PS et élections Européennes:Gilles Savary
Contre toute probabilité, le Parti Socialiste ne m'a finalement pas investi en position éligible sur la liste de ma circonscription européenne du grand Sud-Ouest. Il n'y a pas dans ce non-événement matière à compassion, spécialement à une époque où nos compatriotes sont confrontés à des problèmes et à des difficultés autrement graves et angoissantes.
Mais
à en juger par le nombre de réactions stupéfaites et interrogatives qui
m’ont été adressées, il apparaît que les mieux informés et les plus
sagaces observateurs n’ont pas idée de la façon dont fonctionne un
grand parti de gouvernement dans la France en crise de ce début de
siècle…
A cet égard, la relation de mon éviction ne sera pas inutile
à leur culture générale et accessoirement, à un minimum de transparence
démocratique.
Un vendredi fatal
Jusqu’à
la réunion du « courant » Royal, ce vendredi fatal du 27 février dans
un sous-sol de l’Assemblée Nationale, l’hypothèse la plus robuste était
que je figure en 3ème position de la liste du grand Sud Ouest.
Les
deux premières places devaient -et sont finalement revenues- à Kader
Arif, proche de Bertrand Delanoë, et Françoise Castex proche d’Henri
Emmanuelli, tous deux de la région Midi Pyrénées.
La Région
Landeguoc-Roussillon s’était résolue à ne pas revendiquer cette 3ème
place, au nom de mon bilan de député sortant et des fonctions
d’influence que je pouvais apporter au Parti Socialiste français et à
la France au sein du Parlement Européen : une Présidence de Commission,
une vice-présidence du Parlement ou une coordination PSE.
C’était
précisément le sens de ma candidature, après 10 ans d’un investissement
politique opiniâtre dans les domaines des Services Publics et des
transports, bien identifié au Parlement Européen, en France, et même
au-delà…Ségolène Royal avait imprudemment déclaré au journal Sud-Ouest
que je figurerai en position éligible dans ma région.
Martine
Aubry m’assurait que mes états de service et l’atout que je
représentais au Parlement Européen me plaçaient dans son « carré d’as »
des reconductibles…
A l’exception des amis de Benoît Hamon, des
personnalités de divers horizons du Parti Socialiste ont spontanément «
mouillé la chemise » en ma faveur : Pierre Moscovici, Bernard Poignant,
Harlem Désir, Catherine Guy-Quint, Martine Roure et d’autres encore.
Tous
les Parlementaires girondins, sans exception ni considération de
sensibilité, se sont solidarisés avec la Fédération Socialiste de la
Gironde pour m’apporter leur appui, au nom de mon implantation dans le
Département le plus peuplé de la circonscription.
J'étais le député le plus consensuel...
Au sortir d’un Congrès saignant, j’étais le député européen socialiste le plus consensuel.
Au bout de la procédure de désignation interne, je suis un sortant sorti !
Que s’est-il passé ?
Crédité
de 6 candidats en position probablement éligible, le « courant » de
Ségolène Royal animé par Vincent Peillon, François Rebsamen, David
Assouline et Manuel Valls éprouvait des difficultés à reconduire
Vincent Peillon à une position qui convint à son rang éminent.
Elu
en 2004 dans la circonscription du grand Nord, Martine Aubry, leader du
Parti Socialiste et maîtresse des lieux, l’avait excommunié, refusant
catégoriquement de l’y reconduire, considérant qu’il avait quitté la
région en 2008 et qu’il ne pouvait être question que le Nord supportât
un candidat du clan Royal après que ce dernier l’ait accusé de fraude
électorale au Congrès de Reims.
La jachère de Peillon
C’est
la jachère de Peillon qui allait m’être fatale, par l’un de ces obscurs
télescopages d’appareil qui échappent au commun et que l’on travestit
généralement de déclarations fraternelles et unionistes en diable !
Vincent Peillon lorgnait une délocalisation en tête de liste de la circonscription Rhône-Alpes / PACA.
Mais
pour l’obtenir, il lui fallait circonvenir Gérard Collomb, le puissant
Maire de Lyon, par ailleurs leader politique de la motion Royal au
Congrès de Reims, qui refusait la perspective d’un parachutage.
Pour contourner l’obstacle Collomb, il fallait à Peillon des alliés au sein du clan Royal.
Tous
comptes des voix militantes effectués, il décidait de payer cash le
soutien de Jean-Noël Guérini, patron des Bouches-du-Rhône, contre
l’investiture en position éligible d’une personnalité extérieure au
Parti Socialiste, Karim Zeribi.
Il lui fallait aussi le concours du
Languedoc Roussillon qu’il allait monnayer en donnant la 3ème place de
la circonscription du Sud-Ouest à Eric Andrieu, 1er secrétaire fédéral
de l’Aude, au prix… de mon éviction.
Après en avoir obscurément
infusé le scénario pendant la semaine, Vincent Peillon pouvait réunir
le « courant » Royal quelques heures avant la Commission Electorale du
PS et sa Convention du samedi 28 février, pour faire avaliser cette
savante manœuvre d’appareil par une salle étroitement verrouillée par
les Marseillais et les languedociens.
La messe d'un parti fraternellement réuni
Gérard
Collomb, réalisant le piège monté contre lui, ne pouvait que constater
le décès de la « Ligne Claire », par retournement de Guérini qui en
constituait, depuis le Congrès de Reims, l’un des piliers politiques.
Le « courant » Royal éclatait ce vendredi 27 février, avant celui de Bertrand Delanoë le 1er mars…
Comme
il se doit, Martine Aubry n’avait plus qu’à célébrer la messe d’un
Parti Socialiste « fraternellement » réuni le temps d’une Convention
mortifère à la Mutualité.
Loin, bien loin des préoccupations des
Français, de l’Europe, de l’influence de la France, du travail et du
mérite des sortants, de la crise sociale, de l’avenir du Monde et des
conséquences de notre insoutenable indifférence européenne…
Ce qu’il
faut retenir de cette histoire, c’est qu’au Parti Socialiste, ce sont
des coalitions obscures d’apparatchiks et de féodaux qui en imposent
désormais aux grands leaders optiques du Congrès de Reims, confondants
d’impuissance… !
Un autre enseignement que je livre à l’attention
des futurs députés européens socialistes, c’est qu’à de très rares
exceptions près, on ne peut pas être un Parlementaire européen
conséquent et prétendre durer. Tout simplement parce que l’un dépend de
la présence en Commissions Parlementaires à Bruxelles, et l’autre d’un
incessant grenouillage au siège du Parti, les mêmes jours, les Mardi et
Mercredi…Etre en Cour à Paris signifie l’insignifiance à Bruxelles et
vice et versa…
Du coup, les Français subissent l’Europe, laissant à d’autres le soin de la faire.
Si
l’on me demande pourquoi j’ai résolument choisi, au risque de me
tromper d’attelage, la rénovation du PS et de nos mœurs politiques
depuis 2006, la Convention de désignation à l’élection européenne m’a
donné matière à l’illustrer et à me conforter dans cette voie risquée
et incertaine.
« Sans haine ni violence » comme disait Spaggiari.
Mais en toute liberté.
Gilles Savary, député européen
Source: aqui.fr