Besancenot entre Guévara et Findus
C'était aujourd'hui la seule après-midi de débat en séance plénière au congrès du NPA. Où les épigones de Besancenot n'avaient qu'une obsession : empêcher toute unité d'action aux prochaines élections européennes.
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Mai
68 ne datait que de quelques mois. Nous étions au début de l’année 1969
et la France active, était hérissée de milliers de comités d’action
issus de la grande grève générale dans les lycées, les facs, les
quartiers et même certaines usines et dans les bureaux. Dans ces
comités d’action, les militants trotskistes devaient ferrailler contre
ceux d’autres organisations, maos, anars, et surtout palabrer avec des
dizaines de milliers « d’inorganisés ». C’est alors que la direction de
la Ligue communiste, Alain Krivine et Daniel Bensaïd, imposèrent une
ligne d’un sectarisme inouï : il fallait convaincre tous les membres de
ces comités de se tranformer en Comités rouge de sympathisants de la
future Ligue communiste. Seuls trois mille d’entre eux environ furent
séduits par cette offre politique. Et quelques mois plus tard, les
comités rouge devinrent la colonne vertébrale de la candidature Krivine
à l’élection présidentielle de mai 1969. Le résultat électoral fut
calamiteux. Et la Ligue s’est isolée de toute l’extrême gauche pour des
années.
Des anciens plutôt déprimés
Quarante
ans après, la même manœuvre est à l’ordre du jour, impulsée par les
mêmes dirigeants, et mise en œuvre par la « garde rapprochée d’Olivier
Besancenot ».
Combien de vieux militants de la LCR déplorent-ils ce
triste bégaiement de l’histoire ? Je l’ignore mais à voir certains
d'entre eux errer dans les travées de la salle où se déroule le
congrès, le regard un peu absent, je me dis qu’ils ne semblent guère
partager l’enthousiasme de ceux qui sont à la tribune et que ce n’est
pas une question d’artères…
Comme je l’avais annoncé vendredi dernier,
Olivier Besancenot compte donc bien aller jusqu’au bout de sa démarche
et éradiquer toute velléité unitaire pour les élections européennes de
juin prochain.
Le contexte se prêtait pourtant admirablement à
une liste unitaire, Front de gauche ou pas. Le PCF et le PG de Jean-Luc
Mélenchon (ainsi que d’autres petits groupes) proposent cette unité et
sont prêts à de multiples concessions pour ce faire ; un sondage
intégrant la présent d’un Front de gauche recueillerait 14,5% des suffrages, ce qui lui permettrait de tutoyer le PS, voire de lui passer devant.
La
campagne pour le non de gauche a déjà montré que l’action commune entre
ces forces politiques était tout à fait possible. Il n’y a pas vraiment
de divergence programmatique importante entre ces différentes forces
politiques.
Les unitaires en conclave vendredi au congrès du NPA - Stéphanie Claverie
Un contexte favorable à l'unité
D’autant
qu’au passage, parler de programme politique concernant le NPA est un
abus de langage, tant les textes adoptés à St Denis par son congrès
constitutif ressemblent davantage à un catalogue de revendications qu’à
un vrai programme décrivant la société projetée et les moyens de
l’imposer. Comme l’analyse bien Gilles Suze,
les dirigeants trotskistes privilégient un seul schéma de stratégie de
conquête du pouvoir : « un mai 68 qui réussit », alors que beaucoup
d’autres hypothèses pourraient être envisagées.
En fait, les
militants nouveaux du NPA manifestent une naïveté politique confondante
que beaucoup de journalistes apprécient comme une sorte de fraîcheur.
Et quand on entend un militant du Sud de la France annoncer que dans
son quartier son comité NPA s'apprête à acueillir des jeunes filles
voilées, on se dit que ça ne va pas s'arranger dans un proche avenir.
L'ignorance est d'ailleurs présente de haut en bas, comme en témoigne
la sortie de Sandra - une responsable de Sud PTT que la direction du
NPA semble souhaiter mettre en avant - sur le fait que la dissolution
de la LCR était une première (oubliant celle de la Gauche prolétarienne
au début des années 1970 du RPR ensuite, etc).
Pourtant, une
bonne partie des troupes du NPA n'était pas hostile à une démarche
unitaire. La grève du 29 janvier montre l'efficacité de l'unité
d'action dans les luttes; Pourquoi ne pas la prolonger dans les urnes ?
AInsi la tendance Unir
de Christian Piquet, qui, après avoir échoué à imposer une candidature
unitaire à l'élection présidentielle de 2007, défend l'idée d'une liste
unitaire aux européennes, créditée de 13% au sein de la LCR, a vu son
score monter jusqu'à 20 à 25% dans les congrès locaux du NPA. Dès
vendredi, les «unitaires» ont tenu une réunion spontanée près de la
tribune (voir photo). On y croisait des anciens de la Ligue mais aussi
des militants issus d'autres sensibilités politiques ou des
inorganisés. Ils donnaient l'impression de se préparer à une bataille
de longue haleine.
Prétextes sectaires
Les
dirigeants du NPA, qui tiennent absolument à une candidature Besancenot
pour juin 2009 (avant celle de 2012), ont donc dû se triturer les
méninges pour convaincre des délégués peu politisés, donc sensible à
priori à l'esprit d'unité, d'avalider leur proposition sectaire.
Samedi matin à la commission sur les élections européennes, où se
bousculaient plus de 200 militants, ils ont déployé un incroyable
argumentaire pour récuser toute démarche unitaire. Tout en s'affichant
pour «l'unité sur une base anti-capitaliste», le député européen
Rosetta Vachetta, Isaac Joshua et Sandra, envoyés à cette commission
pour faire front, ont déployé deux arguments :
1°) Les éventuels
alliés du NPA devraient se prononcer en faveur d'une sortie du
nucléaire. Sans parler du fond (on peut considérer que le nucléaire est
la plus propre des énergies) cette condition est étonnante dans un
courant qui n'a jamais fait de l'écologie son cheval de bataille :
voici encore trois ans, les responsables de la LCR considéraient que la
question nucléaire relevait d'un débat qui pourrait donner lieu à
référendum. Mais pour éviter toute campagne commune avec le PCF, il
était, en effet urgent, de devenir des Khmers verts...
2°)
Pour faire bonne mesure, les responsables du NPA insistaient également
sur la nécessité d'inscrire une alliance électorale dans la durée,
c'est-à-dire de bâtir un accord qui concerne aussi les élections
régionales de 2010 et les élections de 2012, présidentielle et
législatives. Le meilleur moyen, en fait d'éviter toute possibilité
d'alliance avec le PCF, tributaire du PS pour ces différents scrutins.
Cet argumentaire sectaire sur le fond était servi par un esprit des
plus unitaires puisque les porte parole de la besancenie assuraient les
miilitants de leur volonté de se bagarrer pour une unité
anti-capitaliste. En réalité, ils n'ont aucune intuition de la façon
dont la crise actuelle pourrait déboucher sur un processus
révolutionnaire. Ils n'ont pas non plus réfléchi sur la façon dont
l'histoire de l'Europe montre une intéraction entre luttes sociales et
luttes électorales. Ce qui leur importe est de vendre de l'inédit à
leurs troupes : un poupon guévariste à la place d'un vieux grigou
trotskiste, un mouvement social contre le vieux mouvement ouvrier, des
razias en supermarchés (comme les raids de l'appel et la pioche qui rappellent ceux de la GP dans les années 70) contre la lutte patiente contre la vie chère, etc.
Voulez-vous la vérité ? Elle se déduit aisément de ces désolantes
palinodies. Besancenot et ses amis se fichent comme d'une guigne de
construire une force politique et électorale puissante à la gauche du
PS. Leur raisonnement est celui d'entrepreneurs politiciens : enivrés
par les perspectives que leur promettent les sondages, ils ne veulent
ni du pourvoir ni même de la révolution (à laquelle ils ne sont
d'ailleurs nullement préparés). Ils souhaitent simplement conquérir des
parts de marché et imposer la marque NPA à hauteur de 10 à 15%. Comme
n'importe quel patron de grosse PME de l'agro-alimentaire.
Dimanche 08 Février 2009 - 07:00
Philippe Cohen
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