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23 mars 2011

Le jour où Merkel a lâché les patrons du nucléaire

 Thomas Schnee, Berlin  23/03/2011 L'EXPANSION

Sous la pression de la rue, Merkel s'est clairement prononcée mercredi pour une sortie rapide du nucléaire. Une "trahison" que les grands électriciens allemands risquent de lui faire payer cher .

 
La chancelière allemande Angela Merkel et le ministre de l'économie Rainer Bruederle lors de la conférence sur l'énergie le 22 mars à Berlin
REUTERS/Thomas Peter

Elle l'a enfin dit, on ne peut plus clairement : « Plus tôt l'Allemagne sortira du nucléaire, mieux ce sera », a déclaré Angela Merkel mercredi lors d'une conférence financière à Francfort. Par cette simple phrase, la chancelière lève les doutes qui pesaient sur son très inattendu changement de stratégie énergétique. Il y a deux semaines, elle avait en effet annoncé une suspension de la nouvelle loi sur le nucléaire pendant trois mois, ainsi que la fermeture provisoire de sept réacteurs âgés et le contrôle de l'ensemble du parc nucléaire allemand.

« Je suis convaincu que la majorité des vieux réacteurs qui viennent d'être arrêtés, le seront de manière définitive. Nous allons sortir plus rapidement du nucléaire », avait expliqué l'un des hommes de confiance de Mme Merkel, le secrétaire général du parti chrétien démocrate Hermann Gröhe. Beaucoup d'Allemands se demandaient néanmoins si il ne s'agissait pas d'une opération destinée à laisser passer la tempête et l'émotion soulevées par la catastrophe japonaise.

Mardi, la chancelière allemande avait aussi annoncé la création de deux commissions qui devront se prononcer sur l'attitude à adopter face à l'utilisation de l'énergie nucléaire. Une manière, pour Mme Merkel, de ne pas être la seule à assumer ce tournant radical. La première commission, composée d'éminents représentants de tous les secteurs de la société, envisagera l'aspect éthique et sociétal de la prise de risque nucléaire. La seconde, placée sous la coupe du ministère de l'Environnement, réévaluera, à la lumière de la catastrophe japonaise, les critères de sécurité à appliquer aux centrales allemandes.

Parallèlement, le ministre de l'économie Rainer Brüderle a annoncé le renforcement des aides à la construction de parcs éoliens ainsi qu'un projet de loi qui accélèrera la construction de lignes électriques supplémentaires, nécessaires pour transporter une « énergie verte » produite de manière décentralisée.

La pression de la rue

Le tournant est désormais engagé. Et la pression croissante de la rue est la pour le garantir. Il y a quinze jours, des centaines de manifestations silencieuses avaient mobilisé près de 100.000 personnes favorables à un arrêt rapide du nucléaire. Lundi dernier, le nombre de ces réunions avaient doublé, réunissant dans tout le pays près de 140.000 personnes, et pas forcément des militants écologistes : « Samedi prochain, les principales associations environnementales appellent à manifester à Berlin, Hambourg, Cologne et Munich », prévient Anke qui a participé à la dernière manifestation silencieuse devant la chancellerie fédérale. Cette responsable commerciale d'une petite PME n'en revient toujours pas : « Le revirement de Mme Merkel est une grande chance, mais il est complètement contradictoire », s'étonne-t-elle. Il y a 6 mois, la chancelière comparait en effet sa loi sur l'allongement du temps de fonctionnement des centrales nucléaires à une « révolution énergétique » qui allait doter l'Allemagne « d'un des systèmes d'approvisionnement les plus efficaces et les plus respectueux de l'environnement au monde ».

La volte-face de la chancelière est sans aucun doute teintée de considérations électorales. Dimanche prochain, le parti conservateur risque en effet de perdre son plus fidèle bastion, le Land de Bade-Würtemberg. Et une défaite politique de cet ordre pourrait bien sceller le destin politique de la Chancelière. Celle-ci semble avoir décidé de jouer à quitte ou double en répondant aux peurs et aux désirs des Allemands, très majoritairement favorables à l'abandon du nucléaire. Ce faisant, elle risque sa crédibilité politique et se met à dos les grandes entreprises de l'énergie, exploitants des 17 réacteurs nucléaires allemands avec qui elle avait négocié la loi sur le nucléaire.

La contre-attaque des patrons

Prises à froid, celles-ci préparent une contre-attaque qui pourrait coûter cher. La décision de Merkel, « est une décision à très court terme à laquelle nous ne nous attendions pas et que nous considérons inutile en terme de sécurité », a déclaré Gerd Jäger, chef de la division nucléaire de RWE en annonçant que les coûts liés aux fermetures des centrales seraient répercutés sur les prix à la consommation.

De son côté, le patron du numéro un allemand de l'énergie EON Johannes Teyssen a prévenu que le risque d'une coupure d'électricité géante avait « nettement augmenté » : « En mai, quatre réacteurs supplémentaires vont être débranchés du réseau pour des révisions de routine, ce qui signifie que la production d'électricité dans le sud de l'Allemagne va nettement baisser. Le réseau n'est pas préparé à de telles modifications régionales », a-t-il précisé. Une crainte que l'Agence fédérale pour l'Energie ne partage cependant pas.

Par ailleurs, les avocats des quatre grands électriciens allemands (EON, RWE, EnBW et Vattenfall), se préparent à lancer plusieurs plaintes contre le gouvernement fédéral. Les raisons ne manquent pas. La fermeture des 7 centrales pourrait en effet les priver d'au moins 2 milliards d'euros de revenus par an. Dans ces conditions, ils ne voient pas pourquoi ils cotiseraient, comme prévu, au fond de soutien des énergies renouvelables. Ils considèrent par ailleurs que le changement de politique de Merkel rend caduque le nouvel impôt sur le combustible nucléaire, qui doit remplir les caisses publiques à hauteur de 2,3 milliards d'euros. Enfin, ils estiment que le moratoire de trois mois décidé par la chancelière n'a aucune pas de base légale.

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