civique engendrer l’authentique identité des individus ? Ce républicanisme humaniste civique [202] verrait dans la participation un activateur ou un catalyseur anthropologique – sans lequel il y aurait non seulement déni des libertés mais également atrophie de la réalité humaine. Il s’agit bien de bâtir un socialisme du XXIè.s, socialisme républicain, centré sur l’humanisme et la transformation sociale.

CONCLUSION :

Les trois grands axes que nous avons proposés ne sont pas trois directions que le promeneur, hésitant à un carrefour, pourrait suivre, l’une ou l’autre, l’une sans l’autre, ou même, l’une après l’autre. Il s’agit de trois axes qui forment le coeur même d’une démarche, qui en sont la substance et le fondement. Ces trois axes sont indissociables l’un de l’autre, ils ne s’envisagent que simultanément, et consubstantiellement.

La justice sociale, centrale dans notre triptyque, socle et garantie même de l’égalité, ne peut plus se concevoir dans la verticalité politique. Le fonctionnement ancien des partis n’est plus viable face à des citoyens qui aspirent au respect. La désaffection des catégories populaires vis-à-vis de l’action politique, voire le vote extrême, la méfiance face à des élites jugées accaparantes, mues par l’intérêt personnel et électoral ne peut plus se satisfaire d’appels à la justice sociale aussitôt balayés. C’est pourquoi les mesures de protection sociale doivent être menées corrélativement aux tentatives de redonner la parole à tous, et à la volonté de chacun de la prendre. Cette volonté ne peut exister que dans la certitude que sa parole sera entendue. La citoyenneté, essence de la démocratie participative, peut être étendue à la citoyenneté économique et à la démocratie sociale  ; l’individu trouvant en outre son émancipation - et sa pleine réalisation - dans une République indivisible, laïque et sociale. La promotion de la fraternité en 1848 exprimait les aspirations fragiles d’universalité sociale. Or, la fraternité, comprise comme facteur d’accomplissement de l’individu à travers la liberté et l’égalité, peut être érigée en moteur de recomposition sociale, humaine et politique. Elle est aujourd’hui en mesure de redonner vie à ces aspirations.

La période de crise que nous vivons, la montée des précarités, du chômage, face aux scandales d’un capitalisme financier outrancier, une société qui fonctionne de plus en plus en réseaux, la montée des privilèges que l’on croyait abolis, nous amène plutôt en 1788, en situation pré- révolutionnaire ! Que l’on ne se méprenne pas : il ne s’agit pas d’être tourné vers le passé, il s’agit précisément de se tourner vers l’avenir. Vers un nouvel avenir, car il s’agit de reconstruire et de refonder. Afin que le citoyen soit maître de son propre avenir. Or, aujourd’hui, même à gauche, on propose trop souvent un simple « replâtrage » ; tout est prétexte pour poursuivre dans la même voie, sauver un système moribond, fût-ce au prix d’un déni de réalité, jusqu’au prochain soubresaut. Nous pensons que Ségolène Royal est porteuse d’une nouvelle vision politique ; alors, oui, il s’agit d’un idéal politique, qui peut porter un autre nom que « ségolénisme », peu importe, mais d’un idéal qui a une substance propre. L’enjeu en effet est de repenser le socialisme lui-même, de ne plus se satisfaire de la gestion du pire !

Cet idéal a en fait une force et une portée insoupçonnées : à tel point qu’aujourd’hui, au PS, la règle semble de « faire du ségolénisme, sans Ségolène » ! Où l’on voit que les appétits de pouvoir ne s’embarrassent pas de convictions ! On ne s’appesantira pas sur la taxe carbone et le suivisme qui émergea alors, ni, au mieux, sur la reprise de toute une thématique. On rappellera en revanche le mépris et les ricanements après la fête de la fraternité de 2008, puis les vœux 2010 du Président de la République évoquant « le beau mot de fraternité » ou Martine Aubry souhaitant « une France plus fraternelle » ! Les exemples ne manquent pas, nous en avons dénombré plusieurs au fil de ces pages. Il n’est pas sot dès lors d’oser avancer le mot de politique avant-gardiste.

L’idéal politique que nous défendons est d’autant plus décrié qu’il appelle à une nouvelle abolition des privilèges ; il est dès lors vécu comme violent, quand c’est la société que nous combattons qui est d’une violence inouïe. La peur et la colère sont deux sentiments aujourd’hui répandus. Les politiques actuellement menées ont pour seul impératif de contenir la seconde. Au PS même, l’horizon n’est guère plus ouvert et répugne à ouvrir les portes et les fenêtres autrement qu’en mots (de peur sans doute d’être emportés par le vent mauvais ! ). Voilà pourquoi Ségolène Royal n’ a cessé de faire l’objet d’attaques personnelles, confinant souvent aux accusations de sorcellerie (folie, ésotérisme, etc … ) ! Je ne crois à aucune théorie du complot, plutôt à une sorte de panurgisme, qui ferait que l’on croit la même chose au même moment, un panurgisme rassurant pour qui ne veut pas se remettre en question, une sorte de logique des foules médiatiques et bien-pensantes, qui ne supporte pas les voix dissonantes. Et Ségolène Royal est une voix dissonante. Quand l’on voudrait des êtres malléables. Elle n’en est pas. Nous n’en sommes pas.

Difficilement classable, libre idéologiquement et intellectuellement, alors que l’on attend que chacun reste à sa place et soit facilement étiquetable. Capable de dénoncer la mondialisation ultra-libérale et de ne pas être hostile à l’initiative individuelle, capable d’incarner le volontarisme politique et de promouvoir tant la parole citoyenne que sa réelle prise en compte. Renouer avec les aspirations populaires, mettre en oeuvre des pratiques nouvelles, etc … Coupable cependant de faire preuve de principes intangibles. Ah, envisager seulement de tout repenser ! Et lutter pour que chacun maîtrise sa propre vie. Et proposer au tout-un-chacun de se réapproprier son rapport au politique … Quel crime de lèse-majesté  ! Et surtout, proposer de relier les deux bouts de la chaîne : renouer avec un socialisme idéaliste, humaniste et républicain, et le mettre en œuvre par des projets concrets, solides et étayés, économiquement viables et socialement justes, recourir à une nouvelle pratique politique dans laquelle il n’y a ni petit projet, ni sujet insignifiant, dans laquelle l’utopie ne s’oppose pas à la « politique par la preuve » ; proposer, en bref, un socialisme humaniste qui retrouverait le peuple ; ne serait-ce pas là en fait un socialisme alternatif , un socialisme d’avenir pour le XXIème siècle ?

 

[1] - Stéphane Alliès, Jury citoyen, budget participatif : Ségolène Royal au pays de la «démo-part» Médiapart.fr, 11 mars 2010

[2] - « référence à LA référence en matière d’invention de procédés démocratiques innovants », Stéphane Alliès, dans le m^me article

[3] - Marianne.fr, 6 mars 2010

[4] -ibid, extraits ci-après

[5] «  repenser la notion d’institution, c’est pratiquement, non pas une révolution, mais un retour à une réflexion qui a été ravagée par ce qui est arrivée en Europe au XXe siècle. La Shoah permet de mesurer que la question de la balance entre limité et illimité, la question de « qui décide, qui détermine les règles » est de nouveau posée. Si c’est « n’importe qui », pourquoi pas Hitler ? Si ce n’est pas « n’importe qui », le premier axiome devrait être « cela ne doit pas être Hitler ».

[6] - selon lui, « Ce que l’on appelle l’expertise de manière générale, que ce soit l’expertise économique, l’expertise médicale, l’expertise en matière d’environnement etc., est toujours fondée en dernier ressort sur un calcul de probabilité »

[7] - Ségolène Royal, le 18 janvier 2010 (séance du conseil régional) : « Nous avons pris l'engagement, comme nous l'avons fait précédemment, d'examiner chacune de vos remarques et de vos recommandations : celles que nous retenons et celles que nous ne retenons pas, puisque au bout du compte … c'est la démocratie représentative qui prend la décision après l'expertise des spécialistes, ou l'expertise citoyenne que vous représentez. Les avis que vous nous remettez aujourd'hui, seront rendus publics. Bien évidemment, ils seront accessibles à tous sur le site internet de la région. Et les réponses que la région vous apportera aussi, seront également rendues publiques ». Et d’ajouter n’être « pas du tout intervenue dans (les) travaux parce que je ne voulais pas que vous pensiez que c'était instrumentalisé ».

[8] - Democracy as Discussion: The American Forum Movement and Civic Education, Rowman and Littlefield, Lexington Books, 2007.

[9] - Loïc Blondiaux , Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative, Seuil, coll. « La République des idées », 2008

[10] - «Lors de son intervention, elle dit déjà tout : jurys citoyens, budgets participatifs, référendum d’initiative populaire» , assure Sophie Bouchet-Petersen (Médiapart, 8 mars 2010)

[11] - Alain Touraine : la double mort du social – fev . 2010, conférence ERNEST

[12] - Le pouvoir au peuple. Jurys citoyens, tirage au sort et démocratie participative (La Découverte, 2007) ; avec Carsten Herzberg et Anja Röcke, Les budgets participatifs en Europe. Des services publics au service du public (La Découverte, 2008)

[13] - Mediapart, 8 mars 2010 : une dizaine de personnes suivent le dossier participatif à la maison de la région, avec des relais dans chaque service, et il est demandé à chaque élu de la majorité d’accompagner les procédures

[14] - « La qualité de l'expérience vécue en commun par les citoyens, la satisfaction d'être reconnus comme capables d'expertise et force de proposition, l'engagement dont ils font preuve pour être à la hauteur de leur tâche, le sentiment qu'ils en retirent d'un monde politique moins éloigné de leurs préoccupations, tout cela peut très vite se retourner en violente déception si la parole donnée n'est pas tenue et si leur travail, au bout du compte, ne débouche sur rien de palpable. Car les citoyens ne s'y trompent pas. Ils savent distinguer une mise en scène participative d'une participation vraie ».

[15] - Mediapart, 8 mars 2010 : Si les réticences, notamment de la part du corps enseignant, ont été nombreuses au début, le dispositif a progressivement été étendu à la moitié des lycées publics (général, professionnel, adapté) de la région (la première année), puis la totalité la deuxième année, avant d’être même adapté aux lycées privés et aux «Maisons familles rurales». A chaque fois, le principe est le même : réunis dans la cour, le préau ou le hall de l’établissement, les usagers portent leur projet (parfois épaulé par l’animateur culturel, un poste que la région a créé dans chaque lycée) et l’ensemble des présents votent, selon le principe d’un homme égale une voix et selon un système de points. En l’espace de six ans, parmi 1.500 délibérations adoptées, ce sont des salles de musculation, des réfections de douches d’internat, des voyages linguistiques, des achats de minibus ou de studios radio qui ont été votés, puis inaugurés dans toute la région

[16] - source : Mediapart, 8 mars 2010

[17] - («C’est un boulot, et ça doit être payé !» ). La région établit également une lettre de justification d’absence pour les deux jours de délibérations en semaine, paie le gîte et le repas, et prend en charge les éventuels frais de garde.

[18] - « Sont-ils bien là, dans nos différentes déclinaisons de la démocratie participative, avec tous les autres et pas moins légitimes, ceux dont on entend si peu la voix ? Ceux qu'on ne sollicite pas pour qu'ils disent ce qu'ils savent des situations qu'ils vivent ? Ceux dont on veut le bulletin mais pas plus et qui, en retour, ne se préoccupent plus de peser quand on ne leur renvoie que l'image de leur disqualification et que tout pouvoir d'influer leur est dénié ?Ceux qui perçoivent souvent les institutions comme plus humiliantes que protectrices ? Et le vote, ce droit chèrement conquis, comme une injonction qui ne fait plus sens ? C'est, pour la démocratie participative, une question-clef ».

[19] - « A fortiori quand, sur fond d'insécurisation sociale, de chômage de masse et de précarisation croissante … sur fond aussi de globalisation subie et de cours erratique des affaires du monde, progresse un sentiment d'impuissance qui a pour corollaire un indifférentisme électoral seulement entamé, à titre exceptionnel, par la campagne présidentielle de 2007. Ainsi se répand l'impression que « là-haut », classe politique incluse et toutes étiquettes confondues, tout se vaut et s'équivaut dans un monde lointain régi par l'entre-soi. »

[20] - « Des hommes et des femmes de tous âges, des actifs, des chômeurs, des retraités, des mères au foyer, des ouvriers, des cadres, des artisans, professions libérales, des salariés du public et du privé, des femmes de ménage, une jeune caissière de supermarché mère célibataire... »

[21] - « Nous savions qu'un problème majeur était celui de l'égalité devant la somme d'informations à assimiler et la prise de parole, c'est à dire la capacité à interroger les intervenants auditionnés et à prendre une part égale à la délibération collective. Certains nous ont confié, à l'issue de leur Jury, qu'ils n'avaient jamais autant lu depuis 10 ou 15 ans et que s'y remettre à haute dose avait requis de leur part un gros effort. Vous verrez dans le petit film qui sera projeté tout à l'heure, qu'un juré, ouvrier dans une usine de produits surgelés, appréhendait de se retrouver dans un groupe où les différences sociales et culturelles risquaient de le mettre en position d'infériorité.Je vous laisse découvrir ce qu'il en dit. Tout repose, à ce stade, sur la qualité de l'animation que nous avons confiée à une équipe expérimentée qui a veillé : - à l'appropriation collective, pas à pas, de la documentation fournie, de sorte que ceux peu familiers de la lecture ne soient pas pénalisés ; - à la préparation également collective des auditions ; - à ce que nul ne monopolise la parole ».

[22] - Entretiens de Solférino du 8 avril 2009 avec Rémi Lefebvre : les transformations des pratiques militantes

[23] - avec Frédéric Sawicki, La Société des socialistes, Editions du Croquant, Bellecombe-en-Bauges, 2006.

[24] - Son blog, 11 décembre 2009, http://juliendray.blogspot.com/2009/12/dialectique-du-rassemblement.html

[25] - voir plus haut, la question du « limité » et de l’ « illimité »

[26] - cf. Hakim El Karoui, seul responsable politique marqué à droite à soutenir Ségolène Royal au deuxième tour de l'élection présidentielle de 2007, "L'avenir d'une exception, pourquoi le monde a encore besoin des Français" , Flammarion, 2006

[27] - cf. GAEL BRUSTIER , Marianne.fr, 18 mars 2010

[28] - cf. Mediapart, Laurent Mauduit, 19 mars 2010

[29] - cf Jean-Louis Bianco, Libération, 9 février 2010

[30] - Alain Supiot, in : Justice sociale : le manifeste de l’après-guerre aux oubliettes, par Laurent Mauduit, Médiapart, 4 février 2010

[31] - précisément revenir sur la « défaisance de l’Etat social » telle que conceptualisée par Friedrich Hayek (cf. ibid,, Alain Supiot)

[32] - cf. Rémi Lefebvre, Le Parti socialiste et les catégories populaires, Quelques hypothèses pour l’analyse d’un divorce consommé, RS 19 (juin 2002),

[33] - Jean-François Kahn, blog Tourner la page, 21 mars 2010 – prenant en compte environ 20% de non-inscrits dans ces quartiers ainsi que les immigrés sans droit d e vote

[34] - Christophe Guilly, Marianne.fr, 15mars 2010

[35] - selon les mots de Ségolène Royal,.

[36] - GAEL BRUSTIER , Marianne.fr, 17 mars 2010

[37] - Recherche le peuple désespérément , Bourin

[38] - voir : Philippe Cohen, Marianne2.fr, 13 octobre 2009

[39] - Elément prouvant l’ampleur du fossé : les salariés gagnant entre 1000 et 2000 euros ont été 65% à voter non au Traité constitutionnel européen ; le oui n’ayant été majoritaire que dans les villes de plus de 100 000 habitants  (dans lesquelles la gauche PS et écologiste est majoritaire)

[40] - Vingt thèses pour repartir du pied gauche, Libération, 18 janvier 2010

[41] - « Elle qui s’était donnée pour mission la modernisation économique et culturelle de la France, grâce à la participation de la société civile à la décision politique et reposait sur la notion de compromis social , constituant une voie contractuelle a été délibérément bafouée par le néocapitalisme qui, assuré de la victoire, a préféré l’affrontement ».

[42] - Convention nationale, Nouveau modèle économique, social et écologique, Document de travail – 19 avril 2010, page 3

[43] - Et Laurent Mauduit de noter (Médiapart , 21 avril 2010): « A quoi pense précisément l’auteur du texte quand il dit qu’à cette époque, la gauche a «même parfois faibli sur ses valeurs » ? A la baisse du taux supérieur de l’impôt sur le revenu ou à la défiscalisation des stock-options, défendues par Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius ? Au record établi en matière de privatisations, de France Télécom jusqu’aux autoroutes ? On peine à le savoir. »

[44] - Convention nationale sur le nouveau modèle économique, social et écologique, Texte adopté par le Conseil national du 27 avril 2010, page 3

[45] - Guillaume Bachelay , La gauche après la crise, Jean- Claude Gawsewitch

[46] - « Si la crise a prouvé l’impasse du capitalisme financier, elle a aussi montré les limites de la social- démocratie traditionnelle. Pour incarner le modèle alternatif, la gauche européenne doit dire que l’accompagnement du néolibéralisme est derrière elle. »

[47] - JDD, 11 avril 2010

[48] - Le Monde.fr, 27 avril 2010

[49] - Libération , 22 janvier 2010

[50] - Libération , 9 février 2010

[51] - « fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG en un seul impôt progressif prélevé à la source, augmentation du coût des licenciements économiques dans les entreprises florissantes, obligation de remboursement préalable des aides publiques reçues moins de cinq ans avant toute ouverture de procédure de licenciements ou de fermeture de sites, facilitation de la reprise d’entreprise par les salariés sous forme de SCOP, hausse des droits sur les successions les plus importantes, etc.

[52] - 28 avril 2010

[53] - Ainsi Laurent Mauduit dans son analyse du projet de nouveau modèle de développement présenté par Pierre Moscovici le 19 avril 2010, Médiapart – 21 avril 2010) note à propos de l’appel à se doter d’un «  Pôle public d’investissement industriel (2P2I) ». : « Cette première proposition est inattendue, pour ne pas dire incongrue. Car s’il plaide pour un rôle accru de l’Etat dans l’économie, le texte n’évoque aucune nationalisation. Il est donc très en retrait sur certaines propositions actuellement en débat, comme celle de Jacques Julliard, pourtant issu de la deuxième gauche, recommandant une nationalisation du crédit. Même si, en d’autres passages le texte défend très clairement les services publics…. (…) …. Au lieu de cela, le texte avance une étrange proposition consistant à créer une sorte de fonds d’intervention, un peu à la manière du Fonds stratégique d’intervention (FSI), installé par Nicolas Sarkozy, l’affairisme en moins. Dire que cette proposition est vraiment d’inspiration socialiste serait audacieux. Si l’on veut être gentil, on dira que cette idée est d’inspiration schumpétérienne. Plus simplement, on sent que Pierre Moscovici a repris à son compte l’une des idées de celui qu’il a longtemps soutenu, Dominique Strauss-Kahn. On se souvent en effet du fonds de commerce de ce dernier : une forme de social-libéralisme mâtiné, comme il le disait lui-même, d’une forme de «socialisme de la production ».

[54] - Mediapart – 25 mars 2010

[55] - Libération, 18 janvier 2010

[56] - Il affirme bien être favorable à des « nationalisations partielles », afin de contrôler le crédit . « Beaucoup plus qu’en 1981, nous avons besoin de nationalisations financières (pas industrielles), car aujourd’hui il y a une sorte d’immoralisme systémique, sans foi ni loi, qui s’est emparé du secteur bancaire »

[57] - c’est nous qui soulignons

[58] - France Inter, 29 avril 2010

[59] - cf. la critique d’Alain Supiot , Médiapart 4 février 2010 :  «  la gauche s’est désintéressée de la question du travail... Désormais, ce n’est plus qu’une valeur, car on est dans le sociétal. Au fond, (la gauche) s’est spécialisée dans un champ de la déréglementation qui est celui de la vie privée ; dans une division du travail où la droite déréglemente l’état professionnel des personnes. Et la gauche fait son fonds de commerce et fait de la surenchère sur tout ce qui peut être les statuts civils.»

[60] - Elle propose, entre autres, de soutenir financièrement les entreprises qui créent des emplois, font l’effort d’investir dans la formation, la recherche et l’innovation, notamment dans le domaine de la croissance verte.

[61] - à relier a-contrario aux actions d’ores et déjà menées en Poitou-Charentes (source : désirs d’avenir, mai 2010) :

Dès mars 2006, adoption du Schéma Régional Eolien qui vise une puissance éolienne de 330 Mégawatts en 2010. Dès 2009, soutien au déploiement du petit éolien (soutien à l’innovation pour la société Noveol qui invente les premières éoliennes à axe vertical; installation de 2 micro-éoliennes dans des lycées; et aides à l’investissement dans le cadre du Fonds Régional d'Excellence Environnemental). Politique de soutien aux nouvelles formes d'énergies renouvelables comme les hydroliennes de nouvelle génération développées à la Rochelle

Dès 2009, adoption du plan régional « Zéro pesticides » et mise en place de la charte « Terre Saine » avec déjà 100 communes adhérentes. Plus de 80 exploitations agricoles aidées depuis 2008 pour limiter l’utilisation des pesticides avec le Plan Végétal pour l’Environnement. Dès 2009, soutien au développement d’un éco-pesticide d’origine naturelle par la Société d’Economie Mixte Valagro Carbone Renouvelable Poitou-Charentes. Dès 2004, triplement des aides à l’agriculture biologique

Depuis 2004, la Région a développé l’offre ferroviaire régionale (TER) de 33% et la fréquentation du TER a progressé de 63% grâce à la politique tarifaire et promotionnelle attractive de la Région Développement de la voiture électrique, écologique et à bas coût, par les entreprises EcoMobilité et Heuliez

Dès 2005, soutien à la construction de 1000 maisons bois économes en énergie. Dès 2009, soutien à la construction de 500 logements Basse Consommation (BBC). Dès 2008, création de la filière des entreprises du bâtiment avec le cluster éco-habitat

En Région, publication des premiers produits non OGM

Dès 2008, adoption du plan énergie solaire régional qui vise une puissance de 270 MWc d’ici 2015 - la Région devant adopter en juin 2010, son plan régional de développement des énergies renouvelables à l’horizon 2020

Dès 2004, comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre évitées grâce aux politiques régionales. Dès 2008, mise en place d’un observatoire régional de l’énergie et des gaz à effet de serre (OREGES), réunissant 25 fournisseurs de données. Création en 2006 du pôle de compétitivité régional des éco-industries, rassemblant plus de 600 entreprises et laboratoires régionaux

A travers le dispositif 500 Maisons Bâtiment Basse Consommation, la Région Poitou-Charentes a donc 3 ans d'avance sur la date butoir de mise en œuvre(consommation d’énergie des constructions neuves)

Dès 2008, mise en place d’un site régional de covoiturage avec plus de 9000 utilisateurs. Dès 2008, soutien au développement de la filière des véhicules électriques avec l’appel à projets de R&D régional et le soutien à l’industrialisation des véhicules Mia et Simplicity d'Heuliez et d'Eco-Mobilité.

 

 

 

[62] -Facile ensuite de parler de taxe « tarabiscotée, inefficace et inégalitaire, la taxe carbone allant à l'encontre de ce que pourrait être une fiscalité écologique juste" …

[63] - et son équipe d’évoquer « ce nouvel impôt « Sarkozy » repeint en vert ».

[64] - L'écologie n'est pas une punition , par Ségolène Royal , Tribune, LeMonde.fr, 8 janvier 2010

[65] - « Mais oui à une taxe pour Total, qui réalise des bénéfices exceptionnels (13,9 milliards d'euros en 2009 ) et qui profite des hausses d'émissions de gaz à effet de serre. Oui à une baisse de la TVA sur tous les équipements et produits propres. Oui au bonus-malus, sur le modèle du bonus automobile, dont nous avons tous constaté le succès fulgurant »

[66] - Ségolène Royal, Désirs d’avenir, 28 avril 2010

[67] - « Le Conseil Régional a soutenu en 6 ans 21 reprises d’entreprises en SCOP. « Nous nous engageons, non seulement à poursuivre cet effort, mais à l’amplifier en proposant aux salariés de reprendre leur entreprise sous cette forme au moment de la transmission, de façon à mieux ancrer les emplois dans le territoire. La Région utilisera à nouveau le statut de SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) dans le domaine de l’éco construction notamment, comme elle l’a fait avec la SCIC Poitou-Charentes Energies Renouvelables dans le cadre du plan solaire photovoltaïque régional ».

De même le soutien aux activités économiques conduites par les associations a été très important ces dernières années : emplois tremplins associatifs, emplois tremplins environnement, chantiers d’insertion... Nous l’amplifierons tout particulièrement dans le secteur de la croissance verte, qui offre de grandes opportunités de développement, et dans le secteur des aides à la personne, pour favoriser les réponses associatives aux besoins de la population.

Mais l’esprit qui souffle dans l’économie Sociale et solidaire doit pouvoir profiter à toute l’économie régionale. La conditionnalité des aides aux entreprises sera renforcée, pour favoriser le dialogue social et la prise en compte des aspirations des salariés, l’insertion, le recrutement des handicapés, l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, le respect de l’environnement. Le Conseil Régional appuiera les démarches conduites par les jeunes chefs d’entreprises pour encourager la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.

C’est un nouveau modèle économique qui est en train d’émerger en Poitou-Charentes. Le Conseil Régional continuera à s’impliquer fortement dans l’économie pour faire de Poitou-Charentes une région d’excellence pour la mutation écologique de l’économie, à travers le financement de grands projets industriels comme le véhicule électrique, les éco carburants de 2° génération, les éco matériaux, l’éco construction, les énergies renouvelables...

Jean-François Macaire

Vice Président du Conseil Régional de Poitou-Charentes

Tête de liste départementale

4 mars 2010

[68] - cf. manifeste de l’économie solidaire

[69] - L'universelle dignité dans l'universelle solidarité. Le pari de l'égalite, Philippe CHANIAL, Inégalités et justice sociale : les débats et les défis contemporains, Institut Edgar Quinet, janvier 2008

[70] - Inégalités et justice sociale : les débats et les défis contemporains, Institut Edgar Quinet, 17, 18 et 19 janvier 2008, http://www.edgarquinet.fr/delia-CMS/rencontres/article_id-1/topic_id-17/inegalites-et-justice-sociale-les-debats-et-les-defis-contemporains.html

et Inégalités et justice sociale , Collectif, sous la direction de Vincent Peillon, Institut Edgar Quinet, Editions Le Bord de l’eau, juin 2008

[71] - « L’égalité engage ainsi une certaine conception de l’homme, de l’individualité, de l’être-soi, et en même temps de l’être-ensemble, du sens du vivre-ensemble. « une société d’égaux encourage le développement de certaines potentialités humaines - ces vertus d’autonomie personnelle, ce refus de toute forme de domination et d’assujettissement, ainsi que cette capacité morale à se lier avec autrui sous des rapports de réciprocité et de solidarité »

[72] - « Fierté de l’indépendance individuelle et de l’autonomie politique - donnant à tous la possibilité de gouverner individuellement et collectivement sa propre vie, sans que jamais « l’homme ne soit l’ombre d’aucun autre homme » - dans une société tissée de liens de solidarité ».

[73] - Inégalités et justice sociale : les débats et les défis contemporains, Institut Edgar Quinet, 17, 18 et 19 janvier 2008, op.cit.

[74] - Ségolène Royal, Obama, Lula, Forum social, dix leçons convergentes, Fondation Jean Jaurès, 2009, page 22

[75] - Elle s’est rendue 9 avril à Brasilia à l’invitation du Président de la République du Brésil, Luiz Iniacio Lula Da Silva, et de Dilma Rousseff, chef de cabinet et candidate du Parti des Travailleurs (PT) aux élections présidentielles d'octobre 2010. Ségolène Royal et Dilma Rousseff se sont rencontrées lors du Forum Social Mondial de Belem en janvier 2009 au cours d'un débat sur les droits des femmes auxquelles elles avaient toutes deux participé, puis lors de l'entretien que Ségolène Royal avait eu avec le Président Lula le 30 janvier 2009.

[76] - A propos de la politique menée par le Président Lula Da Silva, Ségolène Royal expliquera comment il a fait de la justice sociale, un levier du développement économique du Brésil : « Le Brésil a renoué avec la croissance, 5% de croissance, est présent sur la scène internationale. » Elle note que le Président Lula « a permis à la fois un recul de la pauvreté et l'émergence d'une classe moyenne qui regarde l'avenir avec optimisme. »

[77] - Fondation Jean Jaurès, Mars 2009

[78] - Elle mutualise les connaissances et les bonnes pratiques, met à disposition du site désirs d’avenir des lettres d’information , entend faire (mieux) connaître en France Saul Alinsky, celèbre « organisateur de quartiers » dont l’héritage militant a marqué Obama mais aussi, ce que l’on sait moins, Hillary Clinton ; ainsi rédige-t-elle une note en novembre 2009 tirant les leçons de la campagne Obama ; « Militer à l’ère des réseaux : les cercles vertueux du Web et du terrain » . C’est dans le même esprit qu’elle participe-t-elle au Forum social mondial de Bélem et au séminaire sur les budgets participatifs à Belo Horizonte

[79] - « Au delà de cette bouée de sauvetage lancée en urgence, nous savons bien que cela ne suffira pas et que c'est bien l'ensemble du système financier qu'il faut revoir. On nous promettait de réformer le capitalisme mondial. En réalité, rien n'a changé. Le temps du sauvetage est donc venu.

… un an et demi après le début de la crise financière, de l'effondrement spectaculaire de Lehman Brothers, rien n'a changé. Et l'on peut même dire que le poids des marchés s'est accentué. Nous le savons bien: les institutions financières européennes détiennent environ les deux tiers de la dette publique grecque, estimée à 300 milliards d'euros. Toute renégociation de l'endettement se serait donc traduite par des pertes pour les banques européennes, ce qui est inconcevable pour le marché qui règne en maître dans un système qui s'est reconstitué et même renforcé. Certes, il fallait éteindre l'incendie. Mais pour combien de temps puisque l'on feint d'ignorer les racines du mal. Puisqu'on ne s'engage pas résolument dans la seule voie possible : la réforme , et non pas la « moralisation », du capitalisme financier. Une réforme qui sépare clairement les activités de prêts aux particuliers et aux entreprises des activités de spéculation. »

[80] - Ségolène Royal soulignait le 23 mai 2010 que le Sénat Américain venait d’adopter : - la première réforme de régulation financière depuis la grande dépression des années 30 : le pouvoir de prendre le contrôle et de fermer les banques qui en cas de faillite risquent de faire s’écrouler le système financier ; - la séparation obligatoire dans les banques entre les activités traditionnelles de prêts et les pratiques spéculatives. « Cette proposition, je l’ai faite il y a plus d'un an lors de mon discours sur la mondialisation prononcé au Megaron d'Athènes, le 2 octobre 2008. Elle avait été dénigrée par la droite ».

[81] - cf. Le capitalisme financier a besoin de réformes radicales, http://www.desirsdavenir.org/node/27439

24 septembre 2009 - A partir de "La crise de trop" de Frédéric Lordon et "Trois leçons sur la société post-industrielle" de Daniel Cohen.. Par l'Equipe de Ségolène Royal :

Eriger de nouvelles barrières de protection … signifie également une simplification drastique des produits financiers.

On demande aux banques des choses simples : accorder des crédits et, bien sûr les conserver en assurant leur suivi jusqu’à maturité ; piloter des émissions de produits simples, actions et obligations classiques ; manufacturer des produits d’épargne simples également, essentiellement sous la forme de livrets d’épargne garantie.

Les conséquences de cette simplification des produits sont claires :

1. limitation des marchés de gré à gré au profit de marchés organisés ; ces derniers comportent des chambres de compensation (l’intermédiaire par qui passent les transactions : « l’acheteur de tous les vendeurs et le vendeur de tous les acheteurs ») qui devraient à l’avenir exiger des dépôts de marges beaucoup plus importants qu’aujourd’hui : lorsqu’on s’engage sur une opération, il faut avoir l’argent avec soi et ne pas attendre le résultat du pari !

2. détitrisation. La généralisation de la titrisation ne date que du début des années 90. La supprimer ne serait pas une absurdité au regard des risques qu’elle fait prendre. Une possibilité serait de limiter à un certain pourcentage la part de crédits titrisables.

Certains comme Jacques Attali, appellent à une Révolution politique pour mettre fin aux errements infiniment dangereux de la finance mondiale. Peut-être dans ces conditions est-il temps de s’inspirer de Sieyes lorsqu’il écrivait Qu’est-ce que le Tiers Etat ? et de répondre aux trois questions réellement importantes :

Que devons-nous faire maintenant ? Tout. Qu’attendons-nous du sommet du G 20 ? Rien ou pas grand-chose hélas. Que demandons-nous ? A agir enfin pour que cela n’arrive plus jamais.

[82] - 4 mai 2010

[83] - « Alors que Dominique Strauss-Kahn a souvent cherché à défendre l’idée que sous sa présidence le FMI avait fait peau neuve et qu’il n’appliquait pas les plans de redressement sanglants des décennies antérieures, le dispositif grec fonctionne comme une épreuve de vérité : le FMI est resté tel qu’en lui-même, brutal et sans états d’âme, usant de toutes les vieilles ficelles ultra-libérales pour mettre au pas le pays ».

[84] - voir aussi : Médiapart , Grèce : un plan socialement injuste et économiquement dangereux, Par Martine Orange, Article publié le mardi 04 mai 2010

[85] - Un autre plan pour la Grèce, Médiapart, 5 mai 2010

[86] - « Dans un entretien au Monde daté du 4 mai, Dominique Strauss-Kahn se dit en effet sans trop de scrupule «admiratif de l’extrême rigueur choisie par le gouvernement Papandréou qui a préféré de durs sacrifices immédiats pour sortir au plus vite son pays de la crise» »

[87] - La crise. Bon plan ou mauvaise pioche pour DSK, 11 mai 2010

[88] - « Un des plus proches conseillers de DSK préfère se montrer optimiste. Presque trop : « La situation n’a jamais été aussi bonne. La crise que nous traversons remet l’économie au centre du jeu. Ça disqualifie derechef ceux qui n’ont rien à dire sur le sujet… .

Dominique Strauss-Kahn semble craindre davantage être aspiré par la mondialisation malheureuse. Sinon pourquoi aurait-il accordé un entretien, mercredi dernier, au Parisien – Aujourd’hui en France dans lequel il explique « [comprendre] la colère de la population grecque » et précise que « lorsque le FMI est intervenu, la plupart des éléments du plan avaient déjà été définis entre les Européens et la Grèce ». Un discours repris par son bras droit à Solférino, Jean-Christophe Cambadélis, invité hier matin sur RTL : « Il est accompagnateur. (...) Le plan en Grèce (...) est un plan qui procède à la fois de Madame Merkel et de Nicolas Sarkozy. Pourquoi vouloir le faire porter à Dominique Strauss-Kahn. » Un peu plus tôt, le même Jean-Christophe Cambadélis expliquait que si le patron du FMI venait de faire l’objet d’un livre …. c’est parce que « ce que réalise Dominique Strauss- Kahn à la tête du FMI gêne. » Il faudrait savoir maintenant : Strauss-Kahn est-il un simple « accompagnateur » du plan grec ou est-il un véritable décideur « à la tête du FMI » à même, du haut de sa formidable stature internationale, de bouter Sarkozy hors de l'Elysée ? »

[89] - la-Croix.com , 3 Mai 2010, Alain Touraine : Il faut que les peuples aient une conscience de justice

[90] - « S’agissant de la crise financière, le gouvernement, qui s’apprête à demander des efforts conséquents aux Français, doit montrer qu’il prend des mesures pour condamner les responsables …»

[91] - voir notamment : Discours de Ségolène Royal, Berlin, le 8 Novembre 2009Institut pour la Diplomatie Culturelle

[92] - Point de vue, Grèce : la vraie faille de l'Europe est sociale, pas économique, par Jean-Claude Barbier, LEMONDE.FR | 10.05.10

[93] - Désirs d’avenir lance en outre une consultation populaire sur les retraites et la fiscalité

[94] - Rappelons que le 17 janvier 2010 , Martine Aubry déclarait penser « qu'on doit aller, qu'on va aller très certainement vers 61 ou 62 ans.». Michel Rocard, lui même « catastrophé » en 1982, devait acquiescer : « Mon amie et camarade Martine Aubry a eu raison, il lui a fallu du courage ». L’  ajustement auquel elle aura ensuite procédé sous la pression, semble bien plus un ajustement stratégique que de conviction.

[95] - Ainsi, Jean-Louis Bianco , en marge de la manifestation du 27 mai 2010 à Dignes-les- Bains : « La bataille centrale, c'est que le gouvernement veut remettre en cause la grande conquête historique de la gauche due à François Mitterrand, le droit à la retraite à 60 ans. (…) Il ne s'agit pas d'obliger les gens à partir à 60 ans, il s'agit de permettre aux hommes et aux femmes qui ont assez de cotisations (...), qui sont usés par la vie (...), de partir à 60 ans. Nous voulons maintenir ce droit qui est une liberté (...). C'est la vie des gens dont il s'agit."

"Nous défendons simplement le droit à partir à 60 ans si on le souhaite et quand on le souhaite(...). Bien entendu que l'espérance de vie s'accroît, bien entendu qu'il y a des hommes et des femmes qui veulent aller au-delà de 60 ans. Nous ne l'interdisons pas, ça doit même être encouragé. Mais en attendant, il ne s'agit pas de faire une réforme pour les cadres supérieurs, il s'agit de faire une réforme pour l'ensemble des Français et en particulier pour ceux qui ont été le plus abîmés par la vie au travail. (…). Les revenus du capital, les plus-values, les revenus boursiers, les revenus des banques doivent contribuer, on ne doit pas seulement demander l'effort aux salariés et aux entreprises, et là-dessus le gouvernement reste dans le flou, reste dans le vague. C'est ça l'enjeu. Est-ce qu'on fera une réforme des retraites qui une fois de plus fera payer les travailleurs, fera payer les retraités, ou est-ce qu'on garantira une retraite décente, une retraite convenable, c'est faisable financièrement, sans mettre en péril les chances de la France? C'est ce que nous disons et ce que nous défendons .» (source : blog Militants de l’Espoir à Gauche avec Ségolène Royal, 29 mai 2010)

Ainsi, le 27 mai à Poitiers, Ségolène Royal aura-t-elle déclaré que Nicolas Sarkozy, en s’attaquant à la retraite à 60 ans « s’en prend aux ouvriers, aux employés, à ceux qui se lèvent tôt et qui ont travaillé dur car c’est sur eux que va peser cette remise en cause d’un acquis social ».

[96] - « Comment prendre la parole ? Venez sur le site Désirs d’avenir sur le forum spécialement ouvert à ce sujet et organisez partout des réunions. Des correspondants locaux feront remonter les propositions dont nous rendrons compte. A Désirs d’avenir, une équipe a rédigé un premier document de travail que vous trouverez ci-dessous pour comprendre et pour participer, animer des débats sur le territoire et surtout prendre la parole sur le forum internet ».

[97] - en disant, selon Julien Dray : « désormais l'impossible qu'on nous avait dit n'existe pas (..) Les mêmes nous ont dit pendant 20 ans qu'il y avait des choses qui étaient impossibles (...) »

[98] - cf. Carol Gilligan, Une voix différente- pour une éthique du care, Flammarion, Champs essais, 1982

[99] - cf . Un monde vulnérable. Pour une politique du care Joan Tronto, Collection Textes à l'appui , La Découverte, 2009

[100] - Joan Tronto et Berenice Fisher 1990

[101] - Claire Lévy-Vroélant, Nonfiction.fr

[102] - Il s’agit de « montrer comment les tâches liées au care sont davantage susceptibles d’être universalisées et donc prises en compte dans les revendications de justice qu’on ne pourrait tout d’abord le croire »

[103] - sur ces questions , Elisabeth Badinter dans la lignée du féminisme égalitariste fondé en France par Simone de Beauvoir, évoque dans son livre Fausse route, les dangers du féminisme différentialiste qui en reparlant de nature féminine ( essentialisme) et de dualité des sexes ( différentialisme) prend le risque de « reconstruire la prison des genres »

[104] - voir la présentation d’ ALAIN CAILLÉ et PHILIPPE CHANIAL , Revue du MAUSS, n°32, second semestre 2008 , L’amour des autres care, compassion et humanitarisme : « Dans les catégories de L. Kohlberg, cette préférence pour la relation, pour le lien, marquerait leur immaturité morale, donnant ainsi une apparente caution scientiÞque aux antiques croyances en l’infériorité des femmes. Dès lors, suggérait C. Gilligan, la seule façon d’afÞrmer l’égalité des femmes et de lutter pour elle, consiste à afÞrmer leur différence. À faire entendre cette « voix différente », ce dialecte féminin de la sollicitude, l’éthique du care, que le dialecte masculin, l’éthique de la justice, tend à étouffer. On devine les questions qui ne pouvaient manquer de surgir alors. Cette différence, si elle est avérée (il semble bien qu’elle le soit), est-elle naturelle, inscrite dans la physiologie, ou relève-t- elle d’une construction historique et culturelle ? ».

[105] - Fabienne Brugère, Le Sexe de la sollicitude, Seuil, Paris, 2008.

[106] - cf.Marianne, semaine du 22 au 28 mai 2010, propos recueillis par Philippe Petit

[107] - revue du MAUSS n°32 précitée, présentation de P.Chanial et A. Caillé

[108] - Marianne pré-cité : Fabienne Brugère rejette pour sa part la référence à la droite compassionnelle qui « se rapporte à la souffrance sociale comme à un spectacle qui émeut »

[109] - cf. revue du MAUSS n°32 précitée, présentation de P.Chanial et A. Caillé citant Christopher Lasch dans « La Révolte des élites » : « Pour douce que soit sa musique à nos oreilles, l’idéologie de la compassion est en elle-même l’’une des inßuences principales qui subvertissent la vie civique, car celle-ci dépend moins de la compassion que du respect mutuel. Une compassion mal placée dégrade aussi bien les victimes, réduites à n’être que des objets de piété, que ceux qui voudraient se faire leurs bienfaiteurs et qui trouvent plus facile d’avoir pitié de leurs concitoyens que de leur appliquer des normes impersonnelles qui donneraient droit au respect à ceux qui les atteignent. »

[110] - Paulo Henrique Martins, Démocratie participative et fondements symboliques de la vie associative, in : revue du MAUSS n°32 précitée, présentation de P.Chanial et A. Caillé

[111] - revue du MAUSS n°32 précitée, présentation de P.Chanial et A. Caillé

[112] - Comment-Aubry-se-blairise, 19 avril 2010

[113] - « Le but pour Martine Aubry, avec cette tribune dans Le Monde, est surtout de desserrer la contrainte de la logique comptable qu’on cherche à nous imposer en ce début de débat sur les retraite », François Kalfon

[114] - Marianne, semaine du 22 au 28 mai 2010

[115] - Selon NouvelObs.com (15 avril 2010) , Martine Aubry se serait également inspirée de Philippe Kourilsky (Le Temps de l'altruisme, Editions Odile Jacob ) qui fait de l’altruisme rationnel et accepté par tous le corollaire indispensable d'une meilleure prise en compte des libertés de chacun. Et de citer la phrase de Martine Aubry : « La société prend soin de vous, mais vous devez aussi prendre soin des autres et de la société » . Ce que le Nouvel.Obs, dans le même article, identifie comme « un parfum de « donnant-donnant » (qui flotterait au PS …) . Naviguerions-nous en fait entre compassion et utilitarisme, (quand c’est un « altruisme universel » que nous préférerions, à travers la fraternité - voir notre dernière partie) ?

Philippe Chanial notait , lors de son intervention à l’Institut Edgar Quinet pré-citée (janvier 2008) : «  (La) conception étroitement contributive de l’égalité et de la justice, mais aussi (la) dégradation charitable de la solidarité n’est pas nouvelle. Ainsi, Charles Gide, une grande figure du solidarisme et du coopérativisme sous la IIIème République, résumait la morale de l’école économique libérale à cette simple maxime : chacun doit recevoir l’exact équivalent de ce qu’il donne. Donnant/donnant ou, en version latine do ut des. Telle est selon Gide la seule justice, la seule conception légitime de la solidarité et la seule exigence d’égalité conforme à la « morale échangiste » des libéraux ».

[116] - voir : Philippe Chanial, La délicate essence du socialisme, l’association, l’individu et la République, Editions du Bord de l’eau, 300 pages, 2009

[117] - son livre, 2008 et son appel à changer le nom du PS

[118] - Philippe Chanial, « Faut-il en finir avec le vieux socialisme ? », Revue du MAUSS permanente, 15 décembre 2009 [en ligne]. http://www.journaldumauss.net/spip.php? article608

[119] - cf.Philippe Petit, Marianne 2.fr et Marianne, juin 2009

[120] - Philippe Chanial, Le socialisme intégral de Benoît Malon comme morale et religion de la solidarité, La revue socialiste n°38, 2è trimestre 2010, pp 15-20

[121] - Quel débat plus actuel ? Quel débat en fait plus concret ? Nous évoquions en début de cette partie, le livre d’Alain Supiot, spécialiste du droit du travail. ( L’Esprit de Philadelphie - La justice sociale face au marché total , Seuil, janvier 2010 ) : se refusant à réduire l’homme à l’état de pure ressource économique, il s’efforce de retrouver l’esprit de 1944, celui de la première Déclaration internationale des droits à vocation universelle. Afin de trouver les moyens «  d’endiguer la renaissance féodale en cours et la culture politique du « deal ». En d’autres termes, contre la « suzeraineté, et la montée des les liens de dépendance, transformer les rapports de force en rapports de droit !

[122] - voir RDMP, « Philippe Chanial / La délicate essence du socialisme », Revue du MAUSS permanente, 30 janvier 2010 [en ligne]. http://www.journaldumauss.net/spip.php?article607

[123] - Alain Bergounioux, « La délicate essence du socialisme. L’association, l’individu et la République », Revue du MAUSS permanente, 18 janvier 2010 [en ligne]. http://www.journaldumauss.net/spip.php?article620

[124] - cf. l’« individualisme logique et complet »

[125] - cf. Collection Bibliothèque républicaine dirigée par Vincent Peillon aux éditions du Bord de l’eau : nouvelles publications de La morale sociale de Benoît Malon et de l’Essai sur l’individualisme d’Eugène Fournière en 2007 et 2009, présenées par P.Chanial

[126] - « La gauche post-socialiste – et davantage libérale que républicaine – a dès lors pu sembler vouée à la seule révolution qu’il lui reste, la révolution permanente des mœurs, par ailleurs parfaitement adéquate aux exigences du capitalisme mondialisé contemporain et , plus encore risquer de corrompre l’idéal même d’égalité qui la distingue fondamentalement de son adversaire de droite. Cet idéal peut-il se réduire à doter, à armes égales, les individus afin qu’ils puissent, dans des conditions d’équité, prend part et tirer légitimement leur épingles du jeu dans cette course que constitue le concurrence économique et la lutte pour les positions sociales les plus enviables ? »

[127] - Julien Dray, Libération du 27 mars 2007

[128] - Dominique Reynié, Libération du 27 mars 2007

[129] - Julien Dray, Libération du 27 mars 2007

[130] - Contre l'ordre moral : l'ordre juste ! (Réponse aux amalgames de Chantal de Gournay dans Libération du 19 octobre) , Mediapart, 19 Octobre 2009 

[131] - «  ne saurait être l'alibi des chasseurs de proie s'abandonnant à leurs pulsions en appelant libération … »

[132] -cf. Philippe Chanial, Le socialisme intégral de Benoît Malon comme morale et religion de la solidarité, La revue socialiste n°38, 2è trimestre 2010, page 18 : et éviter de n’envisager «  la révolution sociale que sous l’ angle des avantages matériels » … Cela suppose « sécularisation » et « socialisation de la morale » en vue du « bonheur collectif ou de l’intérêt social »

[133] - Ségolène Royal et l'"ordre juste", par Michel Noblecourt - LeMonde.fr, 3 juillet 2006

[134] - n°38, avril 2004

[135] - Le monde comme je le vois , Gallimard, 2005

[136] - cf. Vincent Peillon, La révolution française n’est pas terminée, Seuil, 2008, page 167

[137] - NouvelObs.com, 27 octobre 2009

 

 

[138] - Rue 89, le 14 février 2010

 

 

[139] - Conseil Constitutionnel, 9 mai 1991

 

 

[140] - http://www.desirsdavenir.org/node/31835

[141] - « dans ce bassin minier du Pas de Calais qui n'a pas oublié la catastrophe de Courrières et prend la valeur travail au sérieux », Ségolène Royal tient à «  parler d'une valeur dont elle sait qu'elle a un sens, ici, à Courrières, avec ses dizaines de citoyens massacrés par l'occupation nazie. Ici, en cette journée de la déportation, comment ne pas évoquer l'idée de nation ? »

[142] - Et d’ajouter : « Quand j'entends la droite parler de patriotisme économique pour justifier, au mépris de ses engagements, la privatisation d'un service public, Gaz de France, je vous dis que c'est un détournement de sens car aimer son pays c'est d'abord avoir le souci de le servir et non pas de se servir, c'est lui donner les moyens, à la France que nous aimons, d'être forte et de saisir ses chances, c'est faire confiance à sa jeunesse, c'est respecter ses anciens, c'est faire en sorte de déployer ses énergies vitales et collectives. C'est cela le patriotisme et c'est cela aimer la France ».

[143] - « Mais ne lui renvoyer que l’image de son déclin et la sommer sans cesse de renoncer à son « exception » pour se banaliser et s’aligner sur les pays où, paraît-il, le marché sans entrave pourvoirait au bonheur de tous, c’est rendre à la France un bien mauvais service et attiser l’exaspération des Français (...). » 

[144] - « C’est une France qui reconnaît, en 2001, l’esclavage comme crime contre l’humanité. C’est une France qui demande, à juste titre, pardon pour la Rafle du Vel d’Hiv’ et le régime de Vichy. C’est une France qui refuse de reconnaître des « aspects positifs » dans la colonisation, système de domination et d’asservissement. »

[145] - Maintenant , livre d'entretiens avec Marie-Françoise Colombani (Hachette Littératures)

[146] - « Je ne suis pas choquée que des artistes s'en emparent pour le revisiter à leur manière : Gainsbourg l'a fait, Higelin aussi. A l'art tout est permis si c'est avec talent ».

[147] - Libération, 27 mars 2007

[148] - « Après tout, la Cartoucherie est un bâtiment public, le Théâtre du Soleil est un service public. Un drapeau, c'est une archive que l'on ne peut renier, c'est l'histoire d'un peuple avec ses heures nobles et ses heures sombres. Et puis, il ne faut rien laisser à Le Pen, rien, sauf la haine... »

[149] - Et d’ajouter : « Il faudra vite ajouter le drapeau européen au drapeau français. L'Europe sera d'autant plus belle qu'elle sera chatoyante de tous nos drapeaux préservés et solidaires ».

[150] - Vincent Peillon, La Révolution française n’est pas terminée, Seuil, 2008, page 33

[151] - Ibid, page 40

[152] - Le Moment républicain en France, Gallimard, NRF-Essais, 2005

[153] - voir : Vincent Peillon, op.cit., pages 50 et suivantes, s’appuyant sur les analyses de JF Spitz

[154] - cf. Aux sources du républicanisme français , article, Bruno Antonini, Fondation Gabriel Péri

[155] - Vincent Peillon, op.cit., pp 64 ets.

[156] - cf .Joël LE DEROFF de la Fondation Jean-Jaurès - Esprit critique - numéro 85 - 7 octobre 2008 sur le livre de Vincent Peillon pré-cité

[157] - Philippe Chanial, La délicate essence du socialisme, l’association, l’individu et la République, Editions du Bord de l’eau, 300 pages, 2009

[158] - Vincent Peillon, op.cit., page 112

[159] - Rue 89, 14 février 2010

[160] - cf R. Badinter, Sénat, séance du 26 janvier 1999

[161] - Recueil des grandes décisions du Conseil constitutionnel , n° 33 bis

[162] - Mme Evelyne Pisier devant la Commission des lois du Sénat le 19 janvier1999

[163] - KRIEGEL, Blandine, Parité et principe d’égalité, in : EDCE, 1996, page 384

[164] - Qu'est-ce que la république laïque? - III - par Jean-Marie Kintzler , - Mezetulle. Blog de Catherine Kintzler, 22 janvier 2010

[165] - le lien religieux fonde désormais uniquement le lien communautaire, lien qui unit un corps de fidèles, le corps d'une Église.

[166] - d’ailleurs, ce serait laisser celle-ci aux prêtres ( Joël LE DEROFF de la Fondation Jean-Jaurès - Esprit critique - numéro 85 - 7 octobre 2008, sur le livre de V. Peillon pré-cité)

[167] - Vincent Peillon, La Révolution française n’est pas terminée, Seuil, 2008, pp 143-160

[168] - L’action de l’État révèle la spécificité de l’individu dans l’éducation  ; la laïcité parie sur des hommes libres, maîtres de leur jugement, capables de concorde authentique. L'école laïque apprend à ne pas transiger avec l'exigence de vérité (cf. Henri Pena-Ruiz, Dieu et Marianne)

[169] - V.Peillon, op.cit., page 159

[170] - Il n'est pas acceptable de sacrifier l'émancipation laïque à la libération sociale, par Henri Pena-Ruiz, LE MONDE, 19 février 2010

[171] - Henri Pena-Ruiz , Dieu et Marianne: philosophie de la laïcité, PUF, 1999, 2e édition 2004

[172] - « C’est à ce prix – qui n’est certes pas mince – que la République peut enfin mériter d’être cette unité dans la diversité, cette aspiration à l’universel au-delà d’un modeste hexagone, ce rêve français dont nous avons la charge.»  (Claude Nicolet, L’idée républicaine en France, éditions Gallimard)

[173] - Le Figaro, 23 avril 2010

[174] - après la présentation par le NPA d’une candidate voilée aux élections régionales de mars 2010  : Il n'est pas acceptable de sacrifier l'émancipation laïque à la libération sociale, par Henri Pena-Ruiz, LE MONDE, 19 février 2010

[175] - son blog, Touner la page, 21 mai 2010

[176] - « Il est clair que le débat sur l'identité nationale, assorti de la formulation contestable du président de la République ("la burka n'est pas bienvenue en France") constitue un contexte suspect et déplorable qui risque de disqualifier une cause juste (la laïcité) en la détournant vers un nationalisme d'exclusion qui joue un rôle évident de diversion par rapport à la gravité humaine et sociale de la crise en cours. Mais le détournement d'une cause juste invalide-t-il celle-ci ? Non, à l'évidence ».

[177] - « L'opposition du national et de l'étranger est nauséabonde. Cela veut dire qu'il n'y a pas à rejeter une tenue parce qu'"elle n'est pas de chez nous", mais parce qu'elle est incompatible avec le droit et la liberté des femmes. Si c'est le cas du voile intégral ou du voile partiel, ce n'est pas seulement en France qu'il n'est pas "bienvenu". C'est partout dans le monde.Nous avons un devoir de solidarité à l'égard des femmes qui, en Iran et partout dans le monde, refusent le voile. Il en va de nos responsabilités internationalistes. Que diront ces courageuses militantes si la République laïque à laquelle elles se réfèrent comme à un exemple consacre le port du voile qu'elles combattent ? »

[178] - cf. Le Deroff précité

[179] - Assemblée nationale.fr

[180] - hommes de plus de vingt et un ans.

[181] - et abolition de la peine de mort en matière politique.

[182] - « Dans le contexte d'une grave crise économique, les élections à l'Assemblée nationale constituante d'avril 1848 marquent le retour des notables de province. Une répression sanglante contre la révolte des quartiers populaires a lieu fin juin, à la suite de la fermeture des ateliers nationaux, symbole du nouveau régime. " Je ne crois pas à l’avenir d’une République qui commence par faire tirer sur ses prolétaires ! ", s’indignera alors George Sand » (Assemblée nationale.fr)

[183] - Vincent Peillon, op.cit, page 102

[184] - « trait commun aux écoles libérale, marxiste et positiviste » , ibid, page 44

[185] - Philippe Chanial, Justice, don et association- La délicate essence de la démocratie, Paris, 2001, page 187

[186] - ibid, page 191

[187] - Vincent Peillon, op.cit, page 116 : « Coopération constante, régulière et obligatoire de tous »… « L’Etat républicain qui n’a pas de droits, mais seulement des devoirs se doit d’intervenir »... « Autant l’Etat est tenu de favoriser l’avènement de ses membres à la personnalité, autant il est tenu de respecter chez eux la personnalité une fois formée »

[188] - Vincent Peillon, op.cit., page 116

[189] - op.cit,

[190] - Vincent Peillon, op.cit, page 120

[191] - « de Pierre Leroux à Ferdinand Buisson », ibid,, page 120

[192] - Vincent Peillon, op.cit, page 117

[193] - ibid, page 117

[194] - Ibid : V. Peillon se fonde sur la doctrine de la solidarité de Léon Bourgeois, qui voit la notion de dette comme centrale : « c’est à la libération de la dette sociale que commence la liberté », et le débat engagé avec Ferdinand Buisson

[195] - ibid, page 119

[196] - Jacques Attali, Fraternités, une nouvelle utopie, Fayard, 1999

[197] - cf. Le Moment fraternité , Régis Debray, Gallimard, février 2009

[198] - http://www.dailymotion.com/video/x8t813_regis-debray-un-moment-fraternite-a_news

[199] - Ce que serait ma gauche, Le Monde, 23 mai 2010

[200] - « économiques, écologiques, sociales, politiques, pédagogiques, urbaines, rurales, qui trouvent des solutions à des problèmes vitaux et sont porteuses d’avenir. Elles sont éparses, séparées, compartimentées, s’ignorant les unes les autres... Elles sont ignorées des partis, des administrations, des médias ».

[201] - Jacques Attali, Fraternités, une nouvelle utopie, Fayard, 1999

[202] - cf. Thierry Menissier, blog

 

                    

      Par   S P  

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Derniers commentaires
Archives
Publicité