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13 novembre 2016

Sionisme et wahhabisme, piliers de l’Empire Par Bruno Guigue

mardi 8 novembre 2016, par Comité Valmy

 

 

Sionisme et wahhabisme, piliers de l’Empire

Les bombes larguées par la « coalition arabe » s’abattent sur le Yémen. L’aviation israélienne reprend ses raids meurtriers contre Gaza. Au bord de la Méditerranée comme dans les confins méridionaux de la péninsule arabique, les engins de mort fournis par un Occident complice font leur sinistre besogne. Interrogé sur les ventes d’armes à l’Arabie saoudite, le premier ministre français Manuel Valls a répondu qu’il se battait pour la préservation de l’emploi. Mais il ne dit pas un mot pour les milliers de victimes civiles des bombardements saoudiens.

Adepte du « leading from behind », le leadership en retrait, l’administration Obama utilise habilement la politique française. Le Congrès ayant levé le veto présidentiel, les familles des victimes du 11-Septembre pourront porter plainte contre Riyad. Mais cette ténébreuse affaire ne devrait pas porter préjudice aux relations entre les deux pays. Sans doute parce que ces relations relèvent de la structure, et non de la conjoncture. Avec Israël, la maison Saoud est l’une des pièces maîtresses de l’hégémonie régionale des États-Unis.

La découverte des principaux gisements de la péninsule arabique, dans les années 1930, favorisa une alliance qui fut scellée par le pacte du Quincy en 1945. De plus, la doctrine rétrograde de la monarchie wahhabite présentait un gage rassurant de conservatisme social. Unis dans une même aversion pour les idées communistes et une même fascination pour la réussite individuelle et le marché libre, le puritanisme anglo-saxon et le rigorisme wahhabite étaient au diapason.

Devant la triple menace qui se profila successivement à partir des années 1950 (le communisme pro-soviétique, le nationalisme arabe, puis la révolution iranienne), Washington a joué la carte de l’obscurantisme religieux, meilleur moyen de s’opposer aux tentatives de développement moderne et autocentré que représentaient à leur époque l’Égypte nassérienne, le Yémen républicain, l’Irak baasiste, la République islamique d’Iran et la Syrie d’Al-Assad.

Rempart contre l’influence soviétique, antidote au nationalisme arabe laïc et progressiste, opportun concurrent de la subversion chiite iranienne : Washington a prêté au radicalisme religieux sunnite toutes les vertus. En échange du pétrole, les États-Unis laissèrent le champ libre à la richissime monarchie wahhabite, qui inonda de ses pétrodollars un immense réseau d’officines dans l’ensemble du monde musulman. La dynastie saoudienne fournit aussi aux États-Unis un partenaire économique et financier de premier plan. Les Saoudiens détiennent des participations conséquentes dans le capital des multinationales, et ils ont investi une partie de leurs excédents en bons du Trésor américain (116 milliards de dollars).

 

Riyad-Tel-Aviv-Washington, un ménage à trois

En même temps qu’ils nouaient un pacte d’intérêt mutuel avec l’Arabie saoudite, les États-Unis cultivèrent une relation privilégiée avec Israël. Pour Washington, cette double alliance n’avait rien de contradictoire, même lorsque l’Arabie saoudite se livrait à des imprécations verbales contre l’entité sioniste. Il y a d’ailleurs longtemps que cette rhétorique est passée de mode à Riyad. Israël et l’Arabie saoudite ont noué des relations financières et sécuritaires de moins en moins discrètes. Fait inédit, un membre influent de la famille royale a ouvertement déclaré qu’entre l’Iran et Israël, il choisissait Israël.

Comme l’Arabie saoudite, l’État hébreu entretient avec les États-Unis des rapports fusionnels. Mais, contrairement à l’Arabie saoudite, Israël n’est pas un État étranger. Entre les élites des deux pays règne une véritable osmose. L’Arabie saoudite est un allié privilégié, mais Israël est beaucoup plus qu’un allié. C’est un miroir où la « nation exceptionnelle » peut contempler son modèle.

Dans l’imaginaire protestant, Israël est le peuple élu dont une Amérique admirative reproduit l’épopée. L’Amérique est le second Israël voué à civiliser le Nouveau Monde en y répandant les bienfaits de la libre entreprise. On ne comprend rien à l’osmose entre les deux pays si l’on oublie cette croyance commune en leur « destinée manifeste ». De même que les Saoudiens attribuent leur richesse pétrolière à la providence divine, les élites israélo-américaines se croient choisies par Dieu pour guider les nations.

Sous l’influence des lobbies issus de la communauté juive, la politique extérieure des États-Unis sert d’abord les intérêts sionistes. L’immunité internationale d’Israël est garantie par le droit de veto au Conseil de sécurité de l’Onu. Comme les précédentes, l’administration Obama n’a pas bougé le petit doigt contre la colonisation israélienne des territoires palestiniens. Mieux encore, elle a accordé à Tel-Aviv une aide militaire pluriannuelle sans précédent (38 milliards de dollars). Le résultat ne s’est pas fait attendre. La banque d’affaires Goldman Sachs (de sinistre mémoire) a annoncé son soutien officiel à Hillary Clinton.

Le centre nerveux de l’Empire réside à Wall Street. Le complexe militaro-industriel est son bras séculier. Mais pour exercer sa domination au Moyen-Orient, l’Empire s’appuie sur ses piliers israélien et saoudien. Appendice colonial de l’Occident, Israël est un garde-chiourme, une force de frappe dotée de la technologie militaire dernier cri. L’Arabie saoudite est un mastodonte financier dont l’influence idéologique délétère vise à détourner la colère des masses musulmanes. Combinaison du hard power et du soft power, sionisme et wahhabisme sont les deux mamelles de la domination impériale.

 

 

Bruno Guigue
7 novembre 2016

Bruno Guigue, ancien élève de l’École Normale Supérieure et de l’ENA, Haut fonctionnaire d’Etat français, essayiste et politologue, professeur de philosophie dans l’enseignement secondaire, chargé de cours en relations internationales à l’Université de La Réunion. Il est l’auteur de cinq ouvrages, dont Aux origines du conflit israélo-arabe, L’invisible remords de l’Occident, L’Harmattan, 2002, et de centaines d’articles.

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