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24 janvier 2016

Valls, Bianco, Badinter et la laïcité : ma réponse au Premier ministre

Dans la lignée des dérives - censures et contraintes contre lesquelles la LDH et le Syndicat des avocats commencent à réagir - de ce gouvernement?... On le dirait bien.



*

Valls, Bianco, Badinter et la laïcité : ma réponse au Premier ministre

 

 

Publié le 21-01-2016 à 11h28 - Modifié le 22-01-2016 à 19h15

Par Thomas Guénolé    Politologue

Sur le plus Obs

 

Depuis que Manuel Valls a reproché à Jean Louis Bianco, président de l'Observatoire de la laïcité, d'avoir signé une tribune aux côtés d'organismes qu'il juge contestables, les deux hommes s'écharpent. Au coeur du débat : la laïcité. Notre chroniqueur Thomas Guénolé estime que l'attitude du Premier ministre est contradictoire. Il a souhaité lui répondre.

Édité par Anaïs Chabalier  Auteur parrainé par Mélissa Bounoua

Monsieur le Premier ministre,

 

Le 15 novembre 2015, en réponse aux attentats ayant à nouveau frappé Paris, "Libération" publia la pétition "Nous sommes unis", portée par des personnalités politiques, intellectuelles, associatives, religieuses, de tous horizons. Cet extrait résume l’esprit du texte :

"Les terroristes nous ont adressé un message. Ils ont voulu mettre la France à genoux. Disons-leur à notre tour que nous sommes debout ! Debout et soudés, main dans la main, les uns avec les autres et jamais les uns contre les autres. Notre unité est notre bien le plus précieux."

 

M. Valls, vous nous avez pris à partie

Le 18 janvier 2016, lors d’une conférence-débat organisée par l’association des Amis du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), vous avez déclaré ceci :

"On ne peut pas signer des appels, y compris pour condamner le terrorisme, avec des organisations que je considère comme participant du climat que l’on a évoqué tout à l’heure" ; en l’occurrence un "climat nauséabond".

Engagé dans le débat d’idées de notre pays, je fais partie des premiers signataires de l’appel "Nous sommes unis". Puisque vous nous avez pris à partie, j’ai souhaité vous répondre au moyen de cette lettre ouverte.

 

Votre déduction est diffamatoire

Premièrement, votre propre attitude est en contradiction avec votre argument, ce qui le rend caduque. En effet, lors de la grande manifestation du 11 janvier 2015 pour défendre les valeurs de la République, vous avez défilé notamment aux côtés de :

- M. Nizar al-Madani, numéro deux de la diplomatie saoudienne, alors que l’Arabie saoudite est une dictature pratiquant la peine de mort par décapitation;

- M. Ali Bongo, président gabonais, alors que le Gabon est une dictature claniste ;

- M. Sameh Choukry, ministre égyptien des Affaires étrangères, alors que l’Égypte est une oligarchie militaire pratiquant les arrestations arbitraires de journalistes, d’opposants, ou encore d’homosexuels ;

- M. Ahmet Davotoglu, Premier ministre turc, alors que la Turquie pratique la persécution judiciaire et policière des médias d’opposition ;

- et ainsi de suite.

Personne n’en déduit qu’avoir défilé avec ces personnalités ferait de vous un partisan de la peine de mort par décapitation, de la dictature, ou des arrestations arbitraires d’homosexuels. Une telle déduction serait stupide et diffamatoire.

Réciproquement, vous ne pouvez pas déduire d’un appel signé par diverses personnalités et associations qu’elles partagent toutes les positions de tous les autres signataires : ce serait tout aussi stupide et tout aussi diffamatoire.

 

Votre instrumentalisation est indécente

Deuxièmement, comme politologue, j’ai constaté que depuis les attentats de janvier 2015 vous déployez un véritable plan complet de communication politique autour de "l’esprit Charlie".

Ce plan est construit sur un sophisme qu’on pourrait résumer comme suit :

"1. Face au terrorisme il faut faire preuve d’unité ;

2. C’est moi qui vous dis qu’il faut faire l’unité ;

3. Donc, c’est derrière moi qu’il faut faire cette unité."

 

Ce stratagème particulièrement grossier constitue une insulte envers l’intelligence collective des Français. Par ailleurs, en conscience, je dois vous écrire que cette instrumentalisation des morts des attentats à des fins de construction de votre image de marque est profondément indécente.

 

La laïcité n’est pas un principe d’hostilité  

Troisièmement, lors de cette même conférence-débat du 18 janvier, vous avez également pris à partie M. Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, parce qu’il a vivement reproché à Madame Elisabeth Badinter ses propos tenus sur la laïcité et l’islamophobie.

Vous avez notamment déclaré que l’Observatoire "ne peut dénaturer" le principe de laïcité et qu’"un collaborateur d’une organisation de la République ne peut pas s’en prendre à une philosophe comme Elisabeth Badinter".

Or, au sens strict de la loi de 1905, la laïcité n’est pas un principe général d’hostilité envers les croyances présentes parmi la population (ou envers leurs manifestations visuelles). La laïcité de la loi de 1905, c’est la stricte neutralité de la puissance publique en matière spirituelle, y compris dans l’agencement de ses locaux ou l’accoutrement de ses élus et fonctionnaires.

Ce n’est pas, en revanche, un devoir de neutralité des habitants du pays ou des usagers des services publics. De fait, la laïcité empêche qu’un crucifix soit cloué au mur d’un hôpital public ou qu’une institutrice porte le voile dans l’exercice de ses fonctions ; mais elle n’interdit pas à un juif pratiquant de porter sa kippa s’il se rend, dans un collège public, à une réunion de parents d’élèves.

 

Elisabeth Badinter dénature la laïcité

Une fois ces éléments rappelés, ce sont donc des personnalités comme Elisabeth Badinter qui dénaturent la laïcité dans leur façon de l’imaginer et de la présenter.

En outre, le fait que Madame Badinter soit une éminente philosophe française ne constitue pas un argument d’autorité qui interdirait à "un collaborateur d’une organisation de la République", ou à quiconque d’ailleurs, de lui porter la contradiction. La grande tradition de la philosophie elle-même plaide plutôt, Monsieur le Premier ministre, en sens exactement contraire.

Pour ne prendre qu’un exemple, Socrate érigea en clé de voûte de son enseignement philosophique le développement de l’esprit critique : qu’aurait-il pensé d’un chef de gouvernement estimant déplacé que quiconque contredise son enseignement ?

 

Votre gouvernement a accumulé les défaillances

Enfin, pour reprendre les mots d’Emmanuel Todd, que vous aviez pris à partie sur la teneur de son livre "Qui est Charlie ?", cette énième controverse lors de laquelle vous vous autoproclamez vigile en chef de "l’esprit Charlie" donne décidément de vous l’impression d’un "Premier ministre désœuvré".

La France fait face à une menace terroriste sans précédent depuis la guerre d’Algérie : votre gouvernement a accumulé les erreurs et défaillances en la matière, ce qui nous conduit, attentats après attentats, à pleurer nos morts du fait de vos échecs.

De plus en plus de Français, par millions, s’enfoncent dans le chômage, la précarité et l’appauvrissement : votre gouvernement est sur ce plan, incontestablement, en état d’échec cuisant. Dans pareil contexte, vous voir consacrer du temps et de l’énergie à des polémiques stériles a, là aussi, quelque chose d’indécent.

 

Je vous demande vous remettre au travail

En tant que régime politique, la démocratie libérale implique d’une part que les citoyens, via leurs représentants élus, nomment et révoquent les détenteurs du pouvoir politique ; et d’autre part, que ces derniers rendent des comptes aux citoyens.

En d’autres termes : Monsieur le Premier ministre, vous êtes notre employé. Étant votre co-employeur aux côtés de millions de Français, je vous demande donc de vous remettre au travail au lieu de vous divertir en artifices de communication superficielle, en argumentations erronées, et en polémiques vaines.

 

Je vous prie, Monsieur le Premier ministre, de bien vouloir agréer l’expression de mes salutations républicaines.

 

 SOURCE : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1471761-valls-bianco-badinter-et-la-laicite-ma-reponse-au-premier-ministre.html

 

 *

QUELQUES COMMENTAIRES sur le site:

 

David Weber a posté le 22 janvier 2016 à 20h27

Pétition adressée à Au Président de la République et au Premier ministre
SOUTENONS JEAN-LOUIS BIANCO ET NICOLAS CADENE
Ligue de l'enseignement
https://www.change.org/p/au-pr%C3%A9sident-de-la-r%C3%A9publique-et-au-premier-ministre-soutenons-jean-louis-bianco-et-nicolas-cadene?recruiter=45797312&utm_source=share_petition&utm_medium=twitter&utm_campaign=share_twitter_responsive

Adressée à Au Président de la République et au Premier ministre
SOUTENONS JEAN-LOUIS BIANCO ET NICOLAS CADENE

L’Observatoire de la laïcité, son président et son rapporteur, sont la cible d’attaques aussi injustifiées que dénuées de fondement. Les associations signataires du présent appel sont investies de façon historique sur la laïcité. Elles sont présentes chaque jour sur le terrain pour la faire vivre dans la vie quotidienne, aussi bien par leurs actions que par leurs publications. Elles ont ainsi pu mesurer l’apport de l’Observatoire de la Laïcité dès sa création. Ses avis, ses rapports annuels, ses communiqués, ses guides pratiques, les multiples interventions de son président et de son rapporteur dans les débats avec les acteurs de terrain… sont pour elles un apport précieux qui nourrit à la fois le fond théorique et la mise en œuvre concrète du principe de laïcité de la République. L'Observatoire n'est ni une autorité qui impose, ni un pouvoir judiciaire qui tranche. Il éclaire le débat et la recherche laïque. Il a un rôle de conseil et non de décision. Son apport juridique est incontestable. Ses avis et ses recommandations, donnant la loi et rien que la loi, sont nécessaires. Leur mise en œuvre peut légitimement être discutée à condition que ce soit de façon rationnelle et dans le respect mutuel.

Les associations signataires appellent les organisations et les personnes qui se reconnaissent, au-delà de la diversité d’opinions, d’objectifs, de pratique, dans ces simples principes profondément laïques à signer la pétition soutenant Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène pour qu’ils poursuivent leur action au sein de l’Observatoire de la laïcité dans la fidélité aux principes de la loi du 9 décembre 1905.

Fédération Nationale de la Libre Pensée

Ligue des Droits de l’Homme

Ligue de l’enseignement

 

...

 

David Weber a posté le 22 janvier 2016 à 19h22

"toujours prêts à citer les valeurs de la République pour défendre ses pires ennemis"
Vous faites sans doute allusion à M.Valls qui se réfère à la République pour un oui ou un non (il n'est pas le seul) et qui joue, de plus en plus, le rôle de l'idiot utile en chef du FN , n'est ce pas ?
Car enfin, le lieu qu'a choisi le premier ministre pour lancer ces invectives était le pire que l'on pût imaginer. Était-ce le Premier ministre de la France qui s'exprimait ? Ou M. Valls n'était-il que le porte-voix de la "communauté" dont il était l'hôte?

 

 

David Weber a posté le 22 janvier 2016 à 16h56

"Non, Elisabeth Badinter ne dénature pas la laïcité. Car il y a clairement deux lectures de ce qu'elle est censée être :
- l'une permissive, qui frôle le communutarisme et admet tous les signes ostentatoires religieux dans l'espace public
- l'autre stricte, qui refuse cette communautarisation de la société et nie le droit de manifester en tout lieu public son appartenance religieuse."

PTDR !

Il ne s'agit en rien d'un conflit entre partisans d'une « laïcité molle » et d'une « laïcité dure ». A ceux qui en douteraient, la vigoureuse défense de l'Observatoire par la Fédération nationale de la Libre-Pensée le prouve : " propos d’une campagne de délation menée contre l’Observatoire de la laïcité : Entre précieuses ridicules et Vychinski d’opérette "
https://blogs.mediapart.fr/libre-pensee/blog/190116/propos-d-une-campagne-de-delation-menee-contre-l-observatoire-de-la-laicite

Rappelons- pour ceux qui l'auraient oublier- que la FNLP est à l'origine des actions de Justice contre la présence des crèches de noël dans les bâtiments publics dont on a beaucoup entendu parlé dans les médias.
La Libre-Pensée critique certaines positions prises par l'Observatoire. Mais elle estime cela « normal dans un débat démocratique ». Elle trouve, en revanche, « inacceptables » les attaques contre cet organisme et dénonce les « conceptions liberticides » d'« Inquisiteurs d'un temps nouveau ».

 

 

David Weber a posté le 22 janvier 2016 à 20h14

Parlons en de l’État d'urgence : 3000 perquisitions pour... 4 mises en examen pour terrorisme...

2 actes de terrorismes : http://www.20minutes.fr/societe/1761431-20160107-direct-paris-homme-abattu-devant-commissariat
http://www.20minutes.fr/societe/1758263-20160101-valence-homme-fonce-voiture-quatres-militaires-postes-devant-mosquee

Quelle efficacité ?
mais c'est surtout cela l’État d'urgence : des bavures à n'en plus finir
http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2016/01/22/etat-d-urgence-le-conseil-d-etat-suspend-pour-la-premiere-fois-une-assignation-a-residence_4852070_1653578.html
http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/etat-d-urgence-defenseur-des-droits-jacques-toubon-liste-exces-1204924

 

 

 

David Weber a posté le 22 janvier 2016 à 21h10

Et que dire du travail de nos parlementaire qui réfléchissent nuits et jours pour lutter contre le terrorisme...
" Les sénateurs votent l'interdiction des coton-tige en plastique"
http://www.senat.fr/amendements/2014-2015/608/Amdt_50.html 
J’attends vivement qu'on en face de même pour les sucettes... 
Ils ont voté l'Etat d'urgence donc ils ont l’esprit tranquille pour redresser la France...

 

 

 

Charles Mathey a posté le 22 janvier 2016 à 13h19

Comment et pourquoi décide-t-on qu'un-tel ou qu'une-telle est un-une philosophe et que son propos doit faire autorité ?
Parce qu'il-elle est prof ? Parce qu'il-elle a étudié la philosophie ? Parce qu'il-elle a prononcé, un jour, une phrase sortant du commun ?
Parce que ses amis(es) politiques l'on mis(se) mise au premier plan ? Ou parce que les médias l'on décidé ainsi ?
Etudier, travailler, voire enseigner et parler, ne signifie pas pour autant que l'on soit doté(e) d'une pensée supérieure et que l'on doive s'ériger en guide.
Seuls, souvent, les médias et quelques amis le supposent... Et l'imposent.
Un peu d'humilité ne ferait pas de mal à tout ce petit monde.

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