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30 janvier 2017

TRUMP - L’ovation du vol Baltimore-Seattle n’en est qu’un grésillement parmi des milliers....

Y a-t-il (encore) un commissaire dans l’avion?

Jan. 29 2017

L’incident a fait le tour des médias aux Etats-Unis et la vidéo qui le documente a été vue des million de fois. Dans un avion d’Alaska Airlines faisant la liaison Baltimore-Seattle, une femme d’âge respectable voyageant avec son conjoint a commencé par chercher querelle à son voisin de siège, puis elle a refusé de continuer le voyage à côté de cet individu et a exigé qu’on la déplaçât. Le personnel de cabine a refusé d’entrer dans son jeu et a alerté le capitaine. Lequel a fini par faire débarquer la forcenée, avec son ombre de mari.

Les querelles de passagers semblent monnaie courante sur les vols américains et elles prennent parfois des tournures autrement plus violentes. Le plus souvent, on s’écharpe pour un siège incliné qui incommode le passager de derrière et qu’on refuse de relever, pour un verre de trop ou d’autres vétilles du même ordre témoignant de l’incivilité infantile de certaines populations réputées civilisées. Mais le cas qui nous intéresse ici revêt une dimension tout autre. Le passager agressé, Scott Kotesky, était un supporter de Donald Trump rentrant de la cérémonie d’investiture. L’agresseuse, une femme revêche et autoritaire à l’allure de prof en préretraite, était de l’autre bord. Sitôt qu’elle eut identifié le suppôt du Donald, elle s’en est prise à lui comme s’il avait été personnellement responsable de l’élection d’un débile dangereux à la tête de l’Etat. «Vous prétendez que vous avez moralement raison, mais vous avez mis le doigt de cet homme sur le bouton nucléaire. Cet homme ne croit pas au changement climatique. Et vous, vous croyez à la loi de la gravité?», lui jette-t-elle à la figure.

Comme pour lui faire écho, les «consciences qui veillent» ont avancé de 30 secondes le compte à rebours de l’apocalypse nucléaire, nous mettant désormais à deux minutes et demie seulement de l’autodestruction de l’humanité. Sur un plan symbolique, bien entendu! Il n’empêche: l’accession de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis justifierait donc à elle seule ce bond dramatique vers le Jugement Dernier.

Le prolétariat culturel

Mais les fièvres ne s’arrêtent pas aux frontières américaines. L’épidémie est globale. Le week-end dernier, dans mon village des Alpes, des jeunes (ou pas?) ont imprimé sur le terrain de football enneigé un slogan visible d’avion, de l’orbite terrestre et peut-être même de la Lune: TRUMP WE HATE YOU!

Trump we hate you!Savièse, Valais, 20 janvier 2017.

Qu’est-ce qui a pu motiver, me suis-je demandé, ces jeunes (ou pas?) à piétiner si minutieusement une vaste surface de neige par des températures sibériennes? Quel impératif est assez puissant pour pousser un individu à crier de Savièse, Valais, Suisse, sa haine à un chef d’Etat d’outre-Atlantique avant même que celui-ci ait signé son premier décret? Si l’on peut comprendre la militante démocrate déçue par l’échec de son parti, quel rapport concret peut-il exister entre les piétineurs de Savièse et le résident de la Maison Blanche?

La seule explication vraisemblable, en l’occurrence, tient à l’intoxication médiatique, qui agit à la manière d’un champignon hallucinogène. Elle les rend insensibles à ce qui est et leur fait ressentir ce qui n’est pas. Le parti pris massif et unanime des médias globaux contre le candidat Trump a contaminé des millions de prolétaires culturels à qui l’on n’a jamais expliqué qu’ils pouvaient penser avec leur propre tête ni comment.

Or ce prolétariat-là n’est pas composé que de pauvres et d’exploités, loin de là. Les ouvriers, les artisans, et d’une manière générale les travailleurs physiques y sont moins nombreux, par exemple, que les étudiants, les avocats, les journalistes ou les assistants sociaux. Le prolétariat culturel est composé de gens qu’on a trop instruits pour qu’ils restent humbles, mais pas suffisamment pour les rendre intellectuellement souverains. Ce sont, comme les prolétaires de Marx, des travailleurs qui utilisent des moyens de production (le culture et le raisonnement) dont ils ne sont pas les détenteurs. Ils peuvent vous parler de Machiavel, de Spinoza, des idées du libéralisme ou de Salvador Dalì sans que tout cet héritage ait un véritable impact sur leur existence. Ils parlent des temples du savoir, mais ils ne les habitent pas. S’ils les habitaient, ils ne se laisseraient pas mener par l’anneau nasal comme un troupeau de bovins sitôt que les bergers sifflent la transhumance.

Ceux qui ont TOUJOURS raison

Ainsi en va-t-il de notre rombière tombée de l’avion, de toute évidence issue de la classe «instruite» avec ses lunettes sévères. Si elle habitait les valeurs fondamentales de la démocratie américaine, elle aurait raccroché ses rancoeurs partisanes le 8 novembre 2016 et considéré son voisin de rangée d’abord comme un concitoyen, et ensuite seulement comme un adversaire d’idées. Mais elle n’en était pas capable. Son comportement était irrationnel, brutal et poussait l’intolérance jusqu’à la répugnance physique envers les gens qui ne pensent pas comme elle. Un comportement de hooligan, de supporter de foot, de petite frappe. Bref, le genre d’attitude «raciste» que le camp démocrate prête justement au président élu et à ses partisans, décriés comme des barbares et des «rednecks»!

A cette différence près, justement, que les «conservateurs» ne se comportent pas ainsi à l’encontre de leurs adversaires gauchistes. En Europe, par exemple, le 99% des agressions délibérées et organisées contre l’expression publique d’idées est le fait des Antifas, souvent soutenus et subventionnés par les collectivités publiques. Et l’on imagine mal une expédition nocturne de jeunes du FN ou de l’UDC, en 2008, pour inscrire sur un terrain de foot un slogan du genre Obama we hate you! Cette haine à la fois grégaire, puérile et abstraite, quoi qu’en disent les directeurs de pensée, ne se rencontre qu’«à gauche».

Je l’ai écrit ailleurs, mais il me faut le répéter ici. Cette haine est une caractéristique essentielle de l’idéologie de nivellement planétaire qu’on appelle par simplification «de gauche». Elle procède de la structure même de cette idéologie, largement inspirée dans son développement par la pensée jésuite (1) soutenant que «la fin justifie les moyens». Si le but du voyage sanctifie les voies empruntées pour y parvenir, et si ce but est absolument sublime (paix, égalité, solidarité, fraternité universelles, etc.), alors il n’est aucune voie d’accès, fût-elle la plus tortueuse, qui ne soit en fin de compte acceptable.

C’est pourquoi les «avant-gardes» qui s’autoattribuent la mission de nous y conduire sont a priori exonérées de toutes leurs inconduites. Et c’est là, au détour de cet alibi moral, que la vieille nature humaine vient reprendre son dû. Emancipés de toute règle de conduite autre que le succès de leur projet, les bien-pensants tombent dans des comportements qui dans une société traditionnelle relèvent de la crapule. Parjure, traîtrise, violence, mensonge, prévarication, sont des vices qui n’existent tout simplement pas dans un monde où le mot crée la réalité! D’où le fameux dialogue des deux bolcheviks qui inaugure le concept même du «politiquement correct»:

«Camarade, ton affirmation est factuellement erronée.

— Certes, camarade, mais elle est politiquement correcte!»

Un monde parallèle

Depuis la faillite de l’appartement-témoin de l’illusion gauchiste, l’URSS, et la débâcle subséquente de ses partis et organisations satellites, son idéologie s’est répandue dans le monde comme un essaim chassé de sa ruche. Davantage encore que les milieux politiques, les universités et les médias sont devenus les sanctuaires et les musées d’un projet néfaste, irréalisable et amplement démenti dans chacune de ses tentatives d’application. D’où l’aveuglement corporatif de la caste pensante face à une situation globale que les gens dépourvus de vernis intellectuel comprennent très aisément.

Pour revenir à l’objet de notre querelle de cabine, l’abhorré Donald Trump a commencé son mandat en faisant ce qu’il avait promis, entre autres en s’attaquant immédiatement à la peste de l’Etat islamique et en échangeant des informations stratégiques avec les Russes, ce que l’angélique Obama avait refusé de faire. Il s’engage à renouer le dialogue et à faire baisser la tension avec l’autre superpuissance nucléaire, ce qui a immédiatement eu pour effet d’éloigner d’un cran la menace de l’apocalypse, non de la rapprocher! Il exhorte l’industrie américaine à rapatrier ses usines, donc à redonner du travail au «rust belt» profondément sinistré qui recouvre tout l’intérieur des Etats-Unis. Si l’auteur de ces initiatives était venu du camp démocrate, les piétineurs de stades de foot et les pimbêches quérulentes réclameraient déjà pour cet humaniste un nouveau Nobel de la Paix! Mais Trump ne sera jamais jugé sur ses actes, pas plus qu’Obama: l’un aura toujours tout faux, l’autre toujours tout juste quoi qu’il fasse. Lorsque les bien-pensants auront eu la peau de Trump et qu’ils déclencheront la guerre civile, voire mondiale, ils continueront d’incriminer les forces de la réaction. Comme ils vivent dans un monde parallèle, aucun démenti d’ici bas ne peut les forcer à se remettre en question.

Ah, un dernier détail…

J’allais presque oublier un point de détail, mais qui modifie radicalement notre lecture de l’événement. La rombière enragée qui s’était proclamée commissaire politique sur Alaska Airlines n’a pas quitté l’avion avec les éloges du public. Bien au contraire. Son départ a été salué par les applaudissements nourris de la majorité silencieuse qui occupait la cabine. C’est tout le sel de ce sketch et la principale raison de sa popularité. Les événements survenus depuis 2016 sont des craquements profonds qui signalent la débâcle d’une épaisse banquise. L’ovation du vol Baltimore-Seattle n’en est qu’un grésillement parmi des milliers. Comme les phénomènes naturels, ce dégel n’est ni bon ni mauvais: il est et il faut s’en accommoder. Les partis et les médias qui restent sourds à ce mouvement tectonique sont condamnés à disparaître.

…et un post-scriptum

L’annonce de la fermeture prochaine d’un magazine historique, L’Hebdo, a ébranlé le paysage médiatique et culturel suisse. La jubilation de certains milieux — essentiellement les souverainistes que ce magazine combattait — est compréhensible, mais elle n’est ni digne ni avisée. J’avais prévu d’en parler dans cet article, mais la rédaction de L’Hebdo m’a demandé de livrer mon opinion dans son ultime numéro. Je la relaierai dans le prochain Antipresse.

Slobodan Despot, Antipresse 61 | 29.1.2017.

NOTE

(1): Voir à ce sujet: Marxisme et Jésuitisme de Nikola Milošević, éd. L’Age d’Homme.

SOURCE : http://antipresse.tumblr.com/post/156530546513/y-a-t-il-encore-un-commissaire-dans-lavion?utm_content=bufferfbe42&utm_medium=social&utm_source=facebook.com&utm_campaign=buffer 
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Commentaires
D
Excellent article, merci !
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