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5 avril 2011

"Le projet du Parti socialiste est plutôt la marque d'une gauche réformiste"

LEMONDE pour Le Monde.fr | 04.04.11 | 12h57  •  Mis à jour le 04.04.11

 

 

Laurent Fabius, Ségolène Royal, Lionel Jospin, Martine Aubry, Dominique Strauss-Kahn et François Hollande, en septembre 2006, autour du maire de Lens, Guy Delcourt.

Laurent Fabius, Ségolène Royal, Lionel Jospin, Martine Aubry, Dominique Strauss-Kahn et François Hollande, en septembre 2006, autour du maire de Lens, Guy Delcourt.AFP/LAURENT LAMACZ

 

Dans un chat sur LeMonde.fr, Michel Noblecourt, éditorialiste au "Monde", note que si "le PS, avec son projet, a franchi une étape au niveau de la crédibilité", son problème est "surtout de devenir audible".

 

Tintin : Quelles sont les mesures originales et innovantes proposées par le PS dans son projet pour 2012 ?

JEAN BLAGUIN : Pourriez-vous rappeler brièvement les grands traits du projet socialiste ?

Michel Noblecourt : Je pense que les mesures les plus originales ont trait aux questions de société, sur lesquelles le Parti socialiste opère certaines inflexions, voire ruptures, avec ses programmes passés.

Il en est ainsi sur l'idée d'un "bouclier logement", qui devrait faire en sorte que personne ne soit amené à dépenser plus de 25 % de son budget pour le logement. Il se prononce également d'un droit universel à la compensation de la perte d'autonomie, qui devrait être financée non pas par l'assurance privée, comme le propose la droite aujourd'hui, mais par le biais du rétablissement d'un impôt sur les successions.

L'originalité se trouve aussi sur la santé, où le Parti socialiste, au risque de se mettre à dos les syndicats de médecins, se prononce en faveur d'une régulation de l'installation des médecins libéraux, de façon à lutter contre les déserts médicaux.

Le projet est structuré autour de dix mesures phares, dont les plus importantes sont la fusion de l'impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée, la création de 300 000 "emplois d'avenir" pour les jeunes, dont 100 000 dès 2013, le plafonnement des salaires des patrons des entreprises dont l'Etat est actionnaire, c'est-à-dire que l'écart entre le salaire le plus bas et le salaire du chef d'entreprise ne pourra pas être de plus de 1 à 20.

C'est aussi un projet qui est marqué du sceau d'une certaine rigueur économique, puisque le Parti socialiste met en avant la nécessité de réduire les déficits publics et prévoit de ne pas dépasser 5 milliards d'euros de dépenses nouvelles par an.

Jean-Victor : Les emplois jeunes datent de 1997, est-ce adapté à la France de 2011 ?

Si on considère que la priorité absolue aujourd'hui, c'est de lutter contre le chômage des jeunes, qui pour la tranche 15-24 ans est de 22,3 %, je ne pense pas qu'il soit inadapté de tout tenter pour favoriser l'emploi des jeunes.

En 1997, les emplois jeunes promis par Lionel Jospin étaient une des mesures phares de son programme pour les élections législatives. Ségolène Royal, de son côté, avait promis, en 2007, 500 000 "emplois tremplins". Depuis les premiers pactes pour l'emploi des jeunes lancés par Raymond Barre en 1976, tous les gouvernements, de droite comme de gauche, ont échoué et n'ont réussi qu'à faire baisser très temporairement le chômage des jeunes, qui est un des plus élevés en Europe.

Maxime : Le projet du PS pour 2012 est-il radicalement différent du projet présidentiel de Ségolène Royal en 2007 ?

C'est trop tôt pour faire une telle comparaison. Il faut savoir qu'il s'agit ici du projet du Parti socialiste pour 2012 et que les candidats qui se présenteront à la primaire socialiste en octobre développeront chacun leurs priorités, même s'ils s'inspirent tous de ce texte.

C'est donc le projet du candidat socialiste, que l'on ne connaît pas encore, qui sera plutôt à comparer avec celui de Ségolène Royal en 2007.

Cela dit, à ce stade, ce programme n'est pas radicalement différent, même s'il va plus loin dans certains domaines, notamment sur le terrain économique et social.

Roland de Nîmes : S'agit-il des prémices d'un projet du PS ou des prémices du projet de Martine Aubry ?

A ce stade, le projet du Parti socialiste porte la marque de Martine Aubry. C'est elle qui a mené les travaux des experts, et notamment du Laboratoire des idées, et qui a opéré les derniers arbitrages.

Mais elle a veillé à tenir compte de l'avis des différents présidentiables à travers le Conseil politique qu'elle a réuni à plusieurs reprises et qui regroupe les amis de Dominique Strauss-Kahn, Ségolène Royal, François Hollande, Bertrand Delanoë, Laurent Fabius, Arnaud Montebourg, Manuel Valls.

D'une certaine manière, elle a opéré une synthèse entre les idées des uns et des autres, elle a tenu compte de leurs remarques, sachant que chaque responsable n'opère pas la même hiérarchie dans les priorités à mettre en avant.

Jean-Victor : Plafonner des rémunérations quand le marché est fondé sur la croissance, c'est-à-dire l'expansion continue, n'est-ce pas un non sens absolu ?

Je ne vois pas en quoi le plafonnement des rémunérations des dirigeants d'entreprises serait lié à la croissance. A ma connaissance, l'explosion des salaires des chefs d'entreprises dans des proportions importantes, y compris depuis le début de la crise financière, a pu se développer alors même que la croissance était molle.

JLouis19 : Le PS a-t-il comme projet de revenir immédiatement sur les suppressions de postes dans la fonction publique et d'annuler les 100 000 programmées par la droite sur les 3 prochains budgets ?

Si la gauche gagne l'élection présidentielle en 2012, elle fera voter, comme tout gouvernement, une loi de finances rectificative.

Cette loi annulera certainement la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire parti à la retraite sur deux. Dans le projet du Parti socialiste, il est indiqué qu'il mettra fin à ce qu'il appelle la "baisse aveugle" des effectifs de la fonction publique, et il va même plus loin en indiquant que dans certains domaines, comme l'éducation, la justice et la police, il y aura des hausses des effectifs.

Ainsi, il s'engage à recruter, d'ici à 2017, 10 000 policiers. Mais pour autant, il indique aussi clairement que dans certains autres secteurs de la fonction publique, il y aura également des baisses d'effectifs.

zuc : Certains économistes font état d'une balance coûts vs recettes de 20 vs 5 milliards d'euros. Crédible ?

Je ne sais pas de quels économistes il s'agit. Je ne connais pas davantage leur règle à calcul. Ce que l'on peut observer dans le projet du Parti socialiste, c'est qu'il évoque l'objectif de dépenser 25 milliards d'euros sur 5 ans, soit 5 milliards de dépenses nouvelles par an.

Il se fonde sur une croissance moyenne de 2,5 % par an sur la période 2013-2017, et il table à la fois sur la maîtrise des dépenses et sur les rentrées de recettes fiscales pour réduire le déficit.

Ainsi, il compte dégager 40 milliards à 50 milliards d'euros sur la période 2013-2017, en supprimant notamment certaines niches fiscales et en revenant sur ce qu'il appelle les "cadeaux fiscaux" faits par Nicolas Sarkozy ces dernières années.

Dabou : Le projet table sur une croissance annuelle moyenne du PIB de 2,5%. Qui peut y croire ?

Apparemment, pas vous. Les socialistes semblent y croire, sachant que leurs prévisions sont très proches pour cette période de celles du gouvernement actuel, et qu'ils comptent sur une politique industrielle forte pour soutenir la croissance.

Cela étant dit, vous avez raison, la plupart des économistes se sont régulièrement trompés sur leurs prévisions de croissance.

Re4Qube : Le projet aborde-t-il la question du départ à la retraite ? Et si tel n'est pas le cas, faut-il en conclure que le PS entérine de fait la réforme votée par l'UMP fin 2010?

Marc22 : Peut-on penser que le PS reviendra sur la loi concernant l'âge minimum de départ à la retraite ?

Je n'ai pas vu mentionnée dans le projet du PS, tel qu'on le connaît, la question du départ à la retraite, mais la version définitive du projet devrait aborder ce sujet.

A ma connaissance, le Parti socialiste s'est engagé, lors du débat sur la réforme des retraites lancée par Nicolas Sarkozy, à rétablir le droit de départ à la retraite à 60 ans.

Mais il prévoit aussi un système de retraite à la carte qui, de fait, vise à inciter les salariés à travailler au-delà de 60 ans s'ils le souhaitent.

Florent : Y a-t-il un projet socialiste pour les affaires étrangères, la diplomatie et les migrations ? Si oui, quel est-il ?

Le projet socialiste est la synthèse des travaux de trois conventions qui ont eu lieu en 2010, qui ont porté sur le nouveau modèle de développement, l'égalité réelle et la politique internationale.

Donc, il y aura un volet sur la diplomatie et la politique extérieure de la France, mais qui ne marque pas de véritable rupture avec la politique menée aujourd'hui.

Anne L : Pourquoi le PS n'a-t-il pas attendu que le gagnant de la primaire soit désigné pour dévoiler son programme ?

C'est une question tout à fait intéressante.

C'est vrai que la logique des primaires voudrait que chaque candidat puisse présenter son propre projet et que les électeurs se déterminent davantage sur son programme que sur son profil.

Mais dans toutes les dernières élections présidentielles, qu'il s'agisse de 1995, de 2002 ou de 2007, le Parti socialiste a toujours arrêté son programme avant de choisir son candidat, ce qui a souvent créé des difficultés, notamment en 2007, quand Ségolène Royal s'est trouvée en porte-à-faux avec son parti sur plusieurs de ses propositions.

Pour autant, il est probable que le candidat désigné, s'il s'inspire de ce programme, définira ses propres priorités, comme cela s'est toujours fait.

Scoubidou : Comment combattre les cris d'orfraie de la droite, qui prétend que ce sont des mesures archaïques et ringardes ?

Anne L : Ce projet sera-t-il suffisant pour arrêter les commentaires du genre "la gauche n'a pas de projet" ?

N'étant pas le porte-parole du Parti socialiste, ni le concepteur de son projet, je peux difficilement me mettre à sa place pour répondre aux critiques dont il peut faire l'objet de la part de la droite.

Ce que l'on peut dire, c'est que quel que soit le contenu de ce projet, la droite le jugera archaïque et ringard. Cela fait partie du débat politique tel que nous le connaissons aujourd'hui.

La meilleure façon de prévenir ces critiques, c'est sans doute d'établir une vraie hiérarchie autour d'un petit nombre de propositions phares et d'indiquer à chaque fois comment le PS entend les financer.

Le PS a franchi une étape au niveau de la crédibilité en s'efforçant de tenir compte de la situation économique et de ce qu'elle ne permettra pas de faire en 2012.

Son problème aujourd'hui est surtout de devenir audible, ce qu'il a du mal à être en l'absence de candidat. Le plus difficile, donc, va être de gérer cette période de six mois entre la présentation de son projet et la désignation de son candidat.

nicolas : Peut-on dire que le projet du PS est vraiment, aujourd'hui, un projet de gauche ?

Le projet du Parti socialiste se définit comme un projet "ancré à gauche". Mais ce n'est pas un texte de rupture, en tout cas sur le plan économique, social et institutionnel.

Les ruptures se situent plutôt sur les questions de société. Le PS ne promet pas le grand soir, n'est plus en 1981, et sans doute les électeurs de gauche pourront-ils lui reprocher de ne pas les faire vraiment rêver.

Mais le projet est plutôt la marque d'une gauche réformiste qui s'assume comme telle et qui préfère faire des promesses qu'elle pourra tenir plutôt que de décevoir de nouveau ses électeurs si elle revient au pouvoir en promettant des réformes plus radicales.

David Skema : Le nouveau projet du PS peut-il convaincre la majorité des Français ? Si oui, quel serait le meilleur candidat pour le porter jusqu'à la victoire ?

Si l'on en juge par le résultat des dernières élections cantonales, même s'il faut tenir compte du pourcentage très élevé d'abstentions, dans un scrutin qui ne concernait que la moitié des électeurs, la gauche est majoritaire et le Parti socialiste est de loin de premier parti de France.

Les sondages sur l'élection présidentielle, qui sont publiés aujourd'hui et qui doivent être accueillis avec la prudence nécessaire alors que le paysage de l'élection de 2012 n'est pas encore défini, montrent également que le Parti socialiste est bien placé pour emporter cette élection.

Le défi auquel il est confronté est de susciter un vote d'adhésion alors qu'à l'évidence, aujourd'hui, il bénéficie essentiellement du rejet de la politique de Nicolas Sarkozy.

Il ne faudrait pas qu'il gagne par défaut.

Quant au meilleur candidat, c'est celui ou celle qui sera capable d'incarner cette gauche réformiste qui apparaît à travers ce projet tout en rassurant les électeurs de la gauche de la gauche quant à sa capacité à procéder à de véritables réformes.

Chat modéré par Olivier Biffaud

 

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