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10 avril 2009

Ce qu'a vraiment dit Ségolène à Dakar !

Par Ségolène Royal, Présidente de la région Poitou-Charente. Pardon pour ces propos qui n'engagent pas la France. L’ex-candidate du PS à la présidentielle a présenté des excuses aux Africains pour les propos tenus par le chef de l’Etat à Dakar en juillet 2007. Extraits.

 



 


Royal: le contre-discours de Dakar
envoy

J’aime cette phrase de Martin Luther King : « Il n’y a que quand il fait suffisamment sombre que l’on peut voir les étoiles. ». Une de ces lueurs est apparue récemment, aux Etats-Unis d’Amérique, avec l’élection de Barack Obama. Au-delà du symbole de cet homme noir, jeune, qui accède à la première puissance du monde et redonne une fierté à tous les hommes et femmes de couleur et plus largement à ceux qui se sentent opprimés, au-delà de ce symbole créateur d’espoir, il y a la politique américaine qui change radicalement.   

Il y a ensuite le Forum social mondial de Belém. L’altermondialisme n’a jamais autant mérité de porter son nom. Penser le monde différemment, faire le serment de dépasser tous les schémas, les lieux communs, les systèmes de pensée qui rapetissent, être créatif et réaliste à la fois. A Belém comme à Washington, j’ai ressenti la même pulsation : celle de l’énergie vitale des peuples qui prennent les fausses vérités à contre-pied, se rassemblent, joyeux, sentant que le monde d’après se soulève.   

Oui, je crois à la force citoyenne, la force du peuple qui se dresse, comme s’est dressé le peuple des outre-mers autour d’un leader qui a porté la soif de justice et de respect, Elie Domota. Aucune atteinte à la dignité, aucune arrogance ne peut résister à la force de conviction, à la détermination d’un peuple qui a soif de respect et d’actions justes. 

Pour le meilleur et parfois, hélas, le pire, nos destins ont été liés. Ils sont liés.  

Le pire, ce fut l’esclavage, cette « déportation la plus massive et la plus longue de l’histoire des hommes », comme l’a écrit Christiane Taubira dans l’exposé des motifs de notre loi de 2001 qui reconnaît ce « crime orphelin » pour ce qu’il fut : un crime contre l’humanité.   

Le pire, ce fut la colonisation, dont une partie de la droite, dans un projet de loi, a essayé de nous faire croire, en 2005, qu’elle eut des « aspects positifs ». Permettez-moi d’être très claire : qu’il y ait eu à cette époque des hommes et des femmes sincères de bonne volonté, cela est sûr. Mais on n’a rien dit quand on n’a dit que cela. Le problème est que la colonisation fut un système. Ce système doit être condamné pour ce qu’il fut : une entreprise systématique d’assujettissement et de spoliation. Ses séquelles doivent être combattues sans fléchir.  

 

Les colonisés n’avaient pas le choix.   

Le travail forcé et le code de l’indigénat étaient la règle. Et le mépris. Et le racisme. Et la violence d’un système qui fit les uns ployés sous le joug des autres. Je veux rendre honneur à ceux qui, dans toute l’Afrique, se sont battus et sont morts dans un combat qui était le combat des Africains, oui, et de toute l’humanité. Et je suis fière qu’il y ait eu en France des consciences pour s’insurger, des militants pour se porter aux côtés de ceux qui luttaient pour leur indépendance. Ceux-là défendaient nos valeurs quand la colonisation en était la négation.   

Je crois que nous avons le devoir de poser les mots justes sur ce qui fut. Car les mots font plus que nommer : ils construisent la réalité et le regard qu’on porte sur elle. Nos plaies d’histoire ne sont pas toutes cicatrisées. Le devoir de mémoire n’a pas besoin de permission. Chacun s’en acquitte avec la subjectivité et l’héritage qui est le sien. Ce dont, en revanche, nous sommes collectivement comptables et responsables, c’est du droit à l’histoire, du devoir de vérité.   

Ce droit à l’histoire, ce devoir de vérité, c’est ce qui permet de regarder les faits en face et de partager un récit qui ne soit pas ressassement du passé, mais moyen de le dépasser sans amnésie, de se projeter ensemble dans l’avenir. Dans la dernière lettre qu’il a écrite à sa femme avant d’être assassiné, Patrice Lumumba a dit sa foi inébranlée dans l’établissement de la vérité historique : 
   

« L’histoire dira un jour son mot. L’Afrique écrira sa propre histoire. »   

Honneur aux maîtres de la parole qui conservèrent et transmirent. Honneur aux historiens de l’Afrique qui ont rappelé au monde que non seulement l’Afrique était le berceau de l’humanité, mais qu’elle était avec l’Asie Mineure le berceau de la civilisation humaine. Honneur aux historiens de l’Afrique qui ont rappelé au monde l’existence des grands royaumes et des grands empires de l’Afrique. Honneur aux historiens de l’Afrique qui ont retracé les mille et une relations nouées bien avant la conquête, en des temps où le Sahara, la Méditerranée et l’océan Indien n’étaient pas des frontières, mais des points de passage et de mise en contact.  

 

Quelqu’un est venu ici vous dire que « l’homme africain n’est pas entré dans l’histoire ».  

Pardon pour ces paroles humiliantes, qui n’auraient jamais dû être prononcées et qui n’engagent pas la France. Car vous aussi, vous avez fait l’histoire, vous l’avez faite bien avant la colonisation, vous l’avez faite pendant, et vous la faites depuis.   

Ce que Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire ont magistralement accompli avec le concept de « négritude », vous l’avez poursuivi avec le mot « Afrique », cet étendard d’une dignité reconquise. C’est pour cela que les œuvres des historiens Cheikh Anta Diop du Sénégal et Joseph Ki-Zerbo du Burkina Faso constituent non seulement un sommet de la science, mais aussi un sommet de la lutte pour la liberté. C’est pour cela qu’il était si important de démontrer comme ils l’ont fait que la Grèce ancienne devait tant à l’Egypte ancienne qui elle-même devait beaucoup à l’Afrique. Ils ont montré que les langues africaines permettent le même déploiement de la rationalité humaine que les langues européennes.    

  Il leur a souvent été reproché d’être partisans. En insistant sur leur engagement indépendantiste et panafricain, on a voulu mettre en doute la rigueur scientifique de leurs recherches. Mais aujourd’hui, chaque jour, les découvertes de l’égyptologie valident les thèses de Cheikh Anta Diop. Une certaine histoire européenne de l’Afrique a voulu dénier aux Africains la fierté d’être africains. Comme le pensait Lumumba, écrire, c’est agir, agir, c’est écrire.   

Pour aujourd’hui, il est bon que se constituent autant que cela est possible des équipes mixtes de chercheurs africains et européens pour retracer le destin commun de l’Afrique et de l’Europe. Car c’est en élucidant ensemble les pages communes de nos histoires que nous pourrons écrire ensemble les pages communes de nos futurs. Alors oui, il est temps que nous pratiquions davantage entre nous l’égalité vraie, loin des paternalismes, des misérabilismes, des ostracismes, loin des doubles langages qui masquent mal les doubles jeux.   

Oui, la France doit honorer sa dette à l’égard de l’Afrique, et les Français doivent apprendre à l’école ce qu’ils ont reçu de l’Afrique. Quand notre territoire national fut envahi, l’Afrique fut un refuge et une aide pour les forces de la France libre. Les soldats africains ont contribué, sur tous les champs de bataille, à inverser le cours de l’histoire. Le 8 mai 1945, sans l’Afrique et les Africains, jamais la France n’aurait retrouvé sa liberté. Alors comment oublier la sanglante répression menée au camp de Thiaroye contre des tirailleurs qui réclamaient simplement le respect, leur dû et le droit de porter leurs galons, car ils croyaient qu’à l’égalité du sang versé devait succéder l’égalité des droits. Ils avaient raison.   

Il y a des mots que le peuple français doit au peuple sénégalais et à tous les peuples africains qui ont souffert pour nous et par nous, ce sont des mots simples mais puissants, trois mots que j’ai envie de dire ici en tant que citoyenne et élue de la République française. Pardon. Merci pour le passé. Et, s’il vous plaît, pour l’avenir, bâtissons ensemble. Je veux que nous ayons la force de reconnaître enfin tout ce que nous vous devons et tout ce que nous pouvons ensemble. Et c’est parce que j’aime la France, parce que je la crois suffisamment forte et généreuse, que je la veux capable de regarder son histoire en face. Je la veux capable d’assumer son devoir de vérité et son devoir de responsabilité.  

Nous devons créer ensemble, à l’échelle de nos deux continents, une « commission Vérité du passé et avenir commun » qui aurait accès à toutes les archives civiles et militaires, qui accueillerait tous les témoignages, qui aurait pour mission de dire le vrai, de pacifier les mémoires et de recueillir tous les témoignages.  

  La France républicaine mérite aussi que cessent ce qu’on appelle – et on sait ce que cela veut dire – la « Françafrique » et l’opacité de décisions prises dans le secret de quelques bureaux. Nos pays doivent inventer une relation fondée sur le respect et l’intérêt mutuel. Je veux une France du respect, dénuée d’arrogance, ouverte, mais exigeante sur la défense des libertés démocratiques partout où il le faut. 

Il faut en finir avec cette idée fausse selon laquelle la démocratie et les droits fondamentaux n’auraient qu’un seul berceau, l’Occident. Dans une conférence donnée récemment par Stéphane Hessel sur l’histoire de la Déclaration universelle des droits de l’homme dont il fut l’un des rédacteurs, il avait donné la parole à Souleymane Bachir Diagne.    

Ce dernier rappelait que, dans la Charte du mandé du XIIIe siècle, ce « serment des chasseurs » qui se voulait aussi adresse au monde, on trouve une définition toujours actuelle des droits de la personne humaine. Je veux rendre hommage au Sénégal, au Mali, au Ghana, au Bénin, au Liberia, à tous les pays du continent qui ont su s’ouvrir aux transitions démocratiques. Surtout, je veux rendre hommage à tous ceux qui, jeunes et moins jeunes, fidèles aux idéaux qui guidaient leurs aînés au moment des indépendances, se battent pour faire vivre leurs droits à la liberté, à l’égalité et à la fraternité.   

Pour nous, Français, cela veut dire que nous ne pouvons ni soutenir les dictatures, ni jamais abandonner les démocrates. Le refus absolu de l’ingérence dans les affaires intérieures d’un pays souverain ne signifie pas que l’on s’abstienne de lui demander des comptes toutes les fois que cela est nécessaire. C’est cela, le dialogue entre égaux.    

 

Le rôle de l’Afrique dans cette profonde mutation est majeur.   

Parce que l’Afrique a subi plus que tout autre endroit du monde, souffert plus que tout autre continent, elle peut imposer l’être humain au cœur du système et devenir un phare pour le monde. Qui mieux qu’elle peut saisir l’impasse de la déshumanisation, elle qui a subi à travers les siècles cette déshumanisation ? C’est dans le feu qu’on forge les plus belles lames, c’est dans les larmes que l’on peut aussi forger les plus grandes joies. Faisons nôtre cette jolie phrase que j’ai entendue de la bouche des jeunes de Thiaroye : soyons solidaires comme les grains de l’épi de maïs, forts comme le baobab, courageux comme le lion. 

discours_de_nicolas_sarkozy_a_dakar.pdf Discours de Nicolas Sarkozy à Dakar.pdf (982.15 KB)

Vendredi 10 Avril 2009 - 13:00

 

Ségolène royal

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