Si la gauche cherche des conseillers, en voici !
Depuis que les hommes et femmes politiques ont cessé de penser par
eux-mêmes, il leur faut des conseillers pour tout : pour les médias, le
look, Internet et même la pensée. Un métier qu'Alain Minc exerce avec
bonheur puisque, comme l'a bien noté notre ami l'Antidote, l'homme de
l'avenue George-V, siège de son entreprise personnelle, conseille
l'ensemble des politiciens du cercle de la raison : Nicolas Sarkozy bien
sûr, mais aussi DSK et même Martine
Aubry, bien que son entourage
minimise ses rencontres informelles mais régulières avec son vieux
copain de promotion de l'ENA.
Bref, la gauche a besoin de
conseils pour gagner en 2012 et surtout pour savoir comment gérer le
pays. Les deux sont d'ailleurs inséparables : un bon programme est aussi
utile pour gagner que pour gouverner, n'en déplaise aux fourriers de la
la démocratie pour lesquels la démagogie populiste est l'ingrédient
incontournable de toute victoire électorale.
Ne reculant devant
aucun sacrifice, Marianne2.fr se propose de fournir une liste
de conseillers à consulter utilement pour la gauche avant l'échéance de
2012. Nous ne sommes pas toujours d'accord avec eux, et eux-mêmes ne
sont d'ailleurs pas d'accord entre eux, mais ils partagent tous une même
caractéristique : la liberté de penser. Nous tenons à la disposition
des responsables socialistes, écologiques ou du Front de gauche les
coordonnées de ces intellectuels.
Economie
L'ancien économiste du Medef est un libéral qui a prix conscience
des ravages de la mondialisation financière et du libre-échangisme, ce
qui a facilité son limogeage de l'organisation patronale. Il serait de
bon conseil en matière de politique monétaire et industrielle.
Cet ex-membre du cabinet de Jean-Pierre Raffarin travaille chez
Rothshild où il s'occupe des fusions/acquisitions en Afrique et
sur le pourtour méditerranéen. Il milite activement en faveur d'un
protectionnisme européen et a des tas d'idées sur la relation entre la
France et les pays du Maghreb. Ségolène Royal l'a reçu. Et écouté ?
C'est à voir... À ne pas rater, son nouvel essai sur la crise, à
paraître chez Flammarion à la rentrée.
Frédéric Lordon ne fait pas partie du Conseil d'analyse
économique. D'où les idées inconoclastes mais très raisonnables qu'il
propose, comme la limitation des profits, la cotation mensuelle ou même
la suppression de la Bourse. Oui, raisonnée : dans le dernier numéro du Monde
Diplomatique, il démontre très bien qu'aujourd'hui ce ne sont plus
les entreprises qui se financent à la Bourse mais plutôt l'inverse à
travers les versements de dividendes et les opérations de rachat
d'actions.
Territoires
Ces deux intellos d'origine socialiste instruiront utilement le ou
la candidate sur l'exode urbain et sur les déceptions et états d'âme
du peuple des petites bourgades abandonné par la gauche. Lire Recherche
peuple désespérément avant l'entretien.
CHRISTOPHE
GUILLUY
L'indépendance. Une contrainte et un choix. Un
temps trotskiste, Guilluy a pris ses distances avec une extrême gauche
incapable de saisir la nouvelle dynamique démographique centrifuge du
pays qu'il décrit dans son Atlas des nouvelles fractures sociales en
France (Autrement). Une critique qu'il adresse aussi aux partis de
gouvernement de la gauche. « Le vote Royal est surreprésenté dans
les hypercentres des agglomérations, les villes habitées par la
bourgeoisie et par un sous-prolétariat.» Au contraire de Nicolas
Sarkozy dont le discours a séduit fortement les classes anxieuses,
populaires et moyennes jusqu’à la grande bourgeoisie. À 45 ans, il est
l'un des rares chercheurs à travailler en dehors de l'université. Ses
travaux longtemps ignorés ont quand même fini par retenir - un peu -
l’attention du Cevipof. L'institut de recherche sur la vie politique de
Sciences-Po a même publié un de ses textes... Si la gauche est plus
hermétique que le Cevipof, où va-t-elle ?
Cette démographe de l'immigration tente d'alerter les décideurs
sur l'impact des politiques d'immigration. Elle milite à contre-courant,
contre la tendance des médias et des ONG à prôner la libéralisation de
l'immigration sans en évaluer les conséquences pour l'économie et la
société. Elle se bat pour la possibilité de refaire des enquêtes
permettant de mesurer si la proportion des mariages mixtes entre
Français et personnes d'origine étrangère se sont poursuivis depuis les
années 1990. À ne pas rater : son prochain livre, Les
Yeux grands fermés, qui paraît chez Denoël le 18 mars.
Politique
Considérant que l’État et
la nation sont les deux volets indissociables de la modernité politique,
le philosophe formule une critique politique du libéralisme et de la
société néolibérale dont il présente le développement comme un frein à
l'exercice politique de la démocratie. L’œuvre de Gauchet, c’est aussi
le refus de considérer les droits de l’homme comme l’alpha et l’omega de
toute politique, un questionnement du phénomène religieux en
démocratie, ou de l’autorité des savoirs – véritable source de la crise
de l’éducation, selon lui – au sein de l’institution scolaire.
Il est l'un des chefs de file historiques de la deuxième gauche française, historien et conseiller de la CFDT à l'origine, compagnon de route du Nouvel Observateur, dans lequel il publie sa chronique depuis des dizaines d'années. Il est le premier, sans doute, à avoir « viré sa cuti » (lui ne serait sans doute pas d'accord avec l'expression) en dénonçant le hold-up idéologique des marchés sur la gauche. Il s'est prononcé contre une éventuelle candidature de DSK, qui incarne de façon trop évident pour lui la logique de l'économie financière.
C'est sans doute le plus créatif des intellectuels français, et sa
culture anglo-saxonne n'y est sans doute pas étrangère. Il a annoncé
successivement le crépusule de l'URSS et le déclin des États-Unis, ce
qui lui a procuré moults quolibets des plus conformistes. Ses dernières
prises de position, en défense de l'Iran (mais non de Mahmoud
Ahmadinejad bien sûr) et de l'évolution positive des populations
islamiques, ainsi que sa dénonciation violente de Sarkozy, ont encore
surpris. Il a rencontré Dominique de Villepin mais personne au PS ne l'a
contacté depuis fort longtemps.
International
Cette chercheuse de l'IFRI (Institut français des relations internationales) est une très bonne spécialiste de l'Asie. Elle réfute de façon raisonnée la sino-béatitude de nos élites.
Ex-jeune giscardien dans les années 1980, ce professeur d'université a évolué vers une opposition de plus en plus résolue au néolibéralisme. Notre meilleur connaisseur de l'Allemagne, qui tranche avec des décennies de conformisme grossérien.
Les analyses consacrées à la crise de cet économiste de l'École pratique des hautes études ont été parmi les plus pertinentes. Au point que le voici consulté par certains chefs d'État, comme Chavez par exemple. Mais Sapir a une deuxième corde à son arc, la Russie, où il enseigne depuis des années. Au moment où la diplomatie française semble à nouveau se tourner vers l'est, l'homme serait de bon conseil sur l'économie internationale, qui est devenue la clef de la diplomatie mondiale.
Alors quoi ? Il n'y a pas de mal à se frotter aux idées des
autres. Il pourrait même en sortir un début de conviction sur d'autres
sujets que le sociétal, ce consensus mou et vide qui fait tant de mal à
la gauche depuis deux décennies. La gauche refuse trop souvent de
regarder, de près et dans les grandes largeurs, les transformations
induites par la mondialisation néolibérale et les désastres du
capitalisme financier. Le retour au réel s'impose, et donc la
confrontation avec ceux qui l'appréhendent le mieux.
aubry, brustier, dsk, el karaoui, gauchet, greau, huelin, husson, julliard, lordon, minc, niquet, ps, royal, sapir, todd, tribalat
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