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28 juin 2014

L'étrange homme d'affaires de la Mnef

L'EXPRESS

L'étrange homme d'affaires de la Mnef

Par Nouzille Vincent, publié le 24/09/1998

 

De nombreux financiers ont profité des montages de la mutuelle étudiante. Wilson Bihi Zenou n'était pas le dernier


La Mnef n'a pas fini de provoquer des vagues. Le départ annoncé fin septembre d'Olivier Spithakis, l'homme qui tenait la mutuelle étudiante d'une main de fer depuis treize ans, et la nomination d'un administrateur provisoire semblent clore un premier chapitre de ce scandale. Mais une autre ère commence. Celle de la foire d'empoigne des prochaines élections à la Mnef, dont les 820 000 clients attirent les convoitises. Et, bien sûr, celle des enquêtes judiciaires. Les dérives constatées par la Cour des comptes ont conduit le parquet à ouvrir, le 9 septembre, une première information judiciaire contre X pour "faux, usage de faux, abus de confiance, recel" et "prise et conservation illégale d'intérêts" sur les relations de la Mnef avec trois sociétés de communication. Une enquête préliminaire a également été confiée à la brigade financière sur le fonctionnement global de la Mnef et de ses filiales. 

Une véritable boîte de Pandore qui inquiète l'entourage de Lionel Jospin. Car la Mnef est, de longue date, un fief socialiste. D'anciens syndicalistes étudiants, comme Julien Dray, député de l'Essonne, ou Manuel Valls, conseiller pour la communication de Matignon, y ont fait leurs premières armes. Jean-Marie Le Guen, patron de la fédération socialiste de Paris, a été médecin-conseil de la Mnef durant plusieurs années, et Jean-Christophe Cambadélis, secrétaire national du PS, a été appointé par ses satellites. La mutuelle a également servi de "refuge" à des membres de cabinets ministériels de gauche sur le pavé. Entre deux maroquins, Dominique Strauss-Kahn a même été consultant occasionnel de la Mnef. Des emplois fictifs? Olivier Spithakis - qui fut candidat socialiste à Aubagne - s'en défend: "J'ai fait travailler des gens compétents." 

Cette proximité est aujourd'hui en question, principalement à cause des liens très privilégiés de la Mnef avec l'agence de publicité parisienne Policité. Installée avenue d'Italie, à côté de filiales de la mutuelle, cette agence privée est dirigée par Gérard Obadia, époux de la directrice de la communication de la Mnef... et ancien secrétaire de section du PS dans le XIIIe arrondissement. Policité s'est occupée de la communication électorale de dirigeants socialistes: Jean-Marie Le Guen, Dominique Strauss-Kahn, Pierre Moscovici... Elle a aussi été chargée de la campagne de la Journée de l'Europe, le 9 mai dernier, patronnée par le ministre délégué aux Affaires européennes, Pierre Moscovici. "Gérard Obadia est connu comme le loup blanc au parti, affirme un cacique du PS. C'est un bon professionnel. Mais aujourd'hui les élus paniquent à l'idée d'être mêlés aux histoires de la Mnef." Ce volet, politiquement sensible, ne constitue cependant qu'une partie des investigations judiciaires à venir. Car la nébuleuse opaque de sociétés qu'Olivier Spithakis a constituée autour de la Mnef ces dernières années commence tout juste à livrer ses secrets. 

Selon les informations recueillies par L'Express, un homme d'affaires a joué un rôle central, aux côtés de Spithakis, dans la plupart des montages financiers. Il s'appelle Wilson Bihi Zenou. Né à Alger, installé à Vincennes, ce Français de 54 ans, "discret et efficace", selon ses proches, est un touche-à-tout. A la fin des années 80, il possède des intérêts dans des sociétés de télématique et d'informatique, notamment à Marseille, avec François Bernardini, alors élu d'Istres, aujourd'hui patron de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône. A l'époque, il est également consultant pour le compte des sociétés de services informatiques Cisi et Asystel auprès de plusieurs mutuelles. C'est ainsi qu'il fait la connaissance d'Olivier Spithakis, dont il devient, sans avoir aucune fonction à la Mnef, l'homme à tout faire. "C'est vrai que j'ai souvent eu recours à lui comme monteur d'affaires et comme pompier", reconnaît Spithakis. 

L'activisme de Zenou dans l'orbite de la Mnef est étonnant. Première curiosité: en août 1990, il crée une société civile immobilière baptisée - cela ne s'invente pas! - "Entre nous". Celle-ci a pour objet "l'acquisition [...] et l'exploitation d'un bien immobilier sis 25, rue Tiphaine, 75015 Paris". Or cet immeuble, que le PDG d'Asystel, Alain Obadia, avait acquis - selon Le Canard enchaîné - pour 6,7 millions de francs en 1988, est officiellement vendu à la fin de 1990 à la Mnef au prix de 16,3 millions après travaux. Une belle affaire! La SCI Entre nous a-t-elle joué un rôle dans cette transaction? "Non. J'ai simplement acheté un appartement dans cet immeuble", nous a expliqué Zenou. Visiblement en confiance, le patron de la Mnef lui confiera pourtant le soin d'acquérir en 1992 une partie des bureaux marseillais des mutuelles satellites de la Mnef (MIF, MIJ, Misec, UTMP). Zenou n'est pas seulement un agent immobilier. A la tête d'une autre structure, la SCP Aktion, installée curieusement 25, rue Tiphaine, l'homme d'affaires entre, au début des années 90, dans le capital de la société Iram. Cette société de courtage d'assurances, fondée par Marc Rozenblat, ancien président de l'Unef-Id, proche de Spithakis et de Cambadélis, prospère en vendant des contrats auto et multirisques aux clients de la Mnef. "Une activité classique d'entrepreneur", plaide Rozenblat. Sa position privilégiée auprès de la mutuelle lui permet de vendre en janvier 1996 la très rentable Iram, pour 41 millions, au groupe privé Figeris, animé par un jeune financier français formé aux Etats-Unis, Jean-Christophe Chopin. "Nous avons négocié au plus serré", explique ce dernier. Séduit par les projets de Chopin, Spithakis fait au même moment entrer la Mnef à hauteur de 49% dans le capital de Figeris. 

"Je n'y ai pas fait de choux gras"
Résultat: grâce à ce rachat financé partiellement avec l'argent de la Mnef, Rozenblat touchera près de 17 millions de francs. Et son principal associé, la SCP Aktion, quelque 15 millions. "Je n'étais plus que le gérant d'Aktion, avance Zenou. C'est Kléber qui a touché la plus-value." Kléber? Une société pilotée par un héritier du groupe de négoce international Sucres et Denrées, impliqué dans de mystérieuses affaires en Amérique du Sud, et encore plus énigmatique que Zenou. 

Et ce n'est pas tout. En 1996, Spithakis décide de fusionner sa filiale Mindsoft avec le groupe marseillais Consult, un éditeur de progiciels spécialisés, en prenant 44% de ce nouvel ensemble. Zenou participe au montage financier et préside la holding financière Consult, qui coiffe l'opération. "J'y ai mis tout mon savoir-faire", s'enorgueillit-il. Quelques mois après, il disparaît du conseil d'administration. "Je ne le connais pas", s'étonne Jean-Claude Cohen, actuel PDG de Consult, quand on l'interroge sur le rôle de Zenou. 

Toutes les diversifications menées par Spithakis semblent intéresser cet homme d'affaires. Il empoche, par exemple, 2 millions en revendant en 1996 à la Mnef des parts de Médiajeunes, une société de vente d'espaces publicitaires dont il avait acquis des actions quelque temps auparavant. Il s'immisce aussi dans le capital d'Espaces U, chargé par la Mnef de gérer des résidences pour étudiants. En mai 1997, il crée également Planète Campus, une société d'édition de CD-ROM dont il laisse, quelques mois après, la gérance à son ami Gérard Obadia... 

Zenou fut également gérant, comme Libération l'a révélé, de Derya Tours, une société de location d'un bateau, établie à Bastia, au capital de laquelle ont notamment figuré Médiajeunes, Policité et Iram. Accompagné de ses proches, Spithakis loua plusieurs fois son bateau pour des croisières. "Je ne savais pas qui en était propriétaire", dit-il. 

L'omniprésent Zenou a- t-il simplement profité d'occasions offertes par son ami Spithakis? A-t-il rendu d'autres services? Seuls les enquêteurs pourront éclaircir le rôle exact de cet intermédiaire: "Il nous a dépannés. Il a gagné de l'argent, et la Mnef aussi", assure Spithakis. "La Mnef était pour moi un énorme champ d'investigation intellectuelle, mais je n'y ai pas fait de choux gras", explique Zenou, en chiffrant à seulement 4 ou 5 millions sur quinze ans les revenus de ses relations avec la mutuelle.
Le directeur général de la Mnef était, en tout cas, suffisamment proche de Zenou pour lui confier ses affaires personnelles. Ayant acquis depuis 1985 45% des murs de la galerie commerciale du Géant Casino d'Istres - la ville de son ami François Bernardini, dont il avait fait sponsoriser le club de football par une mutuelle - Spithakis a demandé à Zenou de lui trouver un acheteur. "J'ai envoyé mes bilans à M. Zenou", se souvient Jean-Louis Maquin, promoteur et copropriétaire de la galerie. Affaire réglée: la cession de ses parts devrait rapporter entre 1,5 million et 2 millions de francs à Spithakis, dans les mois qui viennent. De quoi préparer son avenir! 


En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/informations/l-etrange-homme-d-affaires-de-la-mnef_630392.html#UJI6gzTBO5fQM9Zh.99
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